Devolver Digital, l'éditeur du jeu, s'est montré très actif ces dernières années dans le domaine de la publication de jeux subversifs : le reboot de Shadow Warrior, Broforce, Hatoful Boyfriend ou encore l'ultra-violent et psychédélique Hotline Miami... Il est d'ailleurs impossible de ne pas penser à la production des studios américains de Dennaton games lorsque l'on joue à ce Mother Russia Bleeds. Les deux jeux ont pour points communs une ambiance rétro, démesurée et complètement folle à base de pixel art, une violence extrême et une bande son à couper le souffle. Mais le comparatif s'arrête là pour l'instant, puisque les français du "Cartel" nous pondent ici un titre totalement différent dans son approche ludique, et rendent hommage à toute la production de l'âge d'or du beat'em all, Streets of Rage et Final Fight en tête. Une bonne raison de se pencher sur cette oeuvre délicieusement nostalgique et résolument moderne ?

The Wall

1986, c'est la Guerre Froide et nous sommes dans une Russie dystopique en plein règne de la terreur, gouvernée par une mafia sans scrupules et peu soucieuse du peuple. Sergeï, Boris, Natasha et Ivan sont kidnappés dans le squat à ciel ouvert qui leur sert de résidence, et se réveillent complètement camés à la nekro dans un laboratoire secret du gouvernement. Ils vont alors réussir à s'échapper et, au terme d'une sanglante vendetta, faire la lumière sur leur enlèvement, soutenir la guérilla locale et tenter de lutter contre la forte dépendance crée par la nekro, qui va rendre notre fine équipe complètement barge. Le pitch de départ est assez simple, mais n'empêche pas le jeu de posséder un scénario et une narration assez efficaces, sous forme de panneaux de textes qui défilent, sans voix, l'ensemble n'étant pas sans rappeler Hotline Miami. L'ambiance y est tout aussi dingue, voire même parfois plus sombre et dépressive.

Et comme je vous le disait plus tôt dans cet article, d'autres aspect de ce Mother Russia Bleeds vont tenir la comparaison avec celui qui est l'un des meilleurs jeux de 2012. En termes de graphismes notamment. Un soin tout particulier à été apporté aux nombreux sprites, que ce soit pour nos quatre héros ou pour l'impressionnante galerie de mobs à casser par palettes de douze, allant du simple clochard à l'homme de main patibulaire, en passant par les forces de l'ordre et même quelques ennemis super gras qui rappelleront à notre bon souvenir les jumeaux cracheurs de feu du niveau 4 du légendaire Streets of Rage (oui, j'y jouais très souvent à deux). Les niveaux ont eux aussi été très soignés et font preuve d'une grande originalité pour certains, comme cette fière capitale de la mère Russie en flammes et ses nombreuses animations, un club SM toujours plus malsain, et le dernier niveau, en haut d'une tour, qui n'est ni plus ni moins qu'un hommage appuyé au stage 8 de Streets of Rage, pour le citer encore une fois. L'ensemble se montre très convainquant, crée une très forte ambiance, prenante, viscérale, et bénéficie du soutien sans faille des compositions rétro-electro de Vincent Cassar et Fixions, toujours justes, sombres et méphitiques. Un véritable tour de force qui charmera plus d'un gamer.

Улицы ярости

Et si l'ambiance puise donc allègrement chez le cousin éloigné Hotline Miami, pour tout ce qui est du gameplay, c'est une autre paire de manches. Sur une base de beat'em all 2D, votre personnage peut se déplacer dans la profondeur pour faire face aux nombreux ennemis qui vont venir vous chercher des noises. Pour lutter, deux boutons d'attaque, faible et forte, ainsi qu'une choppe, pour projeter, plaquer au sol ou défoncer à grand coup de tête ses adversaires, mais aussi les envoyer en l'air. Le saut n'est pas en reste, avec un coup mais aussi une prise aérienne. Le dash, quant à lui, va vous permettre de vous sortir de situations mal embarquées ou de porter une attaque plus puissante. Ajoutez à cela le jouissif et ultra violent achèvement au sol, mais qui vous laisse vulnérable aux attaques des autres combattants. Tout ce panel de possibilités va permettre d'adapter sa façon de jouer en fonction de l'adversaire qui se trouve en face de nous, ces derniers possédant souvent une parade face à l'un de nos coups spécifiques. Et si l'on peut regretter l'absence d'une estocade spéciale d'urgence, ou une certaine imprécision dans la profondeur qui fera lâcher quelques beignes dans le vide, d'autres aspects plus originaux vont venir donner une véritable identité au gameplay.

La gestion de la nekro tout d'abord. Vous possédez une seringue avec 3 doses. En échange d'une, vous pourrez, au choix, vous redonner un peu de vie ou vous transformer en mode berserk, pour taper beaucoup plus fort, ou vous déplacer plus vite et avoir accès à une fatalité, encore une fois ultra gore à base d'arrachages ou d'explosions de têtes adversaires. Et pour vous recharger en produit, là encore, le jeu fait preuve de surprises, puisqu'il faudra puiser dans le sang des adversaires vaincus en train de convulser au sol. Délicieusement malsain. La gestion de l'administration de vos doses devient même très importante, puisque la récolte de nouvelles vous laisse souvent à la merci des coups ennemis.

Aussi, certains passages font preuve d'une véritable originalité dans la gestion de l'espace, avec ce combat sur le toit d'un train ou il faudra être attentif au décor, ou tous ces passages en mode marche forcée durant lesquels, à l'instar d'un Mario Bros, la caméra avance toute seule et c'est à vous de suivre le mouvement. Mention spéciale au passage ou vous faites face à une armée de CRS (ou leur équivalent Russe...) équipés de boucliers qui vous forcent à reculer sous leurs coups. La gestion des armes devient aussi très intéressante, avec les classiques clubs de golf et battes de baseball, mais d'autres plus originales, comme la tronçonneuse ou un bloc de toilettes, un sabre qui fera sauter les têtes ennemies ou même des armes à feu dévastatrices !

Rétro-Gore

Pour vous prêter main forte, vous pourrez appeler à l'aide une IA pas toujours au taquet, qui ne vient pas forcément vous réanimer lorsque vous êtes au sol et face à un boss... Mais l'idéal restant d'avoir ses amis à la maison. Après avoir choisi son héros parmi les quatre, chacun possédant ses propres caractéristiques de force ou de vitesse, c'est parti pour la castagne ! Et il suffit alors d'ajouter le friendly fire pour transformer l'aventure en joyeux bazar, où la lutte contre le jeu se teinte de traîtrise et de coups bas entre les joueurs !

En plus du mode histoire, qui devrait vous prendre au bas mot entre deux et trois heures, avec deux fins différentes, vous aurez accès à une arène par niveau, qui reprendra le bestiaire du stage correspondant et ou vous pourrez récupérer une nouvelle drogue aux effets différents si vous parvenez à voir le bout de la 10ème vague, ce qui ne sera pas chose aisée. En effet, la difficulté donne parfois l'impression d'avoir été assez mal calibrée, avec des pics gigantesques sur certains passages qu'il faudra recommencer plusieurs fois avant d'en voir le bout, comme contre certains boss. Heureusement (ou pas) le jeu vous ramène alors au dernier checkpoint avec toute votre vie et votre nekro. Si ce contenu se montre assez riche pour un jeu à tendance rétro (vous en aurez autant que sur votre cartouche SNES ou Megadrive), il est cependant difficile de ne pas regretter l'absence de mode en ligne. Ce Mother Russia Bleeds reste malgré tout une fort belle surprise de cette rentrée 2016.