Après avoir étudié l'hypothétique présence de Solid Snake au sein de Metal Gear Solid V ainsi que la nouvelle organisation militaire de Big Boss, intéressons-nous aujourd'hui à l'un des fondements du jeu de Hideo Kojima : sa chronologie. Si les 9 ans qui séparent les chapitres Ground Zeroes et The Phantom Pain sont déjà actés, il se pourrait bien que cette nouvelle aventure de(s) Snake nous amène pourtant bien plus loin que 1984... Mais jusqu'où ?

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Un jeu, trois époques?

En reprenant les éléments officiels dévoilés jusqu'à maintenant, deux choses sont sûres : Ground Zeroes, prologue du jeu, se déroulera au lendemain de Peace Walker, entre 1974 et 1975. The Phantom Pain, que l'on appellera ici "le chapitre de l'hôpital", se déroule lui en 1985. Pourtant, l'officialisation de l'existence des Diamond Dogs lors de la très courte scène post-générique de la bande-annonce du 24 Avril peut laisser imaginer un déroulement ultérieur à ce même chapitre de l'hôpital, forte d'un Big Boss revigoré, quasi-menaçant et triomphant sur ce qui semble être une base militaire.

Séduit par le rythme par épisode des séries TV (il est d'ailleurs fan de The Walking Dead ces temps-ci), Hideo Kojima ne cache d'ailleurs plus la nature même de Ground Zeroes. Préquelle, Pilote, Prologue [...], appelez-le comme vous voulez, le chapitre faisant suite à MGS : Peace Walker découle directement de cette volonté de découper son ogre de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain en plusieurs segments. Et puisque la mode aux USA est de découper une saison en deux moitiés bien distinctes, souvent entrecoupées d'une pause de plusieurs semaines, il ne serait pas impossible que le créateur de Big Boss souhaite appliquer la même recette à son œuvre, pour mieux justifier le changement de rythme brutal qui s'annonce entre le chapitre de l'hôpital (qui reste aujourd'hui prépondérant au sein des différentes bandes-annonces diffusées) et celui des Diamond Dogs...

Si l'on ajoute à cela le flou qui entoure la sortie du "prologue" qu'est Ground Zeroes, à propos duquel ni Konami, ni Kojima ne peut aujourd'hui garantir l'intégration au sein du Blu-Ray/DVD de MGS V : The Phantom Pain (peut-on imaginer un disque Metal Gear Solid : Ground Zeroes sortir plus tôt avec ce seul segment ? Un DLC de plusieurs Go ?), rien n'empêche le créateur japonais de découper son jeu en plusieurs parties formant "la constellation MGS V", rejoignant une fois de plus ses premières déclarations au sujet du fameux "Projet OGRE".

Souvenons-nous également du teasing et du marketing incroyable autour de Metal Gear Solid 2 (2001) où Kojima-San est parvenu à faire croire à une nouvelle aventure de Solid Snake pour mieux imposer Raiden à des joueurs estomaqués ! S'il est vrai qu'à l'ère d'Internet et des fuites permanentes, ces surprises deviennent de plus en plus difficiles à garder secrètes, il faut considérer la possibilité que le game designer se joue aujourd'hui de nous.

Ainsi, malgré son caractère furtif, la scène post-générique présentant les Diamond Dogs et un Snake cornu peut revêtir un caractère capital pour le futur de la licence et cacher un pan entier du jeu. Un pan qui nous mènerait jusqu'aux portes d'Outer Heaven ? 

 

Outer Heaven : The Way To Fall ?

"Fin des années 80 (1989?) : Big Boss utilise les fonds amassés pendant sa carrière de mercenaire pour créer la nation indépendante Outer Heaven, située à 200km au Nord de Galzburg en Afrique du sud."

Avant d'être une nation indépendante située au sud de l'Afrique, Outer Heaven était avant tout une idée. Né de la volonté d'offrir une alternative géographique aux soldats exploités et abusés par leur gouvernement, le concept d'Outer Heaven s'est manifesté une première fois dans les années 70 sous l'impulsion de Gene (MGS : Portable OPS) avant d'être repris de manière plus concrète par Big Boss lui-même au sein de Metal Gear Solid : Peace Walker, puis de devenir, sous une nouvelle forme, le cinquième et dernier chapitre de Metal Gear Solid 4.

Cependant, l'itération d'Outer Heaven qui est au coeur de notre questionnement aujourd'hui est bien celle de la nation libre située aux portes de la Rhodésie et de l'Afrique du sud, matérialisée au sein de Metal Gear en 1987.

Anéanti par la trahison qu'a subi son mentor, The Boss, de la mère patrie pour qui elle a toujours œuvré, Big Boss pourrait bien être, à l'aube de la création d'Outer Heaven, lui aussi un sacrifié de la politique menée par les USA et Major Tom. Si nous développerons cette idée en détails demain, il est intéressant de noter que lors de sa création, la nation militaire Outer Heaven est considérée comme l'ennemie numéro 1 sur la liste des Etats-Unis, qui voient sa toute-puissance d'un très mauvais oeil (et qui sont susceptibles, au cours du chapitre Ground Zeroes, d'être à l'origine de la destruction de la Motherbase).

