NB : Critique certifiée sans spoiler

Metal Gear Solid 4. L'histoire d'une vie, celle d'un étonnant couple. D'un côté Snake, de l'autre Hideo Kojima. La créature, son créateur. Le corps, l'esprit. Voici donc la conclusion. L'épisode de l'au revoir, dissimulé derrière le camouflage de l'adieu. Se lancer dans un tel voyage signifie souvent s'immerger pendant plusieurs nuits de jeu, de celles qui vous transportent loin, qui vous font perdre la notion du temps en vous catapultant dans un univers unique. Metal Gear Solid 4 boucle la saga Solid ! Une avalanche de réponses et quelques nouvelles questions, pour un titre définitivement, exclusivement oserai-je même dire, réservé aux fans les plus inconditionnels. Un vaste pied de nez aux autres. Cet épisode n'est ainsi pas là pour capter un nouveau public ou pour préparer sa mue. Kojima est têtu. Il voulait boucler la boucle. Il en avait probablement besoin. Plus Snake se rapprochait de lui, plus il lui échappait. Plus il semblait influencé, dirigé par l'attente des joueurs. A l'heure de sa dernière pièce, l'acteur voulait partir sous les applaudissements de son public. Il y avait plusieurs moyens de procéder, et Kojima a choisi. En son âme et conscience. La saga MGS n'était pour vous qu'un grand film interactif ? Malgré un effort notable, à l'heure du bilan, impossible de ne pas avouer que MGS4 s'impose comme l'épisode de la série dans lequel vous jouerez le moins. C'est franc, c'est dit. Plus que jamais MGS4 est un jeu à part. Hideo Kojima cultive sa différence et l'érige au rang de marque de fabrique. C'est son choix. Au risque de créer un blockbuster aussi éblouissant que résolument nombriliste, une oeuvre au contenu aussi gargantuesque qu'à la portée d'une simple élite. Lorsqu'une super-production de plusieurs dizaines de millions de dollars ose le sacrifice ludique, au prix de l'hommage aux fans, forcément cela interpelle. La glorieuse vie de Snake aurait-elle fini par le rendre prisonnier de ses propres errements ? Retour sur 20 ans d'épopées compilées en 20 heures manette en mains...

Juger une tranche de vie ?

