Comme
souvent avec Apple, je suis intéressé par leurs produits mais certains facteurs
m'empêchent de franchir le cap de l'achat et c'est généralement à cause du
prix. Avec l'iPhone, les choses n'ont pas été différentes. L'appareil est cher,
l'abonnement l'est encore plus et je n'étais pas sûr d'avoir vraiment besoin
d'un smartphone. Mais petit à petit, au cours de ces dernières années, le
besoin s'est fait de plus en plus sentir : le besoin d'accéder à mes mails
en voyage ou en vacances en toute indépendance ou le besoin d'un GPS même à
pied à cause de mon sens de l'orientation inexistant. À mon grand étonnement, le jeu n'est pas la raison
principale de mon achat d'un tel téléphone, sûrement parce que je n'ai jamais
hésité à sortir ma DS ou ma PSP dans les transports en commun. Néanmoins, ce
sont leur abondance et leur qualité qui m'ont fait pencher vers un iPhone et
non un téléphone Android (et l'absence de virus, peut-être le seul avantage d'une
plate-forme fermée).

Ce
n'est d'ailleurs pas non plus les jeux vidéo qui ont poussé Apple à faire un
téléphone portable malgré le succès qu'ils y ont actuellement (14%
des applications
sur l'Applestore, soit environ 70 000 jeux puisqu'il
y a maintenant plus de 500 000
applications
. C'est probablement la plus grande ludothèque pour une seule
machine fermée). Ils y sont même allés à reculons, ne communiquant sur les
capacités ludiques de leur téléphone que tardivement ou ne développant leur
« Game Center » que
bien après des éditeurs tiers qui ont déjà attaqué ce terrain-ci avec OpenFeint
ou Plus+ (le Game Center d'Apple a quand même réussi son effet de rouleau compresseur, écrasant tous ses concurrents ou presque). Mais ce n'est pas une surprise lorsqu'on connaît leur précédente
tentative dans le domaine des jeux vidéo.

En
1995 sortit le résultat d'une collaboration entre Apple et Bandai, la Pippin. Plus
précisément, Apple décida de produire les plans d'une console-ordinateur,
plate-forme ouverte que d'autres construiraient. Bandai a été le premier à
répondre à l'offre pour entrer dans le marché des console alors dominé par la Playstation, la Saturn et bientôt la Nintendo64. Le résultat
fut à la hauteur des plus grands échecs commerciaux avec 45 000 machines
vendues. Pour mettre ce résultat en perspective, beaucoup connaissent l'échec
du Virtual Boy de Nintendo. Pourtant, ce dernier s'est vendu à 750 000
exemplaires. Cette console fut classée 22èmepire produit technologique de tous les temps par le magazine PC World
en 2006. De toute façon, je pense que peu de monde a entendu parler de la Pippin
(qui est aussi le nomde certaines espècesde pommes et je ne
peux croire que ce soit un hasard). La console était vendue 600$, ce qui était
vraiment cher pour se positionner comme console et les jeux étaient peu
nombreux. Il y eut en tout et pour tout moins de cent
jeux
sur la machine.

Revenons
plutôt à octobre 2010. Grâce à l'entreprise dans laquelle j'exerce mon tout
nouveau travail, 75% de mon forfait téléphonique est pris en charge. De plus,
une remise de 100 est
offerte à ce moment-là. C'est décidé, je me prends un iPhone 4 noir 16Go à 180. Vous vous en doutez si vous
avez lu le reste de mes écrits, ou même juste jeté un œil sur le sommaire, je
me suis précipité vers des jeux rétro. J'ai tout de suite récupéré Flashback et
Monkey Island 2 Special Edition puis plus tard Les
Chevaliers de Baphomet
, Gobliiins, Speedball 2 et NBA Jam ou encore ChuChu
Rocket. Et il faut avouer que l'efficacité de la jouabilité sur écran tactile
dépend du genre de jeu. Si le contrôle au toucher est vraiment efficace voire
supérieur à la souris pour les point and click, ce n'est pas le cas pour les
jeux d'action demandant un minimum de réflexes. L'interface n'est alors pas
toujours aussi réactive que souhaité et les doigts sont sur l'écran pour opérer
la manette virtuelle, ce qui cache une partie de l'écran sur iPhone. Sur un jeu
comme Flashback, dans lequel il faut dégainer son arme au moindre bruit
suspect, la petite latence qui se fait sentir peut être à l'origine du dixième
de seconde qui enverra le héros ad patres.

