Pas une parole. Un silence assourdissant. Puis délicatement, un souffle. Celui du vent. Une forêt qui respire. Deux yeux éperdument blancs dans cette immensité sombre. Un enfant qui s'éveille. Une pureté qui s'apprête à donner vie à un cauchemar diaboliquement sadique. Limbo débute ainsi. Sans une explication. Sans un texte. Quelques pas maladroits plus tard, vous êtes mort. Déjà. Radical. Mais ici pas de Game Over. Jamais. La lumière s'estompe comme la vie du jeune enfant... avant de se rallumer pour un nouvel essai. Une nouvelle page du cauchemar. Limbo est déconseillé aux moins de 18 ans car c'est un jeu violent, à sa manière. Pas de sang, mais du vice dans les pièges que vous rencontrerez, du sadisme dans les morts que vous subirez. Limbo est un jeu adulte, non parce que la mort y est présente, mais parce qu'il prête à réfléchir sur soi-même, sur nos souvenirs, nos rêves les plus sombres, sur l'évolution du jeu vidéo aussi. Limbo est une pépite numérique. Proche de l'esprit de Sa Majesté des Mouches. Un jeu culte. Découverte...

Noir, blanc, envoûtant

Dans la veine des Braid ou Flower, Limbo fait partie de ces jeux uniquement disponibles en téléchargement. Ces jeux coûtant une dizaine d'euros (en l'occurrence 1.200 Microsoft Points), durant une petite demi douzaine d'heures et apportant tellement plus de plaisir que nombre de blockbusters survitaminés. Conçu par les danois de PlayDead, ce jeu de plate-forme/réflexion fera incontestablement parti des jeux clefs de l'année 2010. Et ce pour plusieurs raisons. La plus évidente reste sa réalisation. Intégralement drapée de noir et de blanc, l'aventure se vit comme un conte éthéré à mi-chemin entre les univers de Fumito Ueda et Heart of Darkness. Admirables animations, douces, légères. Des environnements gigantesques, la plupart des temps balayés par les vents ou la pluie, que l'on traverse en vue de profil. Une myriade de plans, de superbes effets de profondeur de champ, une immersion totale dans un monde si froid, si hostile et pourtant si séduisant. Une beauté fragile, presque émouvante qui happe le joueur et le pousse à progresser. Devant. Toujours plus loin, dans une fuite sans fin. Ici pas de découpage en niveaux ou en chapitres. Vous avancez droit devant (avec quelques très rares allers-retours). Jamais vous ne serez coupés dans votre élan autrement que par une énigme bloquant les rouages de votre cerveau.

Simplicité et créativité

Contrairement à certains jeux au traitement artistique appuyé, Limbo n'oublie pas d'être... un jeu ! Son gameplay fait de séquences de plate-forme furieusement timées et de casses-tête savamment étudiés se révèle particulièrement efficace. Sans vous dévoiler les évolutions de situations (qui constituent souvent de belles surprises), vous jouerez avec différents mécanismes ou encore des lois de physique élémentaires. La physique fait d'ailleurs partie intégrante des règles régissant ce petit monde macabre. Résultat : résoudre une énigme se révèle souvent plus facile lorsqu'on la transpose dans notre réalité : comment je procéderais si j'étais dans cette situation ? Eh bien je ferai rebondir ce bloc peut-être... tiens, ça marche ! Le jeu regorge de trouvailles, de passages qui feront sourire les gamers les plus avertis par l'intelligence de la mise en scène. La difficulté n'est à ce titre pas l'une des caractéristiques principales du jeu. Hormis la dernière heure, vous devriez rapidement venir à bout des obstacles. Le principe de base reste le Die and Retry. Heureusement, les points de sauvegarde ont été astucieusement disséminés afin d'éviter toute frustration. Il existe aussi de vraies séquences clefs. Un bruit sourd annonciateur d'un danger. Une rencontre surprenante. Une séquence intense. Limbo ne se contente pas d'enchaîner les puzzles ou les plates-formes. Malgré son absence totale de narration "exprimée" (ni texte, ni voix), l'aventure raconte bien quelque chose, happe par son mystère... et surtout fait jaillir de nombreux sentiments.

Drapé dans ses habits 2D en noir et blanc, Limbo impose la classe de sa réalisation. Tout d'abord happé par cette maestria visuelle, c'est ensuite pad en main que le joueur réalise combien cette aventure a raffiné son gameplay. Une aventure relativement courte (comptez une demie douzaine d'heures max), mais qu'importe. L'expérience est unique, le voyage magnifique. Que l'histoire ne soit jamais explicitée contribue finalement à l'atmosphère déroutante du titre. Un périple évanescent qui vous fera quitter votre quotidien pour vous mener loin, vous perdre dans un songe délicieusement tourmenté. Limbo s'inscrit ainsi dans la lignée des grands jeux à petits prix, de ceux qui brillent par leur singularité visuelle et ludique, plus que par des cinématiques à grand spectacle. Simple. Envoûtant. Marquant. Merci.

A noter que Limbo devrait arriver sur PSN et PC dans quelques mois.