La plupart d'entre vous a déjà joué à MGS4. Certains l'ont probablement déjà fini. Pourtant, ici, pas de spoilers. Nombreux sont en tout cas ceux qui se sont déjà forgés leur opinion sur les compétences techniques et ludiques du titre événement de ce début d'été sur PlayStation 3. Je me permettrai ainsi de ne pas m'attarder sur l'écorce du jeu, par ailleurs largement décortiqué dans la plupart des tests accessibles ici ou ailleurs. Non, à épopée unique, test à l'approche différente. Voici donc Metal Gear Solid 4 Guns of the la-li-lu-le-lo ! Une expérience rare, unique dans le monde du jeu vidéo. Une oeuvre clairement imparfaite, finalement beaucoup plus humaine qu'il n'y paraît. MGS4 c'est des personnages, une famille que certains d'entre vous fréquentent depuis plusieurs décennies. MGS4, c'est une compilation en guise de conclusion. Une page qui se tourne avec crainte. Un jeu old-school dissimulé derrière des atours next-gen. Une vision. Un homme. Hideo Kojima, avec ses certitudes inébranlables, à la limite de la rigidité, ses doutes omniprésents, ses trouvailles, ses lourdeurs, son talent, ses idées fixes, son regard porté sur le monde d'aujourd'hui, mais le coeur résolument tourné une dernière fois vers le passé. Metal Gear Solid 4 c'est un adieu qui ne s'assume pas réellement jusqu'au bout. Mais Metal Gear Solid 4, c'est avant tout des moments de bravoure à l'intensité rare. Des thématiques riches (l'ADN, l'héritage culturel, la prolifération de la guerre privée, le contrôle de l'information...). Des réponses, beaucoup de réponses... et quelques nouvelles questions. Des séquences inoubliables. Des affrontements dantesques. Une montagne de références. De clins d'oeil. Une réalisation souvent époustouflante, un sens de l'artistique poussé dans ses derniers retranchements. Et puis parfois étonnement sobre (textures inégales). Une immersion auditive sidérante de réalisme. Quelques ralentissements sporadiques. L'impossibilité de bouleverser le gameplay, comme si le coeur du jeu était resté bloqué dans les années 90. L'hermétisme relatif à tout ce que le jeu vidéo occidental créé depuis des années. Une intelligence artificielle ennemie souvent à la rue... et soudainement capable d'éclairs de génie. Un contenu titanesque pour un Blu-ray double couche rempli à ras bord. Beaucoup d'histoire. Beaucoup moins de jeu. Metal Gear Solid 4 fait bouillir comme il peut glacer l'instant d'après. Metal Gear Solid 4, c'est l'amour inconditionnel, la brûlure de la passion escortée par la pointe d'amertume qui l'accompagne (trop) souvent. MGS4, c'est une aventure débutée il y a plus de 3 ans, lors de chaque diffusion de nouveau trailer, et qui ne se conclura pas réellement à la fin du générique. Non, s'aventurer dans l'aventure MGS4, c'est accepter de la voir mûrir en vous pendant plusieurs semaines. Le point final n'intervenant jamais au même moment pour chaque joueur. MGS4 c'est une empreinte indélébile. Certains y verront une marque de fierté, d'autres une disgracieuse cicatrice. MGS4 ne navigue pas en eaux calmes. MGS4 opte pour le torrent qui vous aspire pour mieux vous recracher. On ne peut sortir indemne, ou indifférent d'un tel voyage. Mais pour tout cela, et tout ce que nous allons voir maintenant, il ne pouvait s'agir d'un test, mais plus d'une critique. D'un regard porté sur Metal Gear Solid 4, l'histoire d'une légende qui ne savait pas dire goodbye to yesterday...

L'impossible mue

MGS4 est un blockbuster singulier. Un géant exclusivement tourné vers ses adorateurs. Un colosse qui hypnotise par sa plastique, mais qui ne peut se comprendre que par son fond. Un géant aussi fragile, que diaboliquement osé. Kojima a la folie de son génie. Soyons clair : il a décidé de faire fi des critiques passés. Il a ainsi délibérément déséquilibré son jeu. Notez que, dans son niveau de difficulté "Normal", se révèle d'ailleurs particulièrement facile. L'arsenal de Snake est impressionnant. Trop puissant d'ailleurs. Avec l'arrivée du personnage de Drebin (fantasque, mais captivant portrait des Lord of War), il devient possible de blanchir les armes ramassées sur le champ de bataille. Avec un peu d'astuce, il est ainsi facile de se retrouver très rapidement avec un fusil de snipe ou un lance-missile. Snake a beau être âgé, il a beau montrer combien son corps souffre, sa visée à beau trembler (apparition d'une nouvelle jauge de stress), Snake reste une véritable machine de guerre. L'arsenal est si riche que, finalement, il sera difficile de ne pas opter pour la facilité (en tout cas lors de sa première partie). Trop facile. MGS4 peut bien sûr s'aborder de mille et une manières. Il est toujours possible de ruser, de jouer avec les magazines de charme (merci PlayBoy), d'oser quelques tactiques fourbes... Certes. La plus grande ouverture des lieux (les niveaux sont de véritables gruyères proposant différents chemins) est d'ailleurs propice à tenter plusieurs approches. Mais soyez prévenu : mieux vaudra vous amuser avec votre arsenal dans les Acte 1 et 2, car par la suite... vous n'en aurez malheureusement virtuellement plus jamais besoin ! Nous allons bientôt y revenir. L'histoire se pose calmement dans les premiers actes. Le jeu est là. Agréable, malgré une intelligence artificielle souvent à la rue et un horripilant déferlement de vagues d'ennemis, réapparaissant à l'infini en cas d'alerte maintenue. Mal pensé. Pour la première fois, à l'infiltration vient d'ailleurs s'ajouter une dimension action beaucoup plus soutenue. « La guerre a changé » disait Snake, difficile de le contredire...

