Vingt-deux ans après Warped, Crash est donc enfin de retour, dans une suite numérotée qui espère clairement se servir de la trilogie originale comme d'un tremplin vers un retour en grâce. Que ce soit dans sa construction ou dans le discours du producteur Lou Studdert, Crash Bandicoot 4 : It's About Time n'hésite pas à invoquer dès que possible ses illustres ancêtres :

Nous avons passé beaucoup de temps à rejouer aux premiers épisodes, pour comprendre et en extraire les sensations, la perspective, et même le niveau de danger et d'ennemis de l'époque. Nous voulions coller au mieux à l'ADN de la série.

L'idée de développer un Crash Bandicoot 4 est d'abord venue du gameplay : nous voulions tellement coller à la trilogie originale que nous nous sommes rendus compte qu'il s'agissait d'une suite directe, et nous avons ainsi souhaité la rattacher aux anciens épisodes en termes de narration également.

Se réclamant ainsi des trois opus originaux, tant sur le plan scénaristique qu'au niveau de ses mécaniques, Crash Bandicoot 4 s'est ainsi offert à nous, le temps de parcourir trois niveaux (ou presque) en compagnie de la mascotte non-officielle de Sony à la fin des années 1990. Si cette première démo ne s'attarde pas sur le rebondissement de situation qui aura permis à Neo Cortex de retrouver sa stature d'adulte maléfique, c'est sans doute pour mieux rouler des mécaniques, et espérer charmer les fans de la première heure, qui n'en finissaient plus d'espérer la résurrection de la série.

Les Masques que nous portons

Développé par Toys for Bob, aux commandes de Skylanders mais aussi des compilations Crash Bandicoot: N. Sane Trilogy et Spyro Reignited Trilogy, Crash Bandicoot 4 reconnecte immédiatement avec la série une fois la manette bien en mains : entre les caisses de fruits Wampa, les ennemis à envoyer valdinguer dans les tréfonds du décor à grands coups de tourbillons et autres morts injustes, tous les poncifs sont là. Loin des tentatives d'ouverture de l'époque Radical Entertainment, Crash Bandicoot 4 recentre son action à travers des niveaux qui assument leur dirigisme, en alternant des phases à la progression tantôt verticale, tantôt horizontale pour caresser les fans dans le sens du poil.

Toujours aussi peu bégueule, le bandicoot éponyme profite de son nouvel écrin pour multiplier les facéties et autres contorsions, et fait preuve d'une expressivité un peu plus poussée, un souci du détail qui fonctionne clairement, sauf lorsque notre héros nous révèle à travers un selfie de fin de niveau qu'il est désormais victime de son égocentrique époque. Heureusement, la direction artistique de ce nouvel épisode est tout aussi réussie que le look de notre boule de poils rousse : que ce soit à travers un premier niveau enneigé dans lequel il faudra gérer les glissades ou à travers une jungle préhistorique affichant des dinosaures aussi saillants que comiques, l'ambiance loufoque et azimutée de la série se retrouve dans ces quelques décours, qui nous laissent espérer de très bonnes surprises lors de sa sortie définitive. Les musiques thématiques de Walter Fair (dont vous avez pu apprécier le travail dans les sagas Killzone, Grand Theft Auto ou Total War) achèvent de mettre dans l'ambiance, même si ces dernières restent encore assez discrètes.

Pour pimenter un peu ce retour d'entre les morts, le studio californien a tout de même sorti de son chapeau quelques nouveautés, en la présence des Masques Quantiques. Deux d'entre eux étaient ici accessibles : Kupuna-Wa qui permet de ralentir le temps, et un petit nouveau, qui agit comme un switch entre les dimensions, affichant ainsi certains items autrement seulement suggérés. Le premier permet ainsi de pulvériser certaines boites qui apparaissent et disparaissent à la vitesse de la lumière, ou encore de passer sous les attaques ennemies sans dégâts, quand l'autre se combine à des phases de grind que l'on jurerait sorties d'un Sonic Adventure pour pimenter la descente, pour les complétistes qui savent déjà que le challenge viendra une nouvelle fois du 100%.

Raide is Dead

Et si toutes ces nouveautés offrent un peu de sang neuf évidemment bienvenu, le compte n'y est pour l'instant pas, la faute à une prise en main encore crispante et crispée : fallait-il en effet pousser l'hommage jusqu'à figer le maniement du bandicoot à la fin du siècle dernier ? Au vu du résultat, rien n'est moins sûr. Malgré la présence d'une ombre au sol afin de mieux gérer ses réceptions, le pauvre Crash peine encore à se mouvoir avec grâce et précision, la faute à un système de saut toujours très obscur, qui semble s'amuser à décomposer ses arcs pour mieux tromper le joueur, et l'envoyer au fond du gouffre, ad nauseam. Fort heureusement, le nouveau mode « Modern » qui fait fi des vies (cantonnées au mode « Rétro ») permet de mieux gérer la défaite et la frustration, mais tant de morts aurait déjà pu être évitées en offrant aux déplacements une fluidité qui leur fait encore défaut.

