Dans tous les corps de métier, il y a quelqu'un qui passe après vous et qui vous couvre, vous fait briller. Tenez, rien que du côté des journalistes, il y a les secrétaires de rédaction. Des personnes dévouées à faire de nos écrits lamentables, blindés de coquilles et hors-gabarit des textes lisibles et intelligibles. On ne saurait s'en passer. Eh bah dans le milieu de la pègre, c'est pareil. Il y a ce qu'on appelle les nettoyeurs. Des gens qui s'arrangent pour que les traces laissées par un Hitman un peu fatigué et inattentif s'évanouissent. Bob est de ceux-là. Mais bien malgré lui. Ce célibataire endurci, qui vit toujours chez sa maman, a une sale habitude : le jeu. Ainsi qu'une guigne pas croyable. Du coup, il a des dettes. Seul moyen de les rembourser : accepter de jouer les Solcarlus et de passer un coup de Pliz sur des scènes de crime.

Tu peux m'dire c'qu'on fait dans ce flim, Bob ?

Un coup de fil et Bob accourt. Cela pourrait être vite plié s'il était prévenu à temps. Mais à chaque fois qu'il arrive sur son lieu de travail, la Police est déjà sur place et a laissé des petits panneaux à côté des corps et des pièces à conviction. Comment voulez-vous bosser dans ces conditions ? En restant discret, évidemment. Et Bob étant non-violent, pas question d'attaquer la Maréchaussée. Voilà donc le principe de Serial Cleaner : agir en jouant les fantômes. Les niveaux, en 2D vue aérienne façon Metal Gear, exigeront toujours de ramasser les macchabées et de les faire disparaître (dans le coffre de sa voiture ou avec les moyens locaux comme des bassins à crocodiles ou des cuves d'acide), de choper les armes et de se débarrasser d'une certaine quantité de sang - avec un aspirateur sorti de la poche. Parce que oui, tout cartoon soit-il, ce jeu est un peu gore.

King of propre

Gare au bruit de vos pas, gare à celui de l'aspirateur, gare aux cônes de vision des flics dont les rondes, si elles sont mal observées, peuvent être piégeuses. La simplicité semble de mise dans ce jeu qui fait également penser à Hotline Miami par ses respirations un tantinet scénarisées entre chaque stage. Mais il ne faut pas se tromper : si les zones se restreignent au mieux à une poignée d'écrans, qu'un sixième sens aide à localiser les éléments avec lesquels interagir, et que l'intelligence artificielle des patrouilleurs fait que se planquer relève d'une partie de chat perché (comprenez que même si vous pénétrez un buisson à la vue de votre poursuivant, il va vous oublier en quelques secondes), la difficulté est bien là. Au fur et à mesure, et en dépit de petites aides qui émergent, comme des raccourcis, des outils de diversion ou des caisses ou voitures à déplacer pour boucher les angles de vue, on apprend de manière douloureuse que se précipiter n'est pas une option. Pour repartir immédiatement. Ou ragequitter pour une broutille ou l'incompréhension face à des argousins qui intensifient leur présence et diversifient leurs moyens de vous botter le cul. A moins d'avoir une patience et des nerfs d'acier, le chemin ne se fera pas en ligne droite et encore moins sans quelques gouttes de sueur, la courbe de difficulté - qui repose sur un nombre d'ennemis croissant et le fait qu'après chaque décès l'agencement des lieux change - se révélant assez brutale.

Seventy four, seventy five ♫

S'il ne fait aucun doute que Serial Cleaner se montre immédiatement accessible et amusant, il pêche tout de même par son côté très basique, et ayant bien du mal à surprendre, côté gameplay. Et même s'il se propose de nouveaux challenges (absence d'aide, version bourrée...) et une dizaine de missions bonus cinématographiques - inspirées de Star Wars, Alien, Taxi Driver ou encore Orange Mécanique à débloquer en plus de la vingtaine initiale - cela fera bien court pour les plus aguerris. Ceux-ci vont probablement en faire le tour en 2 heures maximum et auront bien raison de dire qu'ils n'auraient pas craché sur un éditeur de niveaux. Mais il a un atout. Les développeurs polonais ont eu LA bonne idée pour faire grimper la jauge de fun : placer l'action dans les années 70. En termes artistiques, cela signifie que l'on retrouve une palette de couleurs typique, d'inévitables clubs et motels d'époque à faire reluire, des looks inimitables avec des hommes arborant tous une pornstache Burt Reynolds du plus bel effet. Et surtout, vous l'aurez compris, qu'on baigne dans une ambiance funk/disco/rock entraînante. Côté bande-son, c'est du sur-mesure pour les amateurs de cette période bénie musicalement. Et cet enrobage en fait sans doute aucun une bonne raison de plonger. Mais attention lorsque vous vous laissez entraîner par cette bande-son, cela fait une distraction de plus sur votre route...