Ajay Ghale est revenu au Kyrat pour disperser les cendres de sa mère. Dans n'importe quel pays, ce serait une formalité. Mais la situation de cette contrée (fictive) nichée au coeur de l'Himalaya est quelque peu... instable. De fait, il vaut mieux passer par des moyens détournés, faire profil bas en priant de ne pas finir une balle dans la tête sur le bord d'une route. Ajay échappe d'un rien à ce scénario. Il doit son salut au tyran local, le très précieux Pagan Min. Celui-ci semble le connaître et l'invite, menotté et sac sur la tête, à manger des raviolis à la crevette dans sa demeure. Dont le héros va s'échapper fissa avant de se retrouver embringué dans une affaire de rébellion bicéphale.

Satan au Tibet

Deux personnes, Sabal et Amita sont à la tête du Sentier Doré, faction éprise de liberté, dont le but est de renverser un régime complètement pourri. Pour eux, le héros va accomplir nombre de tâches liées à un scénario que l'on qualifiera de plutôt moyen et pas vraiment dépaysant. Ennemi maboule, trahisons, faux-semblants, choix entre tradition et modernité : voilà le programme, déjà éprouvé auparavant. Et ce ne sont pas les personnages secondaires, amis comme antagonistes, dont les prestations sont majoritairement convenues, qui vont marquer la césure avec Far Cry 3.

Pagan Min, comme Vaas, n'est pas assez présent et pas assez marquant. Quand au reste du cast, on a l'impression d'une transposition de personnalités et de mise en scène d'un épisode à l'autre. Au point que certaines missions (brûler un champ de pavot, entre autres) et le décès d'un antagoniste important dans un état second résonnent comme un écho à peine voilé à ce que proposait l'épisode précédent. Même chose concernant des quêtes secondaires sous psychotropes ou dans un monde mystique, superbe au demeurant. La sensation de redite est grande.

Trekking Bad

Le vrai changement réside dans l'aire de jeu. Kyrat, baignant dans une ambiance sonore Hindi super zen, est un endroit magique. Une région montagneuse regorgeant d'endroits charmants sur lesquels, lorsque la distance d'affichage n'accuse pas trop de brouillard et que les éléments ne poppent pas un tantinet tardivement (c'est ainsi sur PS4), se prête à une exploration appliquée et plaisante. Ses collines, ses villages, ses lacs, ses grottes, ses temples, ses sommets enneigés où l'oxygène se raréfie, ses prisons dégueulasses, ses lieux habités d'une population et d'une faune loin de s'avérer timides, baignés par la lumière d'un cycle jour/nuit perceptible, donnent l'occasion de se rincer l'oeil à pieds ou aux commandes d'un nombre de véhicules impressionnant.

Du "classique" deltaplane au jet-ski en passant par la jeep, le tuk-tuk et la très exigeante wingsuit, on trouve largement de quoi visiter en toute liberté ces décors au rendu réussi - y compris en appliquant le pilote automatique, pratique pour shooter sans se prendre la tête. A la longue liste des moyens de locomotion plus ou moins extrêmes s'ajoute le gyrocoptère, ici appelé Buzz, petit hélico léger qui autorise à atteindre une altitude limitée mais déjà raisonnable. De quoi atteindre, par exemple, les sommets des clochers qui permettent de lever le voile sur la zone alentour - à la Assassin's Creed/Watch_Dogs - et s'épargner l'emploi d'un grappin cantonné à des points précis et un peu trop éparpillés.

Les possibilités d'une île

Et qu'est-ce que l'on trouve à faire à part se balader dans un endroit aussi vaste et grouillant de vie ? Des taaaaaaas de choses, d'objets à trouver, de posters de propagande à arracher, de petites missions nous laissant expérimenter les mécaniques d'action et d'infiltration ayant fait le succès du troisième épisode, avec, cela va de soi, encore davantage de verticalité. L'expérience et l'argent (à dépenser auprès de sherpas ou dans les planques) aidant, les deux arbres de compétences, l'un porté sur l'offensive et l'autre plutôt sur la condition physique, conféreront rapidement des capacités adéquates et un arsenal de pétoires customisables assez dément pour envisager de multiples approches aux nettoyages de camps, filatures, défenses de point stratégique, sauvetages d'otages ou encore parties de chasse.

