Depuis le rachat de Marvel par Disney, Big Hero 6 (au titre bizarrement traduit chez nous) est la première production du studio aux grandes oreilles à tirer son inspiration des pages de la maison des idées. Co-réalisation de Chris Williams (scénariste sur Mulan ou encoreKuzko) et Don Hall (Winnie l'ourson), le projet tire son origine de l'envie de Hall de réaliser des courts métrages dans l'univers Marvel depuis son acquisition par Disney. Sous l'impulsion de John Lasseter, l'ambition sera revue à la hausse avec un long métrage qui adapte librement une obscure série du catalogue Marvel. Après le magistral Les Indestructibles sous la bannièrePixar, et dans la vague super héroïque imposée par le Marvel Cinematic Universe, Big Hero 6 arrive malgré tout à se démarquer et à proposer sans doute l'un des meilleurs représentant du genre, juste derrière le Spider-Man 2 de Sam Raimi ou le film de Brad Bird sus-cité.

 

La première chose qui attire le regard, est ce choix esthétique d'avoir situé l'action dans la ville fictive de San Fransokyo: croisement comme son nom l'évoque de San Francisco et Tokyo. Le comic book original, dans l'optique de plaire au public asiatique, plaçait déjà son équipe de jeunes super héros au Japon. Il s'agit sans doute pour le film de matérialiser de manière plus frontale cette mixité culturelle à mi-chemin entre le comics et le manga. S'il n'est certes pas le premier a insufflé des touches asiatiques à ses environnements occidentaux (The Legend of Korra est déjà passé par là), il le fait avec une richesse et une cohérence qui flattent la rétine. Les rues en pente côtoient avec naturels des buildings high tech, et l'on reconnaît les inspirations tirées ça et là des lieux clés des deux cités. En terme de visuel et de pure technique, Big Hero 6 offre sans doute la performance la plus impressionnante en provenance de Walt Disney Animation Studios. La ville est une merveille de design et transpire la vie à chaque coins de rues (voici une courte interview qui témoigne de cette prouesse technologique). Outre cet aspect, le film fait part d'une animation à l'expressivité enivrante montrant, s'il était encore besoin de le confirmer, à quel point le studio reste un maître incontesté dans le domaine.

 

 

Car si l'on s'attarde au casting de Big Hero 6, le film met en avant un panel des personnages aux silhouettes bien distinctives et au langage corporel faisant transparaître leurs personnalités par l'image avant tout (ce test d'animation est à ce propos plus qu'éloquent). Les traits de caractères liés à la gestuelle, en plus d'être finement animés, sont parfois aux antipodes des stéréotypes que l'on pourrait associer au physique. Les jeunes héros du titre bénéficient alors d'un charme quasi-instantané, qui fonctionne dés leurs premières apparitions. Mais encore plus délectable dans leurs profils, est cet attrait pour la science. L'équipe est une vrai bande de nerds, mais là ou d'autres productions aurait eu vite fait de coller des références pop culturelles à outrance pour caresser le geek dans le sens du poil, ici il n'en est quasiment rien (les clins d’½il foisonnant plutôt dans les décors). Le groupe soudé par l'enthousiasme envers cette passion commune devra user de ses talents propres pour devenir des super héros, sans avoir à subir de transformations extérieures ou renier ce qu'il sont. Le film n'hésite en effet pas à glorifier la recherche scientifique comme une performance athlétique, en s'ouvrant par exemple sur un combat de robots de rue, ou encore en mettant Eye of the Tiger en fond sonore sur une courte séquence. Mais bien que ce soit une part importante de l'histoire, cet aspect n'en fait pas le c½ur du métrage. Le récit super héroïque proposé ici s'articule autour de la relation entre le robot Baymax et Hiro, le plus jeune de la bande. Si vous n'avez pas suivi la campagne de promotion, ce qui suit risque de dévoiler une partie de l'intrigue.

 

Baymax, le rondouillard robot d'assistance médical est l'invention de Tadashi Hamada. Ce dernier partage avec son jeune frère Hiro une relation fraternelle plus que touchante qui sonne juste. Quand l’aîné finira par trouver la mort lors d'un incendie, le jeune garçon devra alors surmonter sa douleur, non sans l'aide du robot. La perte d'un être cher n'est en rien un élément nouveau de l'origins story super-héroïque, mais elle se pose plus généralement comme amorce que comme véritable moteur narratif. Mais l'audace ici est de rendre parfaitement complémentaire le parcours émotionnel de Hiro avec l'intrigue. Le deuil est ici plus qu'un motif qui donne un puissant affect avec l’audience, il est l'armature même autour de laquelle s'articule le film. Les différentes phases d’acceptation du deuil et de résilience déterminent l’enchaînement logique des diverses péripéties, et dans cette évolution Baymax joue un rôle capital. Sa naïve neutralité, dû à son IA qui cherche à appliquer au mieux son protocole de soin, le rend malléable aux contacts humains. Son design tout en rondeurs et son visage minimaliste permettent de facilement projeter nos propres émotions dans ce robot. Baymax se place alors pour Hiro comme un substitut cathartique de son frère. Dans cette optique le travail de souvenir envers la personne disparue se fait autant dans cette projection que dans les épreuves traversées par les héros. La cohésion de groupe, le réconfort des proches, l'antagoniste principal comme reflet de la peine de Hiro, autant d'éléments qui s’incorporent dans le processus de reconstruction du personnage. Cette structure permet ainsi d'amener avec naturel les différents enjeux, et ajoute aux différentes scènes de bravoures un puissant impact. Que ce soit dans une phase de colère intense, ou dans le climax final, il y a de quoi avoir des frissons tant la maîtrise graphique et narrative s'accordent pour aller vers les cimes de l’icône héroïque à l'état pur. Le film s'inscrit alors dans la même veine que Sam Raimi et son indétrônable Spider-Man 2.

 

 

C'est bien cela qu'il faut retenir de Big Hero 6: Il est un film de super héros qui met son esthétique léchée et la portée inspiratrice du genre au service d'un récit juste dans les thèmes profonds qu'il aborde. Il est galvanisant dans son portrait de jeunes chercheurs scientifiques et touchant dans la relation entre Hiro et Baymax, cette mascotte en devenir. Une épatante réussite, dont l'univers mis en place ne demande qu'à être explorer de nouveau.

 

Cet article a été originellement publié sur Chronics Syndrome :

chronicssyndrome.wordpress.com/2015/01/26/les-nouveaux-heros/