Que ce soit de dos, de face ou de profil, ces fichus sauts s'illustrent d'abord par leur manque de précision, une difficulté renforcée par les nouveaux pouvoirs de Crash, puisque l'activation du masque Kupuna-Wa vous assure presque systématiquement de rater votre atterrissage. Rageant. C'est d'autant plus dommage que certaines phases ont clairement fait preuve de soin en termes de level design, à l'instar de cette course-poursuite face caméra dans laquelle il convient de fuir un dinosaure enragé tout en évitant les nombreux pièges révélés par une meilleure profondeur de champ : entre le grind sur fonds de petits tricératops et les glissades à répétition pour ne pas finir stone en traversant un parterre de champignons, il y a de quoi faire. Les zones bonus sont évidemment de retour, et certaines prennent désormais la forme de puzzles bien ficelés, qui demandent un peu de réussite et d'inspiration. Une fois encore, le nombre d'échecs dues aux chutes non-maîtrisées vient contrebalancer cet amour des développeurs pour la licence.

Les Z'Amours

Heureusement, Crash et Coco ne sont pas les seuls à tenir le haut de l'affiche, et les têtes connues qui les rejoindront au fur et à mesure permettront d'enrichir le gameplay :

Au cours de l'aventure, vous allez essentiellement incarner Crash et Coco, mais à certains moments, d'autres personnages les rejoindront, et vous débloquer ont ainsi des niveaux optionnels que nous appelons « Timelines ». Dans ces niveaux coupés en deux, vous commencerez par découvrir un nouvelle zone, avant que l'histoire ne rejoigne celle de Crash et Coco, pour ensuite vous proposer une version remixée de la seconde partie.

Dans les faits, nous retrouvons effectivement Neo Cortex, toujours épris de vengeance vis-à-vis des marsupiaux, qui profite d'une palette de mouvements enrichie visant à compenser l'absence d'un double-saut. Le scientifique dégarni profite ainsi d'un blaster multifonctions, qui lui permet de figer les ennemis et de s'en servir comme d'une plate-forme, à l'instar d'une célèbre chasseuse de prime, ou avec une seconde pression d'en faire un bloc gélatineux prompt aux rebonds vertigineux. Ajoutez à cela un dash qui se déploie dans toutes les directions, et vous obtenez un personnage certes lui aussi un peu raide et mécanique, mais qui profite de suffisamment de mobilité pour offrir des vraies modifications dans le gameplay, et apporter un peu de sang neuf à la formule.

Les quelques niveaux baptisés « Timeline » offrent ainsi une autre lecture d'un stage déjà parcouru dans les baskets de Crash, mais qui apporte plusieurs éclaircissements sur un événement précis : ici, l'explosion impromptue d'un bateau encastré dans la glace, qui était en réalité un piège tendu par Neo Cortex. Une fois que les destins se croisent, c'est notre héros poilu qui reprend le lead, mais l'emplacement de nombreuses caisses a été modifié, et de nouveaux pièges retors sont désormais à déjouer. Si la difficulté en prend évidemment un coup (surtout pour espérer casser toutes ces fichues caisses en un run), la nouvelle configuration permet également d'offrir quelques pistes à ceux qui en auraient loupé dans la version classique. Pratique, et bienvenu. Il est donc d'ores et déjà certains que les fans de la série auront de quoi faire, quand bien même nous n'avons pas la moindre idée du nombre de niveaux qui mettra nos nerfs à rude épreuve.

ON L'ATTEND... APRÈS UN BON ÉTIREMENT !
Après autant d'années passées à attendre le retour de l'ami Crash, les retrouvailles ont pour le moment une saveur douce-amère. Si la mise en scène pêchue et colorée donne dès le départ le ton, la raideur un brin crispante des déplacements empêche encore de profiter de l'expérience. Pourtant, Crash Bandicoot 4 ne manque pas d'idées, loin s'en faut : entre l'arrivée de nouveaux pouvoirs temporels sympathiques, la relecture de certains niveaux sous un autre angle ou la possibilité de choisir entre difficulté rétro et moderne, Toys for Bob a sur le papier mis les petits plats dans les grands pour tenter de brosser les fans du marsupial dans le sens du poil. Mais pour espérer retrouver l'ancienne gloire sous les meilleurs auspices, il faudra encore lui graisser la patte, afin de le rendre plus souple que dans les années 1990. Pour les joueurs aussi, de l'eau a coulé sous les ponts. Rendez-vous le 2 octobre prochain pour découvrir si Crash Bandicoot 4 sera digne de porter son numéro, sur PlayStation 4 et Xbox One, en attendant de futures annonces qui ne trompent personne.