Le complexe ludique

Reste la question essentielle : Metal Gear Solid 4 est-il vraiment un jeu ? Et là, soyons clairs : entre jubilation et frustration, surnage un constat : l'aventure reste violemment déséquilibrée ! Le vrai jeu dure bien moins de 10 heures. C'est peu. Très peu. Intelligent souvent, archaïque parfois. Ici, fini le vaste terrain de jeu, au profit d'un découpage de l'histoire en actes. Cinq actes pour cinq lieux, imposant une variété de décors jamais rencontrés dans la saga. Un découpage qu'on aurait pu croire déstabilisant de prime abord, mais qui se révèle efficace. Chacun est introduit par un long briefing partiellement interactif (vous pouvez zapper entre différentes caméras de surveillance). Le propos est souvent dense, le contenu intéressant pour le fan, obscur pour l'initié qui comprendra vite qu'il devra faire l'impasse sur le coeur de l'histoire pour se concentrer sur le visuel, sur la prodigieuse maestria de la mise en scène. Une vraie débauche graphique. Près de 10 heures de cinématiques calculées en temps réel par la PlayStation 3 (il est possible de zoomer dans l'image, hormis lors de certains passages). Profondeur de champ, focus, grain de l'image, naturel des mouvements, modélisation des visages ou des étoffes surréalistes de beauté.... une maîtrise technique rappelant les premiers pas de Pixar dans l'animation de synthèse. Un ange passe... car qui dit cinématiques sous-entend contemplation. Et nous parlions de jeu. Qu'en est-il donc ? Un seul mot : frustration... En effet si les deux premiers actes se montraient engageants et permettaient de se familiariser avec les nouveautés de gameplay comme le génial OctoCamo permettant de se camoufler en temps réel (bruit et visuel superbes), le très dispensable mais attachant petit robot Mark II, servant à fouiner dans les décors, la prise en compte du conflit entre milice armée et faction rebelle (vos choix se montreront malheureusement limités et les séquences trop scriptées), ou un nouveau système de caméra libre incluant une vue à l'épaule directement inspirée de Gears of War... Et soudainement, toute la partie ludique s'éteint au milieu de l'acte 3 ! A partir de ce moment, le jeu ne sera plus qu'une simple parenthèse tout juste bonne à rythmer des tunnels de (superbes) cinématiques. D'autant plus frustrant qu'il y aurait tant de passages que l'on espèrerait jouer... vivre manette en mains. Et non, la cinématique continue. Les moments de bravoure, les scènes cultissimes existent. Elles se jouent, là, devant vos yeux. Mais pour la plupart, vous resterez spectateur ! A tel point qu'on se demande réellement si, à force de modéliser ces séquences, l'équipe n'a pas simplement manqué de temps pour ajouter certains vrais passages de jeu. A moins qu'elles n'aient pas été prévues. Jamais. Metal Gear Solid 4 n'assume pas réellement son rôle de jeu vidéo. Si vous n'aimez pas écouter, si vous n'aimez pas regarder, si vous n'aimez pas analyser, si vous n'aimez pas chercher les références, si vous n'aimez pas prendre du recul... en d'autres termes : si vous n'aimez que jouer... alors fuyez ! Pourtant, si Metal Gear Solid 4 n'est pas un grand jeu, impossible de ne pas lui reconnaître sa portée en tant qu'expérience numérique !

