"Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille" : l'habile citation n'est pas du pauvre Vincent, mais d'un ancien président de la République. Notre jeune trentenaire aurait en revanche pu arriver sans mal à cette même conclusion : englué dans une relation de longue date avec son crush du lycée, ce héros malgré lui menait jusqu'alors une vie de bohème et d'insouciance, entre soirées bien arrosées et réveils tardifs de rigueur. Mais un jour, ce relatif équilibre vole en éclats alors que Katherine, sa dulcinée tendance castratrice à lunettes, lui balance tout de go pendant un tête-à-tête qu'il serait peut-être temps de songer à lui passer la bague au doigt. Et là, c'est le drame.

In Vino Veritas

Mais ça, c'était avant. Avant qu'Atlus ne décide de ravaler la façade et n'offre à sa crise de la trentaine vidéoludique une seconde jeunesse avec Catherine : Full Body. Si l'on retrouve dès l'introduction Trisha la chevelue, l'heure semble résolument à la nouveauté : après un parallèle de circonstance sur la bonification du vin et le développement de nouveaux arômes qui lui donnent du corps, les vieux briscards sont accueillis comme à la maison, tandis que les petits nouveaux sont invités à se joindre à la fête. Que vous ayez ou non accompagné le pauvre Vincent au bout de ses cauchemars auparavant, il y aura toujours une bonne raison de s'attaquer à cette relecture qui n'hésite pas à corriger le tir tout en faisant naître de nouveaux enjeux.

Pour accoucher de Catherine : Full Body, Atlus a en effet tenu compte des retours critiques formulés par les joueurs pour revoir sa copie sur de nombreux plans. S'il n'était malheureusement pas possible de profiter de la version originale durant ces deux premières heures de jeu, l'éditeur nous assure de la présence des voix japonaises dans la version finale, histoire de s'immerger encore un peu plus dans la vie de semi-débauche de Vincent, mais aussi (et surtout) de profiter enfin de la présence de Kotono Mitsuishi et Koichi Yamadera, que les fans d'Evangelion connaissent bien. Ah, et accessoirement de dire adieu à la synchronisation labiale de la version anglaise, aux fraises comme pas permis.

Poo Poo Pi Douce

L'autre changement que l'on remarque dès les premières minutes, c'est sans aucun doute la personnalité de Katherine : jugée comme une véritable antagoniste par la plupart des joueurs de la version originale (et comment !), la dulcinée de Vincent a été largement adoucie. Que se soit dans son regard bienveillant ou ses traits moins fermés qu'en 2011, la castratrice en chef apparaît d'emblée moins antipathique, et pourrait donc bien changer la donne chez certains joueurs enamourés. Rassurez-vous : Catherine, la tentatrice aux bas apparents qui débarque la bouche en coeur dans la vie déjà troublée du pauvre trentenaire sera toujours de la partie, même si son personnage ne semble ne pas avoir fait l'objet de la moindre correction, et pour cause.

En revanche, la situation délicate qui relevait du triangle amoureux se transforme cette fois en quadrilatère plus ou moins sentimental, alors qu'apparaît bien vite Rin, la petite nouvelle, amnésique de son état. Sa présence aura d'ailleurs soulevé une vague d'indignation comme seul notre siècle sait les inventer lors de la sortie japonaise du jeu, mais votre serviteur ayant copieusement évité de se spoiler quoi que ce soit, il n'en sera évidemment pas question ici. La séductrice au cheveux roses ignore vraisemblablement tout, si ce n'est qu'elle possède une irrésistible envie de jouer du piano. Voilà une raison toute trouvée pour la faire intégrer l'équipe du Stray Sheep, la bar ou Vince et ses potes ont l'habitude de se retrouver pour échanger sur leurs existences respectives entre deux verres servis par la douce Erica.

Fantasy Impromptu

Secourue par Vincent au détour d'une ruelle, Rin et sa candeur naturelle viennent ainsi pimenter la très délicate situation dans laquelle s'est fourré notre héros de passage, qui trompe bien malgré lui sa potentielle future épouse Katherine avec l'irrésistible Catherine. Précisons que Rin s'installe bien vite dans l'appartement voisin du sien, et vous obtenez une situation amoureuse des plus tordues, pour rester poli. Comme tous les infidèles, Vincent est ainsi pris de violents cauchemars, dans lesquels il doit escalader de drôles de tours pour échapper à ses innombrables responsabilités, comme celle d'une terrifiante grossesse prenant la forme d'un diabolique foetus avide de sang. Dont acte. C'est lors de ces phases de puzzles que l'on prend conscience de tous les rééquilibrages arbitrés par Atlus : en plus de proposer un mode de difficulté "Sans Risque" dans lequel la mort n'existe pas, le mode Facile s'accompagne désormais d'un mode automatique, qui vous permet de gagner le sommet d'une simple pression sur la touche R1. Pratique, mais à user avec beaucoup de parcimonie pour ne pas passer à côté des principales phases de gameplay. Heureusement, cette grimpette sans effort se contente d'une ligne droite, et vous garantit donc un score de gagne-petit...

Il faut dire que l'équilibrage du jeu original n'était pas des plus accessibles, loin s'en faut, et Catherine : Full Body corrige allègrement le tir de ce point de vue. Les plus téméraires ayant déjà triomphé de tous les pièges en 2011 pourront sans mal commencer leur partie en mode Remix, qui propose des puzzles twistés, notamment grâce à la présence de blocs combinés qu'il faudra apprendre à manier avec réflexion pour ne pas savoir à claquer une des cinq annulations de coup dont vous disposez à chaque début de stage. Twist ultime : vous croiserez bien vite la petite nouvelle avant de répondre à l'une des fatidiques questions très intimes du confessionnal ponctuant chaque épreuve. Rin trouve en effet le moyen de jouer du piano dans les rêves cauchemars de Vincent, ce qui lui permet non seulement de lui en parler le lendemain, mais surtout de l'aider, puisque les mélodies jouées avec délicatesse par la waifu inédite ralentissent la chute des blocs, mais a priori pas celle des cheveux.

ON L'ATTEND... COMME SON PREMIER RENCARD !
En choisissant de sérieusement revoir sa copie, Atlus est bien parti pour donner à tous les joueurs une raison de se pencher sur Catherine : Full Body. Que ce soit à travers la présence de Rin, qui transforme un triangle amoureux en complexe quadrilatère adultérin, la personnalité adoucie de Katherine qui donne envie de s'y intéresser un peu plus, ou le mode Remix proposant une relecture intéressante des puzzles existants, tout a été entrepris pour que chacun y trouve son compte. Les nouveaux venus découvriront une intrigue rocambolesque toujours portée par les superbes compositions de Shoji Meguro, tandis que les infidèles récidivistes auront tout le loisir de se concentrer sur les nombreuses nouveautés de cette relecture qui nous fait déjà, à n'en point douter, un effet certain.