Il y a quelques années, les suédois du studio Machine Games surprenaient pas mal de monde avec un Wolfenstein : The New Order de haute volée, récoltant succès critique et commercial. Le challenge était de taille puisque la cuvée 2009 des pérégrinations de Blazkowicz par Raven Software n'avaient pas soulevé les foules, loin de là. Mais avec son scénario complètement fou, uchronie d'une Amérique qui a perdu la Seconde Guerre Mondiale à cause des mystérieuses technologies que les Nazis ont sorti de leur chapeau dans les années 40, son héros et ses méchants charismatiques, ainsi que son action débridée, The New Order voyait même un petit frère arriver, The Old Blood, extension/stand-alone qui nous racontait une autre des missions de B.J., aux doux relents de Return to Castle... Si ce n'est pas déjà fait, et que le genre du "FPS Pop Corn Ultra Badass et Old School" est quelque chose qui vous parle, je vous conseille de vous jeter immédiatement sur ce jeu et son gros DLC. Mais bon, c'est donc sa suite, The New Colossus qui nous intéresse aujourd'hui. Au vu du palmarès de cette série (re)naissante, on est en droit d'espérer beaucoup de ce nouvel épisode. Nos attentes seront elles récompensées ?

Blazko le robot

Alors que la fin de The New Order ne laissait aucun doute sur le sort réservé au héros, ce nouveau volet démarre exactement là ou l'autre se terminait. On réalise qu'en fait ses amis sont venus le sauver de son funeste destin avant de s'échapper du château du général Strasse, véritable boucher nazi. La pirouette est facile, mais elle fonctionne. Et c'est donc reparti pour un tour, puis-qu'après plusieurs mois de coma à bord du super sous-marin nazi volé dans le premier épisode, le Reich vous attaque. Vous voilà forcé de vous défendre... dans des conditions particulières ! Blazko le barjo étant encore convalescent, on l'incarne en chaise roulante dans les couloirs de l'aile médicale, à canarder du nazi à la mitraillette, entre deux stealth kill assis sur son trône. La scène est surréaliste, et cette entrée en matière plus que frappante ne sera pas le dernier des délires auquel vous allez assister. Vous êtes très vite capturé par une vieille "amie", Frau Engel, toujours aussi démente, et qui garde les stigmates de votre précédente rencontre... Mais elle est cette fois-ci accompagnée par sa fille, une pauvre jeune femme en surpoids, martyrisée par sa mère, qui est plus intéressée par l'amour que par la gestion d'un empire : la rencontre est encore une fois surréaliste. En à peine quelques dizaines de minutes, Wolfenstein II a posé le décor : nous évoluons en pleine série Z totalement assumée, on va en prendre plein les yeux, se demander de quel cerveau malade peuvent sortir toute ces idées, rire - mais pas tout le temps - et constater que le PEGI 18 n'est pas là pour rien.

La suite des événements se révèle tout aussi réjouissante, puisqu'il faudra se débarrasser des nazis terrés depuis des mois dans le sous-marin, dans une aile secrète bien dissimulée... Derrière une armoire ! Mais pas question d'aller à Narnia : le jeu vous baladera par la suite dans divers décors tous aussi délurés les uns que les autres, l'occasion de visiter une Amérique des années 60 à genoux et ses villes occupées ou dévastées par le feu nucléaire. Il sera question de New York et de Manhattan, de la Nouvelle Orléans, mais aussi d'un court passage dans une petite ville du Nevada, en prévision d'une petite visite de la zone 51. D'autres surprises sont bien évidemment au programme. Tout comme le précédent épisode, qui nous proposait une sorte d'aventure à la James Bond badass avec moult voyages à la clef, ce Wolfenstein II nous fait lui aussi voir du pays. Avec plus ou moins de réussite, il faut bien le dire, certains lieux et leurs couloirs ne se prêtant pas forcément au jeu du tourisme pur et dur. Comme dans The New Order, on revient à notre base entre deux missions, pour y découvrir la vie des protagonistes, les aider quand ils ont des petits tracas, ou se faire une petite partie de Wolfstone 3D sur la borne d'arcade du bar. On y trouvera aussi un stand de tir et un parcours du combattant, mais aussi, à la fin du jeu, un système de quêtes annexes obligeant à retourner sur les lieux des missions principales pour assassiner des généraux Nazis. Mais attention, avec des petites surprises, puisque certains environnements ont radicalement changé entre vos visites !

