Rauque. Lente. Un rien cynique. La voix du narrateur occupe l'espace en décrivant, commentant, remettant en question chaque foulée du Kid avec un calme olympien. La Calamité a dévasté son monde, univers coloré au style visuel très Ankamiesque. Un royaume flottant dans les cieux dont il est urgent de retrouver les noyaux afin d'éviter l'effritement définitif. A chacun des pas du Kid, la route se forme sous ses yeux. Sensation irréelle. L'histoire s'écrit alors avec ce zeste de romance et de suspense qui font le sel de ces légendes transmises au coin du feu et traversant les âges. Mille et un combats. Des trahisons. La volonté de toujours aller vers l'avant, de connaître la vérité. De suivre une histoire se racontant immédiatement... en fonction de vos actions. Bonnes, comme mauvaises.

Kid Coeur de Lion

Si on occulte un temps son stimulant parti pris de narration, dans le fond, Bastion rappelle un Legend of Mana en plus riche et dynamique, le tout passé à la moulinette visuelle Ankama. Ainsi comme dans tout bon Action/RPG, les combats se vivent par vagues successives. Les mêlées sont féroces, et malheureusement parfois un peu brouillonnes. A force d'affrontements, votre expérience grimpe en flèche, vous permettant alors d'acquérir moult upgrades variées. A ce titre, la montée en puissance se révèle ici des plus consistantes. Il vous faudra ainsi redonner vie à votre Bastion, citadelle servant de hub central à l'aventure. Création d'une distillerie, d'un arsenal, d'un mémorial, d'un temple, etc. Autant de lieux vous permettant d'améliorer votre équipement (armes, objets), d'implorer des dieux capricieux (qui vous permettront de corser les niveaux pour obtenir des bonus), ou de relever des défis spécifiques. Classique, cette mécanique de progression par l'XP et l'argent reste ici justifié grâce à une bonne intégration à l'histoire. Un bon moyen aussi de booster la durée de vie, qui vous fera dépasser allègrement les 6 heures de jeu nécessaires pour finir l'aventure en ligne droite... De son côté, la prise en main est classique, avec l'arme de poing sur un bouton, l'arme de tir sur un autre, une touche pour la défense et enfin une action spéciale disponible en quantité limitée. Sulfateuse, arc, sabre, marteau de guerre... l'arsenal se montre varié, bien que relativement classique. Ce qui l'est moins, c'est le rendu visuel général. En effet, le Kid se déplace dans des décors dessinés à la main, qui se construisent directement sous vos yeux. Par blocs successifs. Ce monde flottant dans le vide se retrouve constamment en mouvement et même si, technologiquement parlant, Bastion ne propose aucune prouesse, il paraît bien difficile de résister à son charme esthétique.

Et bla, et bla, et bla...

En décrivant chaque situation, le narrateur offre une sensation d'immersion inédite. On en vient même à tester des choses rares comme... mourir bêtement, juste pour voir ce qu'il pourra dire. Et ça ne rate pas, immédiatement, cette voix venu du fond des temps évoque votre mort ridicule avec un soupçon d'humour de bon aloi. Pourtant cet élément constitutif de l'originalité de Bastion pourra aussi paradoxalement représenter l'un de ses principaux défauts. Tout d'abord, le narrateur n'arrête pas de parler. Tout le temps. Quoi que vous fassiez. Si vous aimez le calme, notre ami risque de vite vous taper sur le système. Ensuite, pour ceux ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare, le narrateur est si présent qu'il vous faudra constamment jeter un coup d'oeil aux sous-titres placés en bas de l'écran. Et donc quitter temporairement l'action. Pas toujours évident en pleine mêlée... et par conséquent frustrant si vous souhaitez ne rien perdre de l'histoire.

Moins renversant que les têtes d'affiche du Summer of Arcade des saisons passées, Bastion de Supergiant Games ne réinvente pas la roue. Il n'en demeure pas moins un bon Action/RPG ayant eu l'excellente idée de bouleverser sa manière de raconter son histoire. Mais quelle idée de génie. Efficace, complet, rythmé, et coloré, l'aventure ne pourra ainsi laisser insensible les amateurs de course à la puissance aussi maîtrisée... que furieusement bavarde.