Bright Fall, paisible bourgade américaine. C'est ce havre de paix qu'Alice, la femme d'Alan Wake, a choisi pour la sérénité de son auteur de mari. Un homme public adulé mais dont l'inspiration s'est violemment évanouie depuis quelques années. Trois ans pour être précis. Ainsi après le succès et les plateaux TV... Alan déprime, se referme sur lui-même. Agacé par les attentions de ses fans qui ne manquent pas de le solliciter. Impossible de devenir invisible lorsqu'on a été, à ce point, exposé à la lumière médiatique. Une sensation confirmée dès les premiers pas dans l'aventure. Mal à l'aise, vidé, Alan Wake traine sa notoriété comme un lourd fardeau. Regard bas alors que Bright Fall lui ouvre les bras. Un prologue permettant de mieux cerner les états d'âme de cet écrivain se réfugiant aujourd'hui dans l'ironie.

Tout sauf un survival/horror

En rendant directement visite aux finlandais de Remedy, j'ai pu découvrir plus d'éléments que ceux présentés lors du X'10 de San Francisco. L'une des séquences les plus marquantes des premières heures de jeu se déroule ainsi sur une presque-île. En bord de lac, une masure vous attend en guise de maison de vacances. C'est ici que se dévoile le mieux la relation passionnée, autant que conflictuelle, liant Alice et Alan... avant que tout ne bascule. Si je ne vous révèlerai pas ce qu'il advient, sachez que la première heure de jeu s'illustre par une réelle montée en puissance. Un rythme savamment étudié permettant de rentrer dans l'intimité du couple, de créer de l'affect avec les différents personnages... avant que les ténèbres ne s'abattent définitivement. Alan Wake est un jeu très écrit. Ainsi en déambulant dans les studios de Remedy, je n'ai pas été étonné de découvrir l'intégrale de la série LOST, des romans finnois et des livres de Stephen King. Les inspirations projetées dans le jeu sont évidentes et permettent de mieux comprendre la volonté des créateurs. Contrairement à ce que certains pourraient penser, Alan Wake n'est pas un survival, encore moins un simple jeu d'horreur. À ce titre la violence générale n'a rien d'exagéré. Le gore n'a pas sa place ici. Certes l'action a de l'impact, mais l'ambiance générale tient plus du thriller psychologique. À mesure que vous vous enfoncez dans la forêt, en voix off, Alan Wake commente sa progression. Ses états d'âme. Des doutes renforcés à mesure que vous trouverez des fragments du roman... qu'il est censé avoir écrit. Aucun souvenir, mais une avalanche de glaciales prédictions couchées sur le papier. Une plongée narrative immersive et personnelle qui ajoute un cachet indéniable au titre. Pour Sam Lake, auteur du jeu, l'ambition était de mêler réalité objective et subjective. Confronter le héros comme le joueur à leurs peurs primaires. La peur du noir. L'invisible. Et laisser de la place à l'imaginaire. Ne pas tout montrer. Il ne s'agit pas réellement de science-fiction, mais d'un monde bien réel altéré par une force impalpable. De l'aveu des créateurs, le plus complexe fut d'ailleurs de donner vie à un monde terrifiant mais qui n'ait pas l'air grotesque.

Illuminer les ténèbres

Votre ennemi est une force inconnue. Un mal qui ronge les environs de Bright Fall. La Dark Presence, qui happe humains comme objets (pelleteuses, rouleaux de chantier, etc). Face à elle il existe deux solutions. Soit la fuite effrénée, soit l'action lumineuse. Pour cela, il vous faudra braquer une source de lumière (lampe torche, projecteur) vers l'ectoplasme, concentrer son énergie (la batterie se vide alors progressivement) afin de chasser la brume qui le protège... et porter le coup fatal. Bien évidemment, plus votre ennemi est imposant, plus vous devrez puiser dans cette énergie lumineuse. Quoi qu'il en soit, pour franchir des zones infestées en traçant sa route, il est aussi possible de brandir un fumigène ou d'envoyer une fusée de détresse. Vous serez alors gratifiés de superbes effets visuels. Car oui, Alan Wake est esthétiquement envoûtant. Voir la cime des arbres s'agiter dans le lointain. Découvrir la brume avalant le monde environnant. À noter qu'au fil de l'aventure, vous trouverez des sources de lumières de plus en plus conséquentes. Et je peux vous assurer que la petite lampe torche du début n'est qu'un amuse-gueule comparé ce que j'ai pu voir par la suite. Les combats sont nerveux. Dramatisés par un jeu de caméra dynamique. À noter aussi que le jeu ne se déroulera pas exclusivement la nuit. Mais attention, même de jour, la Dark Presence pourra habiter des lieux plus reculés. Pour conclure, sachez que pour renforcer l'ambiance, Alan Wake proposera plus de 4 heures de musiques, dont 1 heure de musique orchestrale appuyant l'heure de cinématiques. Des séquences qui, à l'heure actuelle, constituent peut être le seul bémol du titre. En effet, si la mise en scène se montre efficace, le jeu d'acteur et les expressions de visage un peu trop rigides n'ont pas la qualité technique, pour l'instant, des blockbusters actuels. Interrogés sur le sujet au X'10, Remedy nous a précisé que cet aspect était l'un des derniers à être fignolés peu avant la sortie du jeu... nous verrons donc d'ici là.