Deux choses sont sûres avec la caractérisation qu'offre Kojima à ses personnages : "C'est la réputation qui fait l'homme" et "Rien n'est plus friable que le coeur d'un Homme". Alors considéré comme un révolutionnaire aussi influent qu'amoureux des libertés individuelles, Big Boss peut être allé trop loin dans son idée pourtant noble d'offrir un refuge aux âmes errantes d'un monde aussi dur que les méthodes de leur ex-patrie. Derrière son idée première aux apparences louables, ce que l'on sait d'Outer Heaven aujourd'hui, au travers du point de vue d'un Solid Snake aussi jeune qu'inexpérimenté en 1990, c'est que le paradis voulu par Big Boss a mis le doigt dans un engrenage le transformant en Enfer.

Le rôle de commanditaire joué par Naked Snake, qui dirige la mission de Solid Snake sous l'égide de FoxHound avant de lui faire face en tant que maître à bord d'Outer Heaven est d'ailleurs le témoin de cette dualité qui agite les pensées de Big Boss. A-t-il été trop loin dans sa quête de revanche face au Major Tom (Zero) ? La (triste) fin justifie-t-elle vraiment les moyens (disproportionnés) mis en place par l'ex-fondateur de MSF pendant les années 80 ?

Afin de mieux illustrer cette dualité, il est d'ailleurs intéressant de se pencher sur le premier logo d'Outer Heaven, qui utilise un symbole, certes détourné par le 3ème Reich en 1933 et 1945, que l'on aimerait ne plus jamais revoir :

Enfin, afin de mieux étayer l'idée que Foxhound risque d'être très présente au cours de Metal Gear Solid V, il est intéressant de noter que parmi les fondateurs de la nation d'Outer Heaven se trouvait un certain... Vulcan Raven ! L'inuit, natif de l'Alaska, que l'on retrouvera ensuite sous le joug de Liquid Snake au sein de l'itération 2005 de FoxHound, lors de l'incident de Shadow Moses...

Aux portes de Metal Gear (1987)?
Ce que l'on sait aujourd'hui sur Outer Heaven est à peu près aussi flou que la période de la vie de Big Boss située entre 1974 et 1990. Ce ne sont que les indices sur la géolocalisation du jeu découlant de l'existence des Diamond Dogs qui nous permettent de penser que MGS V peut s'étaler jusqu'à la création du dernier monstre de Big Boss en Afrique. On peut toutefois également relever au sein des déclarations d'Hideo Kojima, ainsi que dans ses très cryptiques repères laissés ça et là, une véritable intention de boucler la boucle. On le sait, et malgré le fait qu'il le répète pendant le développement de chaque jeu de la saga Metal Gear, le créateur Japonais veut s'adonner à autre chose après Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, laissant son bébé aux mains expertes de Kojima Productions. Et si cette fois, c'était vrai ? Et si l'envie du natif de Tokyo était réellement de refermer un chapitre fort de son histoire en racontant ce chapitre énigmatique de la vie de Big Boss, créant par là-même la transition avec Metal Gear (1987) pour mieux prendre du recul face à une saga devenue quasi-complète ? Outer Heaven deviendrait ainsi la création et la fin d'une saga dirigée par Hideo Kojima, confirmant son statut d'idée et de symbole plutôt que de champ de batailles pour super-espions...

Et puisqu'il n'est jamais aussi bon que lorsqu'il trahit ses fans avant talent, le créateur de la saga balayerait ici d'un revers de la main l'idée de remakes (pourtant attendus) des deux premiers épisodes MSX, assumant son développement dans le temps, ses défauts, son gameplay rigide et ses erreurs de jeunesse (Hideo Kojima n'avait que 24 ans lors du développement du premier Metal Gear). Quand on connait l'intérêt que porte le Japonais aux idées de transmission et d'empirisme, cette idée est à considérer avec autant d'attention que son envie de s'écarter progressivement de Metal Gear, la création majeure de sa vie, pour se livrer aux fameux projets qui lui trottent dans la tête depuis plus de 10 ans maintenant...

Pour finir, soyons fous un instant et partons de l'amour de Kojima pour les symboles : Puisque la date de création d'Outer Heaven est aujourd'hui encore un mystère (on parle de 1989, sans pouvoir garantir à 100% la véracité de cette information qui n'apparaît que sur quelques chronologies non-officielles), le créateur de Big Boss pourrait-il situer cette création en 1987, pour mieux renforcer l'idée d'une boucle avec sa saga ? La fameuse scène post-générique de dialogue téléphonique pourrait-elle être le brief de mission d'un Solid Snake à qui l'on annonce une mission d'infiltration imminente au nord de l'Afrique du Sud, sur le terrain même d'Outer Heaven ? Tout ceci n'est que supposition, mais il faut rendre à césar ce qui est à césar : Hideo Kojima a une fois de plus créé un jeu auquel nous jouons déjà des mois avant sa sortie et c'est peut être ça qui fait le sel de cette saga si particulière...

Merci à Papayou et à Baptiste pour leurs skills Photoshop de l'extrême !