Mes
amis, le Monde est en panique : on se risque à penser dans les
milieux autorisés que le RPGjaponais est en déclin. On le dit figé, traditionaliste,
vieillissant, enfermé dans les schémas qu'il s'est lui-même
construits au fil des années. Mais alors que doit-on attendre du
neuvième épisode d'une série qui revendique tous les points
sus-cités, surtout quand il s'agit de la série de RPG la plus
populaire au Japon ? Car oui, si chez nous, un Final
Fantasy
qui a connu un grand nombre de mutations a largement
plus de notoriété, nous avons affaire au Maître, un vieux sage
borné qui a 9 balais et une armada d'otaku nippons prêts à
le défendre ! Et le neuvième balai arrive bientôt chez nous :Dragon Quest IXapproche à grands pas de l'Hexagone, et les
fiers camemberts
, le
béret bien enfilé et la baguette fièrement dressée, s'apprêtent
à lui réserver l'accueil qu'il mérite
.

Dragon
Quest
a beau être une
vieille série, elle reste assez jeune en Europe : Dragon
Quest VIII : L'Odyssée du roi maudit
est le premier épisode paru chez nous. Les remakedes épisodes IV et Vsont ensuite sortis sur Nintendo
DS, avec en outre quelques dérivés comme Dragon Quest
Monsters : Joker
. C'est
à présent au tour de
Dragon Quest IX : Les
sentinelles du firmament
de tenter d'intéresser les amateurs de RPG sur le sol français.Tandis que tous les nouveaux épisodes de cette série sont parus sur
consoles de salon, celui-ci fait une première entorse à ses
traditions en s'invitant sur
DS
. Dragon
Quest
prend place dans un monde
médiéval-fantastique, peuplé de chevaliers et de créatures en
tous genres. Elle a très longtemps conservé un système de combat à
la première personne où le joueur affronte des images, animées ou
pas, des ennemis vus de face, à coups de menus lui permettant de
dire à chacun des personnages composant son équipe d'attaquer, de
se défendre, de lancer un sort offensif ou un sort de soin,
d'utiliser un objet ou de fuir. L'histoire de chaque épisode est
différente de celle du précédent, mais implique toujours le même
cadre et les mêmes types d'ennemis, d'objets et de sorts. Même les
menus restent quasiment identiques. Cependant, la série tente à
chaque fois de s'adapter aux consoles sur lesquelles elle se
présente, notamment en adoptant la 3D. Mais malgré le fait que les
personnages sont montrés pour la première fois en combat sur leVIII, le principe des
ennemis alignés face au joueur subsiste, sauf que cela s'applique en
plus à l'équipe alliée. Par ailleurs, comme dit précédemment,
les menus n'ont presque pas changé. Outre ses fondements, les
cerveaux derrière Dragon Questrestent les mêmes : Horii
Yûji
dirige, Toriyama
Akira
(connu pourDragon
Ball
) s'occupe
de l'aspect visuel et Sugiyama
Kôichi
compose les musiques
.

Pourtant,
une fois n'est pas coutume, ce
neuvième épisode apporte des changements tantôt bienvenus, tantôt
discutables
à l'occasion
de sa parution sur Nintendo DS, ce qui n'a pas manqué de diviser les
fans japonais. Il est temps d'entrer dans le vif du sujet et de
savoir quel accueil réserver à Dragon Quest IX : Les
sentinelles du firmament
, ouドラゴンクエスト9:星空の守り人,
comme c'est marqué sur la boîte !

« Une
épopée sans fin », « un an d'aventures », « des
personnages personalisables » : c'est ainsi que ce jeu se
présente à nous.
Il ne
s'agit donc plus seulement d'une aventure, mais d'une aventure où le
joueur peut paramétrer
beaucoup de choses, dont ses
personnages : le
métier, la taille, les yeux, les couleurs de la peau, des yeux et de
cheveux, etc. Bref, les possibilités sont déjà très nombreuses,
mais à cela vient s'ajouter un
nombre conséquent de vêtements visibles sur les avatars !
Comme d'habitude, la garde-robe a bien sûr une influence sur les
statistiques, et peut aussi donner des pouvoirs en combat. À
l'occasion de certaines montées en niveau, il est même possible de
répartir de 3 à 6 points sur une série de capacités, ce qui
détermine les techniques utilisables en combat. Dragon
Quest IX
propose pour la
première fois
une ouverture à d'autres joueurs et au monde via les capacités sans
fil de la DS. Ainsi,
il est possible d'inviter d'autres joueurs à participer à
l'aventure, d'avancer ensemble dans l'histoire et de combattre en
équipe via le mode multijoueur sans fil. La
connexion WiFi sert à recevoir des objets rares et des quêtes
supplémentaires chaque
semaine, allongeant la durée de vie du jeu pour un an. On peut déjà
dire que le jeu remplit
très bien son contrat
,
mais est-ce suffisant ?

