Car cette fois, c'est un peu plus près des étoiles que se situe l'action de ce (quasi) huit-clos pas comme les autres : jouant la carte du futur proche et donc crédible, No Code nous transporte en effet dans une nouvelle déclinaison de la station spatiale internationale baptisée Observation, au sein de laquelle les astronautes, cosmonautes, et autres aventuriers stellaires de toutes nationalités flottaient des jours heureux.

La Croisière Samus

Mais ça, c'était avant. Avant la collision avec un mystérieux objet entraînant une perte de conscience d'une partie de cette joyeuse croisière. Observation s'ouvre ainsi sur le réveil forcément difficile d'Emma Fischer, qui va rapidement demander l'aide de l'I.A. spatiale répondant au sobriquet de S.A.M. pour l'aider à remonter le cours des événements. Et c'est bien aux commandes de l'ordinateur de bord lorgnant un certain HAL que vous assisterez aux pérégrinations flottantes de la jeune recrue. Hasard de l'histoire ou trouvaille scénaristique, votre mémoire interne est passablement corrompue, ce qui va vous obliger à découvrir en temps réel ce qui a bien pu se produire.

L'omniscience de l'intelligence artificielle s'avère bien pratique, puisqu'elle permet de communiquer avec Emma en toutes circonstances, et, absence de gravité oblige, dans toutes les positions. S.A.M. peut librement s'incarner dans les nombreuses caméras disposées dans chacun des modules, y compris dans ceux qui seraient encore verrouillés. Ces angles stratégiques s'accompagnent d'ailleurs de nombreux effets visuels d'interférence et autres bruits blancs qui renforcent l'immersion de fort belle manière. Avant de paraître répétitive, l'exploration des différents modules impose son propre rythme, et parvient à retranscrire avec justesse et monotonie l'intérieur de ce satellite industriel dans lequel s'entassent pourtant une poignée de chercheurs. Chaque pièce tente tout de même de se démarquer grâce à quelques détails, mais passée une ou deux heures de jeu, une certaine forme de redondance s'installe immanquablement.

Full moon illuminates my room

C'est que la station Observation semble désormais bien vide, et après un redémarrage des fonctions principales de cette dernière, Emma aura bien vite à coeur de retrouver ses compagnons d'infortune. Vous l'aurez compris : le thriller de No Code joue à fond la carte de l'angoisse cosmique, puisque la sensation de solitude marque l'aventure d'une bien belle manière. Sans jamais égaler la maestria d'un Dead Space, Observation profite tout de même d'un sound design sourd qui participe à l'ambiance pesante régnant au sein de la station. En plus de laisser toute la place aux nombreux dialogues entre Emma et S.A.M., le bruit de fond de l'espace permet d'accentuer la moindre variation, et ainsi de faire monter la tension. Le port du casque est d'ailleurs dans le vide intersidéral, vivement recommandé.

Passé la remise en marche des fonctions essentielles d'Observation, le jeu balance quelques twists bien amenés, et fait ainsi prendre conscience de la gravité de la situation, tout en rendant le personnage d'Emma attachant. Si l'aventure se vit et se découvre à travers les nombreux points de vue de S.A.M., c'est bel et bien le sort de notre héroïne esseulée qui nous poussera à aller de l'avant. Il faut bien avouer que le jeu forcément robotique d'Anthony Howell ne parvient pas vraiment à créer une quelconque forme d'empathie pour l'I.A., bien qu'Emma s'adresse à elle comme s'il s'agissait d'un de ses semblables. Pourtant, S.A.M. a de quoi interpeller : en proie à d'étranges messages indéchiffrables, il est impossible de ne pas s'interroger sur les motivations de cet ordinateur de bord qui visualise régulièrement un ordre soulevant de nombreuses interrogations...

MIR Express

Économe dans ses mécaniques, Observation vous amène dans un premier temps à basculer d'un module à l'autre par le biais de nombreuses caméras qui permettent de suivre les moindres faits et gestes d'Emma, mais surtout de pénétrer des compartiments hermétiquement fermés de la station. Libre comme l'air, S.A.M. va donc jouer les crocheteurs de l'espace grâce à sa fonction de scan, qui permet de communiquer avec les très (trop) nombreux ordinateurs de bord, qui feraient passer la moindre boutique de Montgallet pour un stand de brocante dominical. À vous de trouver le bon angle pour devenir un véritable insider dématérialisé, et enchaîner les puzzles afin d'ouvrir portes verrouillées et autres systèmes de survie en tous genres. Assez dépouillés, ces derniers se basent souvent sur les mécaniques bien connues du Simon, quant ils ne nécessitent pas de trouver un schéma quelconque afin de décoder leur fonctionnement.

Mais l'affaire ne s'arrête pas là, puisque l'I.A. gagne ensuite en mobilité grâce à une sphère très largement inspirée de ce cher Wheatley croisé dans Portal 2, et qui permettra de joyeusement déambuler en trois dimensions au sein de la station, et même en dehors. Plus rapide que les caméras passablement apathiques, cette petite boule de circuits permet surtout de découvrir en détails les différents environnements, mais surtout d'expérimenter la grisante sensation d'apesanteur. À l'intérieur de la Microgravity Guidance Sphere (c'est son nom), il est aisé de se rendre compte à quel point la notion de direction n'a plus le droit de cité lorsque l'on se déplace en orbite, et à quel point de simples couloirs peuvent rapidement se transformer en inextricables labyrinthes de la mort.

More of the S.A.M.

Sauf que pour rire dudit labyrinthe, encore faut-il en être sorti. Et c'est malheureusement là que le bât blesse : si les premiers pas au sein d'Observation s'avèrent aussi plaisants que lors de notre premier contact, la suite peut rapidement s'avérer ô combien frustrante. Il faut dire que les nombreux casse-tête qui émaillent l'aventure font parfois preuve d'un design savamment cryptique, à côté duquel l'on peut facilement passer. Pour peu que vous ne compreniez pas ce que le jeu vous réclame sans l'expliciter, vous revivrez à coup sûr ces lointaines sensations que seuls procuraient les point'n click d'antan, dans lesquels il était facile de déambuler sans but en cliquant partout durant une paire d'heures. C'était sans compter sur les règles du jeu, qui changent parfois sans prévenir, et sur une poignée de résolutions passablement illogiques, qui feront à n'en point douter grimper le rythme cardiaque des moins patients d'entre vous. La possibilité de faire répéter les dernières instructions sonnait comme une bonne idée, encore aurait-il fallu que les réponses d'Emma fassent preuve d'un minimum syndical de précision.

C'est bien dommage, car le scénario d'Observation nous fait sauter à pieds joints dans l'intrigue, et s'avère suffisamment bien rythmé pour nous pousser à continuer encore et encore, quitte à parfois souffrir. L'ambiance claustrophobe portée par les sons distordus d'Omar Kahn et Robin Finck fonctionne bien, et fait du jeu un régal au casque. Sans jamais sombrer dans la facilité, Observation réussit à surprendre, que ce soit dans son dernier quart d'heure renversant ou son final surprenant, qui parvient à maintenir en haleine jusqu'à la dernière seconde. Mais pour en profiter, il faudra accepter un récit souvent brumeux, monstrueusement avare en détails et qui laisse sans doute une trop grande place à l'imagination pour colmater comme on pourra certaines plaies apparentes. Lors de vos longues sessions d'errance à la recherche d'un salvateur objet à scanner, vous pourrez en effet reconstituer certaines pièces du puzzle en téléchargeant quelques journaux de bord, qui parviennent à constamment tourner autour du pot sans jamais faire avancer le Schmilblick. Quant à l'histoire d'amour...