A l'heure du Best Of

Comme souligné il y a quelques instants, avec la fin magistrale de l'acte 3 se conclue aussi le jeu à proprement parler. La suite plonge alors dans le fan-service, dans le grand Best Of absolu. Le jeu se trouve ainsi relégué sans vergogne au second plan. Le scénario devient omniprésent et essentiellement auto-référentiel. Au point d'en devenir un rien écrasant. La référence pour la référence, le clin d'oeil pour le clin d'oeil, sans rien d'autre, parfois même lorsqu'on aime... on peut trouver cela décevant. Too much. Hors de propos. Pas assez subtil. Par faute de gameplay, certains passages n'ont d'ailleurs pas l'impact qu'ils auraient pu avoir. Potentiellement mythiques, visuellement prodigieux, ils restent trop secs, ludiquement si arides qu'ils finissent par s'oublier. Une seule certitude : même si l'histoire réserve quelques surprises, qu'est-ce qu'on aurait aimé continuer à jouer, à tester les nouveautés de gameplay d'un début d'aventure maîtrisé dans le fond comme dans la forme ! En effet, de vrais efforts ont été consentis. Il est perceptible de Kojima Productions a entendu certaines remarques. Les obligatoires séquences Codec sont par exemple bien moins nombreuses, l'essentiel passant par les cinématiques. Par conséquent, toutes ne sont pas héroïques. Au contraire : nombreuses se veulent très posées. Jeu des regards, gestuelle soignée. Intensité des sensations. Oui, dans ces moments, MGS4 tutoie le génie. Dans ces meilleurs phases de gameplay aussi. Un acte 2 colossal. Suffisamment ouvert pour être appréhendé de différentes manières. Le tout saupoudré de séquences fantasmagoriques et d'un boss inventif. Dans ces moments, Metal Gear Solid 4 donne des frissons de jubilation.

Une histoire de trahison

Oui, vous verrez Snake souffrir. Vous serez entraîné dans un véritable chemin de croix. Snake a vieilli. Old Snake hésitera. Dans le jeu en lui-même transparaît d'ailleurs le tiraillement de Kojima. La volonté farouche de partir en beauté aux yeux de ceux qui l'adulent... immédiatement rattrapé par la peur de dire réellement adieu. A l'heure de recomposer une fresque aux mille et un fragments, et d'en signer la conclusion définitive, Kojima souffrirait-il du syndrome de Pénélope, femme d'Ulysse, qui dans l'Odyssée brodait le jour la tapisserie que sciemment elle défaisait la nuit venue ? Eternel recommencement. Peur du point du final. Kojima vit depuis 20 ans avec Snake et consort. Comme il nous l'avouait dans notre podcast événement, Snake s'est rapproché de lui. Héros et créateur se sont rattrapés. Kojima est ferme, décidé. Mais il parle souvent de confiance. De confiance en soi. A-t-il pris peur ? A-t-il voulu réaliser un fantasme de fan plutôt qu'un jeu total ? La question peut se poser. L'histoire récente de Metal Gear est frappée du sceau de la trahison. L'apparition de Raiden se substituant à Snake dans MGS2. Ce Naked Snake qui n'est autre que Big Boss dans MGS3. Ces trailers et leurs cohortes de fausses pistes. Quelle sera donc la trahison de ce MGS4 ? Car oui, il y en a forcément une. Auteur exigeant et délicieusement têtu, Hideo Kojima n'a effectivement pas pu s'empêcher de prendre les joueurs à contre-pied. Mais en voulant trop bien faire, n'a-t-il pas commis l'ultime trahison, celle de se trahir lui-même ? Cette fois-ci, la trahison intervient à la moitié de l'Acte 3. Précisément au milieu du jeu. Au point de non-retour. Sa forme : éteindre le jeu pour laisser place à l'histoire finale ! Boucler la boucle en l'interrompant sporadiquement par des séquences de jeu qui auraient pu être mythiques mais qui, handicapées par leurs brièvetés ou leurs clins d'oeil trop insistants, résonnent comme autant de pépites inexploitées. Une particularité qui pousse à critiquer MGS4 moins comme un jeu que comme un film ou un livre. Comme une oeuvre. Je vais être franc : pour la première fois, l'expérience de jeu à proprement parler m'a déçu. Splendide pendant deux actes aux subtiles promesses, elle s'évapore par la suite, soudainement, trop violemment. Une expérience ludique sacrifiée sur l'autel du message à envoyer aux fans. Kojima avait toujours créé ces épopées numériques avec une idée en tête : celle de déjouer les attentes, de hisser au rang d'art la technique du contre-pied. Cette fois-ci, à trop vouloir plaire... l'artiste a pris le risque de moins surprendre, ou plutôt d'être attendu. Le clin d'oeil pour le clin d'oeil. Entre apôtres de Snake. Trop de compilation tue la compilation. On attend une surprise ludique inédite ? Elle ne viendra pas. Malheureusement. L'enveloppe a changé, elle a été magnifiée. Mais le fond, lui, a été recyclé. On regarde... on s'émerveille souvent, mais on aimerait jouer. Les Actes 4 et 5, grandioses dans leur symbolique, auront-ils vraiment le même impact dans quelques jours, semaines, mois, années ? Auront-ils la portée de l'arrivée de Psycho Mantis dans MGS1 ? Du final de MGS2 ? Du duel Naked Snake vs The Boss dans MGS3 ? Probablement pas. Que restera-t-il ? Il est probablement trop tôt pour répondre... d'où la difficulté d'un test, d'où la preuve du caractère unique de MGS4.