Dans
beaucoup de RPG, le héros se réveille, voit sa vie boulversée,
part à l'aventure et fait face au divin à la moitié ou aux deux
tiers de l'histoire. Ici, le schéma scénaristique varie légèrement
puisque le divin est déjà présent dès le début. En effet, le
héros, une fois ses attributs déterminés par le joueur, s'avère
être un apprenti ange gardien faisant ses derniers travaux pratiques
dans le village auquel il est assigné. Le rôle des anges gardiens
est d'agir en invisible en aidant les villageois dans leur vie
quotidienne. Ils combattent les créatures hostiles et exécutent
quelques tâches ingrates. Ainsi, les villageois donnent des auras
stellaires grâce à leurs prières de remerciement, ce qui permet de
nourrir l'Arbre du Monde situé au point culminant du monde des
anges. Ce dernier ouvre la voie vers le monde des dieux une fois
qu'il a donné des fruits de la Déesse. C'est alors qu'à l'arrivée
du train reliant les deux mondes et transportant d'autres anges, le
palais des anges est attaqué par une lumière maléfique. Le choc
expulse le héros, qui tombe du ciel et atterrit près de la cascade
de son village, d'où il est sauvé de la noyade par une des
villageoises. Le héros est alors visible par les humains car
dépossédé de son auréole et de ses ailes. Pour sauver un monde
des anges en crise, il devra retrouver les fruits de la Déesse
tombés sur Terre afin de pouvoir appeler les dieux au secours.

L'histoire
présente un déroulement somme toute classique, mais parvient à se
rendre intéressante, voire rafraîchissante de par l'oganisation de
son univers.
Alors que le héros parcourt le monde à la
recherche des fruits de la Déesse, il doit intervenir dans les
problèmes rencontrés par les résidents des différentes communes.
Cela donne lieu à diverses petites histoires pour la plupart assez
originales, voire plus marquantes que l'intrigue principale. Du début
à la fin, on prend plaisir à s'impliquer dans cette aventure, sur
laquelle il est impossible de donner un avis définitif sans en avoir
vu la fin. Toutefois, le jeu étant orienté multijoueur, le héros
ne rencontre aucun personnage secondaire qui le suivra durant ses
péripéties. À un certain point de l'histoire, il est possible de
créer d'autres personnages suivant le même principe que pour le
héros. Mais ils ne servent que de main-d'oeuvre pour les combats, ce
qui signifie qu'en dehors des personnages non jouables, il n'y a
aucun développement des coéquipiers. Il vaut mieux donc avoir des
amis toujours prêts à raconter leur vie durant la partie afin de
tenir lieu d'apport scénaristique ! Outre la quête principale,
une multitude de missions annexes données par certains personnages
peuplant l'univers viennent s'ajouter. Mais elles s'avèrent pour la
majorité dénuées d'intérêt : rapporter un certain type de
potion, tuer un monstre un certain nombre de fois, montrer un
vêtement... Tout ça pour recevoir de l'équipement ou des objets.L'« épopée sans fin » tient plutôt du remplissage !

La
difficulté du titre dépendra du nombre de coéquipiers.
Seul,
le joueur aura du mal à venir à bout des boss, mais à quatre, le
challenge est tout de même moins relevé, quoique les ennemis
peuvent être très redoutables durant le dernier tiers de
l'aventure. La durée de vie est bonne. Si un français en fin
de deuxième année de licence de japonais le termine en 75 heures,
cela signifie qu'il le finira en 50 à 60 heures dans sa langue
d'origine. Et il reste encore pas mal de choses à faire après !

La
gestion des objets est un peu fastidieuse, car chaque personnage
dispose de son sac pour porter un nombre limité d'objets utilisables
en combat. Il faut donc les choisir bien soigneusement.

Une
des autres nouveautés est que désormais, les combats ne sont
plus aléatoires
 : les ennemis sont directement visibles sur
l'écran et le combat commence dès lors qu'on les touche. Leur
comportement fait cependant qu'ils ne sont pas toujours faciles à
éviter, car ils apparaissent là où l'on se dirige, et peuvent se
jeter sur le héros en l'apercevant.