Cependant,
j'ai aussi découvert des perles dont certains ont réussi à innover au niveau du
gameplay. Lorsque les développeurs pensent directement leur jeu pour un système
à interface tactile, on peut même découvrir certains mécanismes intéressants. Cut
The Rope
en est un bon exemple. Dans ce petit jeu de réflexion où l'on doit
faire gober une sucrerie à un petit monstre en coupant des cordes, le studio
Chilingo réussit à créer un gameplay tactile qui utilise même le multitouch
pour proposer des niveaux de plus en plus difficiles. Un téléphone portable est
l'appareil idéal pour faire des sessions de jeu courtes n'importe où. Il est
discret, toujours allumé ou presque et les chargements des jeux sont encore
quasi instantanés (surtout lorsqu'ils ne sont qu'en veille). Ce sont les
conditions parfaites pour faire quelques parties rapides dans le métro, dans
les toilettes, pendant qu'on se brosse les dents ou quand un jeu se charge ou
s'installe sur un autre support (ça me rappelle les jeux Namco comme Ridge Racer sur PS1 qui
proposaient pendant leur chargement de jouer à Galaxian ou Rally-X). Grâce à
l'iPhone, j'ai pu découvrir Game
Dev Story
, un passionnant petit jeu de gestion de son propre studio de
développement de jeux vidéo avec beaucoup des contraintes et des possibilités
qui leur sont offertes comme des contrats intermédiaires, la construction de
consoles ou bien sûr le développement de jeux pour lesquels il faut décider du
genre, du support de développement, de l'orientation,... Encore un jeu dans
lequel il faut réfléchir et avec lequel on ne voit pas le temps passer. C'est
vraiment ce genre qui est le plus adapté à la machine. Des simples Sudoku ou
Solitaire à la multitude de Tower
Defense
(dont Plants vs Zombies, Fieldrunners et GeoDefense sont de bons
exemples) en passant par les Match3 comme Bejeweled ou les plus évolués Puzzle
Quest et Dungeon Raid.

Mais
ils ne représentent qu'une partie des types de jeux disponibles sur iPhone. Car
désormais, il commence même à y avoir de « vrais » jeux comme Dead
Space, Galaxy on Fire, Across Age, Starfront : Collision ou Rage ou la
ribambelle de jeux d'aventure dont le portage sur machine tactile est un vrai
bonheur (Les chevaliers de Baphomet, les Monkey Island Special Edition, Myst ou
1112). J'entends par là des jeux qui sont développés avec un certain budget,
qui demandent plusieurs heures pour être terminés une première fois et qui
n'existent pas forcément sur d'autres supports. Bien sûr, Galaxy on Fire est un
clone d'Elite ou de Privateer, Across Age de Zelda et Starfront de Starcraft
(d'ailleurs, son développeur, Gameloft, est réputépour faire des clones sur portables de jeux déjà existants et selon moi, même
si leurs jeux manquent un peu d'âme, ils répondent à une réelle demande). Mais
ce ne sont pas des portages ou des remakes directs. On ne peut nier qu'il
faille plusieurs heures pour terminer les jeux susmentionnés et que, pour
certains comme Dead Space, il est préférable de se mettre en bonnes conditions
pour y jouer afin d'en profiter un maximum. Bref, l'iPhone est doté de jeux
qu'il faut respecter si on veut qu'ils nous apportent un maximum de plaisir. On
ne joue pas à ce Dead Space comme on ferait une partie de Sudoku. On peut
également citer Infinity Blade, même s'il est surtout là pour impressionner
graphiquement ou certains jeux de voitures qui s'en sortent très
respectablement (Death Rally une fois les bonnes options de conduite choisies,
Real Racing 2 ou Need for Speed Shift qui m'a réconcilié avec la série dans
cette version iPhone).