L'alpha et l'omega

Metal Gear Solid 4 est un titre qui nécessite de prendre du recul. De digérer ses temps forts, ses émotions, sans sous-estimer ses déceptions. MGS4 est une vraie conclusion. Chacun avait probablement en tête sa propre fin. Chacun s'imaginait telle ou telle explication, sur tel ou tel élément clef de la série. Ici, Kojima avance ses réponses. Toutes ses réponses, la plupart brillantes. D'autres clairement rentrées au chausse-pied. Mais à force de vouloir conclure tout ce qui avait germé 20 ans plus tôt, Kojima a pris un risque dans cet épisode, celui de ne défricher que de très rares nouveaux horizons... et personnages. Ainsi, hormis Drebin et Sunny, on regrettera de ne retrouver finalement qu'une collection de vieilles connaissances. Certes les personnages ont gagné en maturité, certains se sont étoffés, mais l'exemple des Beauty & the Beast ou des équipiers de Meryl ne souffre d'aucune hésitation. Oui, les nouveaux personnages sont des faire valoir. Les Beauty sont ainsi expédiées en une cinématique magistrale, et une séquence Codec chacune ! Point. On survole ainsi mécaniquement la psychologie de ces personnages tourmentés qui auraient pourtant mérités quelques développements supplémentaires pour paraître autre chose que de simples boss qu'on affronte brutalement. Trop brutalement d'ailleurs, à l'exception de la première et de la dernière Beauty. D'autant plus dommage qu'il s'agit souvent des meilleures phases de gameplay. Les plus inventives en tout cas. Car avec le recul, si les histoires de la saga MGS ont constamment dévoilé de nouvelles facettes des héros, ont tenté de faire passer tel ou tel message, pour sa part, le jeu à proprement parler n'a pas connu la même révolution. Souvent les mêmes phases de jeu remis au goût du jour, jusqu'à en arriver aujourd'hui à l'étape finale, celle de l'hommage...