Le
jeu se présente sous des traits d'une qualité rarement vue sur
Nintendo DS
. Tout comme
l'opus précédent, Dragon Quest IXfait le choix d'un rendu en 3D en cell
shading
, mais le support
plus modeste qu'à l'accoutumée l'incite à prendre un habillage en
SD (Super Deformed).
Malgré tout, la patte si caractéristique de Toriyama est bien
présente !

Quelques
scènes cinématiques sous forme d'animé de qualité viennent
ponctuer la partie lors des scènes clés.

Les
déplacements se font en vue de dessus. On peut observer la variété
et le soin apportés aux textures et aux architectures, ce qui évite
la monotonie durant les phases d'exploration des donjons. Une
faiblesse cependant : les personnages secondaires tels que les
villageois, non contents d'être recyclés d'une ville à l'autre,
sont en 2D, ce qui jure avec le reste. C'est surtout vrai quand ils
sont à proximité d'un personnage en 3D. Mais ce n'est pas un souci
visuel majeur.

Les
combats se voient apporter de profondes modifications graphiques par
rapport aux opus précédents
,
même l'épisode VIII.
Le statisme traditionnel des ennemis et des personnages laisse place
à une véritable prise en compte de l'espace. Sur le modèle deSkies
of Arcadia
, ils se déplacent
sur le terrain en effectuant une action. Par exemple, si le héros
doit donner un coup d'épée, il s'approchera de la cible, tandis que
ses coéquipiers s'écarteront s'ils se trouvent sur son chemin. Cet
ajout aux combats a l'avantage de rompre avec la rigidité entretenue
depuis huit épisodes et de donner de la vie aux combats, d'autant
plus que si ce n'était pas nécessaire dans les épisodes 2D, c'est
un plus indéniable pour les opus 3D. Le désavantage est que cela
rend les combats plus longs, mais les actions sont effectuées très
rapidement. On remarque par ailleurs que ceci ne modifie en rien le
système de combat habituel de Dragon Quest,
puisque les menus sont exactement les mêmes et que même les effets
sonores sont conservés, comme par exemple les sons caractérisant
l'action d'un allié ou d'un ennemi. Cependant, une option pour
activer ou désactiver les animations aurait peut-être été la
bienvenue, car comme dans Pokémon,
si l'on souhaite juste faire de l'expérience, les animations peuvent
devenir agaçantes. En tout cas, la modélisation et l'animation des
ennemis sont impressionnantes, et ce même sur DS ! Le
tout est très dynamique et vivant.

À ce stade, il
faut peut-être évoquer l'un des points qui a le plus déplu aux
fans japonais : Sandy la fée. Dragon Quest est une série
relativement austère, malgré les fantaisies de Toriyama. Il s'agit
du personnage qui accompagne et conseille le héros, à l'image de
Navi, la fée de Legend
of Zelda
 : Ocarina of Time
. Elle se distingue par son
style kogal(コギャル) :
bronzage artificiel, teinture blonde et surtout un langage parlé
féminin particulier. En gros, Sandy véhicule assez bien une forme
de superficialité japonaise qui a dû agacer pas mal de monde. Mais
même le jeu en est conscient, puisque le mode d'emploi ironise :
« une fée kogal qui vous guidera grâce à ses précieux
conseils... ou pas. » Cependant, du côté français, il est
probable que la traduction neutralise un peu le côté énervant du
personnage, d'autant plus qu'elle prend la parole dans des
proportions raisonables. Il n'y a donc pas vraiment lieu de
s'inquiéter.

Les
différents thèmes musicaux sont de bonne qualité.
La musique
de Sugiyama a d'intéressant qu'elle utilise une variété de modes,
avec une tendance récurrente à l'atonalité,
ce qui est à la fois rare et audacieux pour un compositeur de
musique de jeux vidéo. On peut cependant déplorer que les thèmes
sont peu nombreux : trois musiques de combat, deux musiques de
villes, deux musiques de donjon,... On en a rapidement fait le
tour
, et l'on risque de finir par se lasser assez rapidement.
Mais la musique est cohérente, et c'est la moindre des choses.