Vous pouvez vraiment y aller à pas feutrés, zigouiller chaque vilain qui vous tourne le dos en un battement de cil et enchaîner avec le plus proche, en prenant garde à bien planquer les corps et à bien avoir scanné les lieux au préalable. Bah oui, imaginez qu'un gugusse oublié vous surprenne, ça ferait tâche. Ah, vous préférez quand c'est le foutoir ? Et peu importe que les renforts se pointent parce que vous n'avez pas réussi à gérer l'alarme ? D'accord. Il y a des applications pour ça.

Borracho, cansado

Lorsque l'on parle action, Far Cry 4 reste très satisfaisant. Quand bien même les ennemis, comme les alliés d'ailleurs, ont parfois tendance à se laisser canarder sans imaginer qu'il existe d'autres animations que planqué/à découvert la tête bien en évidence, ils offrent, en nombre, une certaine résistance couplée à une sensation que leurs projectiles sont à tête chercheuse. Vers la deuxième moitié du jeu, on peut rapidement se voir débordé(e) et à cours de seringues salvatrices. Et clamser, salement, non sans pester sur un checkpoint placé à quelques centaines de mètres. Parmi les options, les armes lourdes et autres véhicules lancés avec un pain de C4 collé au derche sont à envisager.

Mais il existe aussi le droit de profiter des prédateurs qui, attirés par la bidoche du dernier animal dépecé en vue de vous faire un nouveau portefeuille, se feront un plaisir de croquer du gredin... avant de s'en prendre à vous si vous restez à proximité. Cool, mais dangereux. Alors que l'éléphant, sous ses airs placides, constitue la machine de guerre ultime, l'ami sur lequel on monte et qui démonte. Pour peu qu'il ne succombe pas sous les balles, il va vous permettre d'envoyer valdinguer avec bonheur tout ce qui se trouve sur son chemin. Un soldat, un coup de trompe. Une bagnole équipée d'une tourelle, une charge. De quoi se défouler agréablement sur tout ce qui bouge ou pas.

Fort, Pagan

La bonne nouvelle avec la campagne, qui vous occupera une quinzaine d'heures sans détour et le double en cherchant la compleción, c'est qu'elle parfaitement jouable à deux. A condition que les serveurs ne fassent pas trop de caprices, comme au moment du test, vous allez vous retrouver à parcourir Kyrat avec un pote, ou un parfait inconnu croisé au hasard d'un matchmaking.

Mieux pour s'amuser et élaborer des stratégies, notamment lorsqu'il s'agit de prendre d'assaut l'un des forts que renferme la carte, appartenant à des lieutenants. Côté compétitif, il y a également ce qu'il faut. D'abord, des leaderboards pour mesurer vos temps sur les récupérations d'avant-postes. Ensuite, un multi, à deux équipes de cinq où se bastonnent guerriers mystiques et humains en arme, aux attributions différentes, promettant des façons de procéder différentes, dans des modes que l'on qualifiera d'efficaces et au travers de maps offertes ou concoctées par la communauté.

En effet, un éditeur, qui demandera pas mal de pratique, a fait le chemin, et nul doute que des petits génies sont déjà à pied d'oeuvre pour créer de nouveaux environnements bien pensés. D'autant qu'on trouve comme cadres aménageables... des îles tropicales. Comment ça, une fixette sur Far Cry 3 ?

Je n'ai pas boudé mon plaisir. Le feeling du jeu et ses multiples possibilités, le gigantisme de la carte proposée, l'atmosphère-même de ce titre m'ont vraiment plu. Mais il faut reconnaître que l'histoire et les protagonistes sans vraie consistance ainsi qu'un contenu sans une foule d'aménagements m'ont souvent fait considérer cet épisode comme une simple skin. On peut l'apprécier ainsi, et il est certain qu'il séduira ceux qui ne connaissent pas du tout la franchise. Pour les autres, après un Far Cry 3 surprenant, ils considéreront dommage de n'avoir qu'une copie de la même formule... en moins convaincant.