La
variété des genres, l'ampleur de certains jeux qu'on pourrait presque qualifier
de AAA des portables, le soin et les innovations apportés à ces jeux et enfin
le marché que représente le jeu vidéo sur iPhone font qu'il est pour moi
impossible de ne pas considérer l'iPhone comme une console de jeu vidéo à part
entière, même si elle est beaucoup plus polyvalente que ça. Et je ne suis pas
le seul à le dire ou
à en avoir
peur
.

Pour
moi, l'une des raisons majeures qui font que les constructeurs de console
devraient avoir peur de l'iPhone[1] est
la politique tarifaire des applications et donc des jeux. Tout d'abord, 98% des
applications coûtent moins
de 10
et le prix
moyen
des applications est de 2,5€ De plus,
il existe des
applications comme Appshopper qui
permettent de surveiller l'évolution des prix d'autres qu'on a sélectionnées.
Car l'un des moyens marketing mis en place sur l'Appstore est la variation
drastique du prix des applications afin de se faire connaître. Forcément, avec plusieurs
dizaines de milliers de concurrents possibles, il faut être agressif pour se
démarquer. C'est ainsi que, tous les jours, des dizaines d'applications
baissent leur prix pour une raison ou une autre (fête, sortie de la suite de
leur jeu, anniversaire,...) voire deviennent temporairement gratuites. Il existe
d'ailleurs des applications ou des sites spécialisés dans l'agrégation de
ces informations pour en faire profiter leur audience. Par conséquent, dès que
j'eus pris connaissance de ce fait, mon comportement de consommateur a changé.
En regardant la courbe de variation d'un jeu dont j'ai envie, il est alors très
simple de voir s'il fluctue beaucoup ou non. Si c'est le cas, pourquoi dépenser
de l'argent alors qu'il a des chances d'être gratuit prochainement ?
D'autant plus que j'ai toujours un nombre certain d'autres jeux à terminer, je
ne suis donc pas pressé. Le problème est que, si tout le monde agit ainsi, les
développeurs vont finir par ne plus gagner suffisamment d'argent sur iPhone. Je
ne pense cependant pas que nous soyons très nombreux. Mais si l'on oublie
momentanément cette possible dérive de leur politique tarifaire, le prix moyen
très bas des applications est un sérieux avantage pour Apple par rapport à la
concurrence. Comment faire comprendre aux gens qu'ils doivent payer 40 pour un jeu sur console portable
traditionnelle quand ils peuvent en avoir pour 10 fois moins cher sur leur
téléphone avec une qualité technique identique. Pour couronner le tout,
certains jeux sont des portages directs de jeux portables comme GTA : Chinatown
Wars, Phoenix Wright : Ace Attorney ou Final Fantasy III. Le futur du jeu
sur machine nomade risque d'être très intéressant. SONY l'a d'ailleurs bien
compris et c'est pour cela, je pense, qu'ils ont annoncé différentes gammes de
prix pour leur future PS Vita. Mais certains éditeurs comme Activision (1eréditeur tiers) ont conscience de cet état de fait et pensent qu'il n'est pas
possible d'être rentableavec une telle politique tarifaire, du moins pour des jeux de type AAA. À côté,
EA a le comportement opposé et sort pratiquement systématiquement une version
iPhone de ses jeux, même les blockbusters.  Tout ceci me fait dire qu'on est en plein dans
une période
charnière
dans l'évolution du jeu nomade.


[1]Mais plus généralement des smartphones car il est possible que l'Applestore ne
soit pas le seul à appliquer la politique dont je parle dans ce paragraphe.