Le
maniement laisse quant à lui une impression mitigée. Si
l'on s'en tient uniquement aux boutons et à la croix directionnelle,
il n'y a rien à redire, mais dès qu'on en vient au stylet, la
qualité est très variable.
Les déplacements se font selon un système de stick virtuel à laSuper Mario64 DS : on pose son stylet
n'importe où sur l'écran tactile et on détermine la direction que
prendra le personnage en le faisant glisser dans la direction
désirée. Cela n'aurait pas été si problématique si le personnage
était sur l'écran supérieur, mais quand on ressort d'un des deuxLegend of Zelda sur la
même console, la seule chose que l'on souhaite est qu'il aille là
où l'on pose le stylet directement. Résultat : on tape le plus
souvent au milieu et on fait glisser en direction du point que l'on
souhaite atteindre. On s'y fait, mais on a vu mieux.

Les
menus sont beaucoup moins pratiques, et ce à cause d'une chose :
il faut double-cliquer pour valider une option, alors que la DS
fourmille de jeux où l'on se plaît à ne taper qu'une fois !
De plus, cette console permet des choses incroyablement confortables
comme le drag
& drop
, alors pourquoi y
a-t-il encore une option pour passer un objet à un de ses
personnage ? Il serait pourtant si simple de le faire glisser
directement dans son sac ! Et ce n'est pas comme si les
développeurs en étaient incapables, puisque le seul menu disposant
de telles innovations est... le vestiaire ! L'on souhaiterait
que tous les menus de Dragon Quest IXsoient aussi merveilleux que cet écran !

Le
vestiaire est sans doute le menu qu'on voit le moins, mais il est le
seul à être vraiment digne de la DS. Un comble ! Les menus
sont clairement les grands oubliés de l'innovation dans la série,
et c'est bien regrettable. On finit par déplacer ses personnages au
stylet et naviguer dans les menus à la croix et aux boutons.

Dans
son ensemble, Dragon Quest IXest un très bon RPG que les possesseurs de DS doivent posséder, car
avec ses multiples innovations par rapport à ses canons habituels,
son habillage soigné et son univers rafraichissant, ce jeu tient ses
promesses. Mais à ce stade, il faut tout de même oser remettre
lesdites promesses en question. Avait-on
vraiment besoin de toute cette personalisation ?
Il est certain que ça ajoute du charme à ce genre de jeu, mais
quand on y accorde tant d'importance, il y a de quoi avoir des
doutes. Un amateur de RPG risque d'être plus intéressé par
l'univers qu'il s'apprête à explorer que par des fonctionsfashion-victim. Quand
il achètera ou obtiendra des vêtements, ce ne sera pas forcément
pour le look, mais
pour faire augmenter ses statistiques favorablement. Et il est quand
même triste qu'une grande partie de la communication faite autour de
ce titre concerne un point mineur de l'aventure, et que tant de
superficialité ait bénéficié de plus de soin dans les menus que
le reste. Par ailleurs, s'il est certainement agréable de vivre une
histoire en coopération avec ses amis, il est regrettable qu'il ait
fallu sacrifier une partie de scénario pour ça. Bref, ce jeu est
très bien fait, mais peut-être pas là où on aurait souhaité
l'attendre. De plus, tout
ceci a pour conséquence la présence d'un unique fichier de
sauvegarde.
Mais beaucoup
de choses ont été faites pour qu'on se passe de recommencer la
partie.

Dragon
Quest IX : Les sentinelles du firmament
est sans nul doute un titre majeur de la DS.Une histoire modeste mais intéressante, de beaux graphismes qui
bénéficient beaucoup aux combats, une musique peu variée mais qui
fonctionne bien et des possibilités de personalisation très
nombreuses. Cependant, son maniement et ses menus sont parmi les
moins pratiques de la Nintendo DS si l'on s'en tient au stylet. De
plus, si ce jeu est très bien fait dans son ensemble, il excelle là
où les amateurs de RPG ne l'attendent pas forcément, notamment le
système de vêtements, qui malgré le soin apporté reste un point
mineur du jeu, voire du genre. Nous tenons là un RPG japonais qui a
bien conscience de ce qu'il est et qui tente quelques apports sans
sacrifier radicalement un style qu'il entretient depuis maintenant
neuf épisodes, et il n'y a pas vraiment à s'en plaindre. Il y a
d'un côté des fans japonais qui restent réfractaires au changement
(ils avaient protesté contre l'idée de combats en temps réel) et
de l'autre des joueurs occidentaux qu'il faut satisfaire. Dragon
Quest IX
semble porter en
lui les dilemnes caractéristiques du RPG japonais qui souhaite
s'exporter.