Blazko le poète

Tous ces lieux divers et variés vont bien entendu être le théâtre à de nombreuses situations loufoques, ou les personnages font sans cesse l'inverse de ce qu'ils disent, se retrouvent embarqués dans des péripéties complètement dingues et toutes plus croquignolesques les unes que les autres. Tantôt drôle, par l'absurde, la répétition, la satire, le graveleux, le décalé, Wolfenstein II se prend beaucoup moins au sérieux que son prédécesseur. Ici, tout est tourné en dérision, là ou The New Order distillait des passages d'une rare noirceur, à l'intensité proche de la folie, comme les rencontres avec Strasse ou Frau. Ici, cette dernière perd grandement en charisme, et se retrouve propulsée au rang de bouffonne de service dans une trame ou l'on va beaucoup s'intéresser à la jeunesse complexe de Blazko, puisque notre héros devra faire face à ses démons, lui qui est devenu une icône négative de la propagande Nazie. Dans ce véritable déluge de n'importe quoi, ode à la punchline facile, la qualité de "nanarditude" du titre reste globalement bien maîtrisée et se laisse suivre, même si l'on ne pourra pas s'empêcher de penser que la perte de contrôle est parfois totale sur certains passages... Et aussi que certains joueurs pourraient rester hermétiques à ce genre d'humour.

Dans cette campagne qui se boucle en dix bonnes grosses heures, voire plus selon la difficulté et votre propension à explorer chaque zone dans ses moindres recoins pour récolter l'un des très très nombreux secrets disséminés sur la carte, vous pourrez profiter d'un doublage français intégral où Patrick Béthune laisse malheureusement le rôle de B.J. à Patrick Poivey, voix habituelle de Bruce Willis en France, pour une composition inégale. Outre le fait que l'ancien timbre sonnait un poil plus badass, le jeu de l'acteur semble parfois faussé par, probablement, un manque de support visuel durant l'enregistrement. D'autre petits défauts comme des personnages allemands qui parlent sans accent ou un mixage sonore raté sur quelques cinématiques sont aussi au programme. Et pour ceux qui voudraient jouer en anglais, le jeu ne propose malheureusement pas de choix de langue, il faudra changer les paramètres de la console, et donc ne pas avoir accès aux sous-titres dans langue de Molière. Pour le reste de la partie audio, on retrouvera le même genre de thèmes musicaux, ou le heavy métal bien lourd, gras et profond, est roi.

Blazko le barjo

Malgré sa composition scénaristique beaucoup plus déjantée que le premier épisode, en termes de jouabilité, on reste sur des bases globalement similaires, à savoir du FPS à l'ancienne, ultra nerveux et rapide, ou la sensation de puissance prime - surtout avec la capacité de porter une arme dans chaque main. Et ce malgré un arsenal assez pauvre, avec très peu de pétoires différentes, puisqu'elles sont moins d'une dizaine. Reste qu'elles font le job et que les sensations sont là, notamment avec un double fusil à pompe amélioré à fond, ou une bonne grosse arme lourde avec laquelle il est désormais possible de courir. Le bestiaire n'est pas non plus des plus originaux, avec pas mal de troufions nazis, mais aussi des soldats mécaniques et quelques boss colossaux.

Ajout fort sympathique et défoulant : quelques membres du Ku Klux Klan rejoignent les rangs de la chair à Blazko adverse ! Les commandants sont toujours de la partie, avec ce que cela implique d'infiltration, puisque votre objectif sera de les maîtriser silencieusement avant qu'ils n'appellent des renforts. Quelques nouvelles petites aides seront de la partie, comme ce gilet qui permet de se glisser dans des endroits très étroits, ou les échasses permettant d'atteindre des endroits auparavant inaccessibles ! Malheureusement, le plus souvent, la navigation dans les décors se fait à vue, sans aucun objectif affiché sur le HUD, et avec pour seule aide une carte difficilement accessible et sur laquelle on ne peut pas changer d'étage. Bien que certains secrets apparaissent dessus, il faudra véritablement explorer par soi-même les lieux, et certains se montrent assez dédaliens et répétitifs. Certains objectifs sont si bien enfouis qu'on a l'impression que le jeu veut parfois nous perdre. Petit bémol sur le level design donc, très peu ergonomique.

Les atouts sont de retour - mais sans les trophées associés ! - et en échange de la réalisation de quelques défis bien sentis, vous allez pouvoir gagner des bonus offensifs, défensifs ou tactiques bien appréciables si vous décidez de viser les difficultés les plus hautes. Wolfenstein II, déjà bien exigeant en normal, obligera à refaire certains passages plusieurs fois avant de bien les maîtriser, et sachez que trois autres difficultés sont au programme, dont une qui va obliger les joueurs les plus fous à terminer le jeu en une seule fois, sans vie, point de passage ni sauvegarde...

Au niveau technique, le jeu se défend plutôt bien sur PS4, mais ne fera pas partie des plus beaux. Quelques petits soucis de l'ordre de la cinématique qui rame sont bien présents, mais en jeu, à part quand on tente de briser des fenêtres à mains nues (!), tout reste très stable. Reste à voir comment il s'en sortira sur Switch sur ce point ! Mais en tous cas, avec sa direction artistique déjantée, et malgré ses nombreux défauts, ce Wolfenstein II possède tout de même quelques arguments susceptibles de séduire nombre de joueurs...