Hommage numérique

MGS4 est un hommage numérique à l'ensemble de la saga. Il en reprend les codes. Les phrases. Certaines images. Tant de phases de jeu (courses poursuites, duel, etc.). L'ensemble est cohérent, mais n'oublions pas que l'hommage n'est pas une création. C'est un regard respectueux posé sur le passé. Et dans le respect, il n'existe pas de volonté de remise en cause. Pas de bouleversement. MGS4 est l'ultime épisode de la nostalgie. Et le message de Kojima se trouve aussi ici. Oui, la saga de Solid Snake semble bien achevée. Oui, certains éprouveront une légitime mélancolie après tout le temps passé aux côtés des Snake & Co. Mais la fin de MGS4 marque aussi l'avènement d'une nouvelle ère, celle où Hideo Kojima devra enfin passer le flambeau à une nouvelle génération. Une nouvelle génération qui, on l'espère, se montrera aussi talentueuse dans l'art de la narration, mais surtout désireuse d'imposer de nouvelles idées, soucieuse de dépasser le maître, de faire en sorte que le père soit fier... et que les joueurs puissent jouer ! Metal Gear (Solid) 5 existera. C'est une certitude. Mais il n'aura réellement de sens que s'il marque une rupture. Que si, dans une certaine mesure, il trahit l'oeuvre de Kojima, comme Kojima a toujours trahi nos attentes. Sinon, cette conclusion n'aura pas eu de véritable sens, et ce MGS4 restera à jamais comme un épisode aussi fort émotionnellement, que ludiquement hésitant. Ainsi, à l'heure du bilan, Metal Gear Solid s'impose sans conteste comme la saga de tous les paradoxes. Première surprise : la saga aura finalement connu son apothéose avec sa première itération ! MGS1, de loin l'épisode le mieux équilibré. Le plus novateur en son temps. Le mythe, tout simplement. Puis vint l'heure de l'emphase, de l'art de la communication, du message alambiqué mais profond de MGS2. Un épisode charnière. L'épisode de la rupture, celui qui allait façonner le nouveau Snake, autant qu'il allait imposer Hideo Kojima comme l'un des créateurs de jeu vidéo les plus influents au monde. MGS3 ? Une conclusion magistrale pour un titre trop ambitieux pour la PS2... et par conséquent parfois bridé, balafré par une jouabilité d'une autre époque. 2008. Voici maintenant Metal Gear Solid 4, somme de tous ces héritages. Du sens, du génie, du grand guignol, du best of, du recyclage, de l'émotion, des crispations aussi, et une conclusion qu'on aurait souhaité plus franche, plus osée. Il s'agissait de la dernière aventure de Snake. L'un des héros les plus marquants de la jeune histoire du jeu vidéo. Mais Hideo Kojima avait raison : Snake est un héros qui a vieilli. Il était temps qu'il passe le flambeau aux générations futures. Il y a quelques semaines, Hideo Kojima soulignait que Metal Gear ne lui appartenait plus totalement... certains comprendront désormais pourquoi. Il ne s'agit pas de l'ultime épisode pour hardcore gamer. Non. Il s'agit plus de l'ultime épisode pour les amoureux de la mythologie Metal Gear. Une grande encyclopédie interactive à la force unique. Une pierre angulaire dans l'histoire du jeu vidéo, symbole d'une période, symbole des hésitations des développeurs japonais, symbole de la transition que Kojima s'apprête à opérer, symbole d'un savoir faire encore unique, symbole du futur nouveau départ d'une des plus grandes saga du jeu vidéo.

Je vais être très clair. Metal Gear Solid 4 est une production au niveau de rafinement inouï. Une réalisation souvent magistrale. Un jeu qui prend le risque d'oser une histoire riche et complexe. Des personnages forts. Un gameplay daté mais qui reste efficace. Metal Gear Solid 4 reste donc un titre unique. Du genre de ceux dont nous reparlerons encore longtemps. Dont certaines scènes ne peuvent que rester gravées dans l'inconscient collectif. Tant de moments de bravoure, tant de frissons d'extase. Pourquoi alors ne pas lui attribuer la note maximale ? Tout simplement car en s'écartant sciemment du jeu à mi-parcours, MGS4 s'est condamné lui-même à être jugé plus comme une oeuvre complète. Ludiquement, il faut l'admettre, il en décevra certains. Scénaristiquement, il s'adresse à une élite. Sa conclusion aurait pu se montrer anthologique, mais une dernière cinématique de 30 minutes l'en empêchera. Il serait d'ailleurs intéressant de savoir si elle est réellement du fait de Kojima... Vous l'aurez donc compris, il ne s'agit pas fondamentalement ici d'un test. Plus d'une réflexion autour d'une oeuvre complexe, tourmentée, unique dans l'histoire du jeu vidéo (je ne saurai trop vous conseiller de vous plonger dans la Metal Gear Data Base, disponible depuis peu sur le PSN). Une production aux qualités prodigieuses, et aux défauts majeurs pour ce qui reste encore un jeu vidéo. L'important n'est donc pas la note. Elle n'est pas là pour sanctionner, juste pour donner une orientation. L'essentiel réside dans le message. Et à l'image de Kojima, s'il est parfois tout en circonvolutions, en répétitions, il puise sa force dans sa sincérité.