Un an pour tout peaufiner

Depuis mai 2009, Alan Wake est intégralement jouable. De A à Z. Près d'un an à peaufiner l'ambiance, à raffiner les textures, à densifier les interactions, à corriger les derniers bugs. C'est un fait, Remedy dispose aujourd'hui d'un luxe rare : avoir le temps. Le projet est en développement depuis près de 6 ans maintenant. Une conception lente, minutieuse, qui s'explique par le besoin de concevoir l'intégralité des outils en interne. Le choix d'une forêt terrifiante n'a rien d'anodin. Ainsi pour renforcer l'immersion, l'ingénieur du son a campé plusieurs jours dans les bois pour récupérer moult sons et s'imprégner de l'atmosphère, tandis qu'une autre partie de l'équipe partait quelques semaines en repérage aux Etats-Unis. Suite à leur visite de parcs nationaux dans l'Oregon, près de Portland et Seattle, ils ont recréé un monde cohérent d'une superficie de 100 km², soit 10.000 hectares. Massif, même si vous ne pourrez pas tout visiter librement. Mais si Remedy souhaite raffiner l'ambiance et la narration de son titre, les pères de Max Payne ne sont que trop conscients de l'importance d'un gameplay efficace. C'est une certitude, Alan Wake ne néglige donc pas l'action. Max Payne leur aura aussi permis d'apprendre comment mieux gérer le rythme au long du jeu. Une expérience bénéfique permettant à Alan Wake d'alterner habilement entre de calmes phases d'exploration, et phases d'action lorsqu'on est projeté dans des affrontements tendus où la stratégie occupe un rôle non négligeable. En marge, pour renforcer l'esprit Thriller, ils ont réutilisé des techniques de caméras mises au point dans leur précédente saga. Par exemple, la caméra peut aléatoirement se mettre en mode automatique (effet bullet time ou recentrage sur un ennemi qui surgit) afin de dramatiser une de vos actions. Cependant, à tout moment, vous pouvez reprendre la main et c'est tant mieux car avouons qu'il arrive qu'une fois l'effet de surprise passé, vous vous retrouviez avec un angle de vue certes cinématographique, mais pas toujours idéal pour poursuivre l'action. Des réglages nécessaires dont les concepteurs sont bien conscients.

Previously in Alan Wake

Vous le savez déjà probablement, le titre a été intégralement découpé comme une série TV. Pour ses créateurs, leur héros est une sorte de jeune Indiana Jones. Un homme de tous les jours, mais particulièrement capable lorsque la situation dégénère. L'histoire se compose de chapitres systématiquement conclus par de percutants cliffhangers. Lorsque vous reprendrez votre partie, un résumé "Previously in Alan Wake" vous accueillera pour vous remettre dans l'ambiance. Efficace. Attention cependant, même si des DLC sont d'ores et déjà prévus (le menu est déjà implémenté dans la version que j'ai pu voir), les développeurs me l'ont confirmé : oui, cet épisode bénéficiera bien d'une véritable fin. Alors si l'équipe n'a pas souhaité m'en préciser le contenu, il paraît envisageable que les futurs chapitres en téléchargement jouent la carte du spins-off, ou du prologue.

Vous l'aurez compris, après avoir pu jouer plus d'une heure et m'être entretenu longuement avec les créateurs, Alan Wake m'a laissé une belle première impression. Rythmée, soignée, ambitieuse et différente, cette aventure semble avoir encore beaucoup à révéler. Prévu pour le 21 mai prochain en exclusivité sur Xbox 360, si Alan Wake parvient à corriger quelques détails, il pourrait bien faire une sortie fracassante des ténèbres dans lesquelles il n'a séjourné que trop longtemps.

Pour en savoir plus encore sur l'univers d'Alan Wake et les coulisses de son développement, rendez-vous dans quelques jours sur Gameblog.fr pour notre reportage vidéo exclusif des studios finlandais de Remedy.