Comme cela est d'ailleurs souligné pendant l'aventure : « rien ne sert de faire disparaître les ombres... s'il reste de la lumière. » Chacun en aura compris le sens. La force de Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots est de s'inscrire dans la tradition MGS, à savoir un jeu qui pousse à la discussion, à l'interaction entre joueurs. Une aventure qui émerveille, autant qu'elle peut irriter. Une aventure qui incite à créer du lien, à comparer ses visions, ses expériences. En cela Metal Gear Solid restera toujours Metal Gear Solid. En cela, la conclusion de l'époque « Solid » est, espérons-le, la promesse d'un vrai nouveau départ. A l'heure de faire ses adieux à Snake, Hideo Kojima est ainsi resté honnête et droit avec ses principes. Quitte à étonner, quitte à en décevoir certains... reste une certitude, celle d'avoir évité le pire des écueils : celui de laisser indifférent.

NB : Notez qu'un test de Metal Gear Online, compris dans le jeu, ne va pas tarder à être publié...

Adieu Snake !

Vous pensiez que c'était fini ? Après le générique de fin, comme dans tout MGS, tout recommence. Mais ce qui va être dit ici ne peut tomber entre toutes les oreilles. Respectons l'expérience de chacun. De ceux qui n'ont pas encore fini l'aventure. Cependant, à vous qui avez accompagné Old Snake jusqu'au cimetière, à vous je peux vous le dire.

Snake, ta plus grande trahison aura été d'avoir refusé la mort. D'avoir préféré rester un homme alors que tu étais déjà une légende. Contrairement à The Boss, contrairement à Big Boss tu as choisi la vie. Une vie qui n'a plus de sens. Une vie qu'on aurait dû te ravir depuis longtemps. Comment as-tu fait pour survivre aux micro-ondes du Haven ? Pourquoi ? Quelle scène mythique. Quelle souffrance. Quelle conclusion cela aurait-été ? Mais non, tu te relèves constamment. Eternellement ? Qui es-tu donc Snake ? David !

Pourquoi être si sage ? Pourquoi sacrifier à la nostalgie, plutôt que de préférer laisser une trace définitive dans l'histoire ? Est-ce Konami qui t'a refusé ce dernier geste ? Kojima a-t-on bridé ta vision ? Cette dernière séquence, ces 30 minutes aussi finales que dispensables, pourquoi ? Snake pourquoi avoir tremblé ? Tu n'as jamais eu peur de la mort. Jamais. Tu l'as affronté, dompté... et en la refusant, oui, je l'avoue, tu m'as déçu. Ce fut d'ailleurs ma plus grande émotion. Te voir partir au loin. Tremblant. Transpirant. Moins digne que par le passé. A mes yeux, Snake, tu auras raté ta grande, ta digne sortie. Kojima, dans un sens, vous aurez trahi votre propre héros. Tristesse.

Kojima est finalement aussi génial, qu'il peut être un sale gosse. A vouloir trop en faire, trop en montrer (en amont via mille et un trailers de plus en plus explicites), il a fini par donner vie à un jeu monstrueux. Un ovni définitif dans le paysage vidéo-ludique actuel. Une oeuvre majeure par son envergure, sa volonté de véhiculer des messages, de transfigurer l'expérience de jeu, mais qui n'aura cessé de se chercher jusqu'à sa conclusion. Un oeuvre humaine dirigée par un créateur atypique, exigeant, têtu, désormais un peu trop à l'écoute de ses fans, comme Snake un rien tétanisé devant son acte final et arc-bouté sur des principes parfois archaïques. Un auteur n'atteint le firmament que lorsqu'il trace son sillon, implacable, sur de lui, libéré. Metal Gear Solid 4 restera donc une grande aventure, mais loin d'être la plus intense, la plus mémorable de la saga. Voilà le problème avec les génies, on en attend toujours plus d'eux. Mais n'oublions pas de les remercier pour les émotions, toujours vives, qu'ils auront su nous apporter. Hideo Kojima et Snake, merci... mais il est maintenant temps pour vous d'éteindre la lumière.