2010, année fructueuse s'il en est en terme de jeux vidéo, vient d'atteindre sa bonne moitié et je me suis dit qu'il était temps d'enfin poster mon test forcément dithyrambique sur le Game of Year, jusqu'à preuve du contraire.

Un Grand Theft Auto me concernant, ça s'attend, ça provoque une excitation, une impatience, un quelque chose qui n'existe que pour cette série. Jusqu'à présent, l'attente a toujours été récompensé. Et vous savez ce qu'on dit de Red Dead Redemption , c'est le GTA du farwest. Et bien plus!

John Marston, sa voix rauque, sa gueule burinée, ses santiags et son six coups vissé à la ceinture arrive à Black Water entouré de deux agents gouvernementaux. La maîtrise des introductions de Rockstar est encore flagrante. On est directement dedans, peu de parole de la part du héros, et un voyage en train pour poser le décors. Une certaine Madame Bush évoque le génocide des «sauvages», un prêtre qui discute des avancés technologique avec une jeune femme, et de la probabilité voir l'homme s'envoler un jour...toute une époque qui se met en place en seulement deux ou trois minutes. L'arrivée à Armadillo pose le contraste entre la petite ville paumée en plein cagnard et le début de l'automobile illustré par le débarquement à quai d'une voiture au sortir du bateau de Black Water. L'Ouest sauvage va prendre fin et c'est au travers d'un cowboy gentleman qu'on va le vivre.

Car Red Dead Redemption se déroule à l'aube d'un gros changement. Pas de panique cependant, tout est là pour faire voyager, loin du modernisme de GTA. C'est la première force de Red Dead Redemption, sa capacité à émerveiller le joueur sensible à la contemplation. Le premier levé ou couché de Soleil est un moment magnifique, tout comme la première chevauchée d'une ville à une autre. Le plus beau dans l'histoire c'est que ce plaisir de l'observation et de l'immersion est sans cesse renouvelé, grâce à un travail impressionnant sur l'environnement et ses habitants et la beauté technique et esthétique de ce qui est proposé.

Par habitants, j'entends bien sûr la population haute en couleur et les personnage typiquement Rockstar, toujours décalés, drôle et un semblant glauque ou dramatique. Parfois de vrais têtes à claques, ceux ci ont toujours le mérite de développer quelque chose ou de provoquer un vrai affect, comme avec la bonne Bonnie MacFarlane, ou l'exaspérant Dickens (non pas l'écrivain!). Les autres personnes croisées ne seront certes pas autant développées, mais on ne manquera pas d'en aidé un sacré paquet, ou de se faire avoir bêtement par d'autres.

Par habitants j'entends aussi la faune juste hallucinante qui fait vivre les décors. Du rapide et mortelle couguar, au fuyant wapiti en passant par une large variété de volatile, on a souvent un spectacle vivant et surtout interactif, qui ne manque pas de surprendre en pleine partie de chasse, ou même au cours d'une simple chevauchée. Le cheval d'ailleurs, comme l'ensemble des animaux qui peuple le farwest de RDR, est superbement animé. On se prend rapidement d'affection pour son cheval d'ailleurs, bien que le jeu ne fournisse peut-être trop d'occasion de le perdre ou de mourir en sa compagnie...seulement lui ne revient pas à la vie.

La chasse, le grand environnement vivant et varié...un vrai bonheur

Combien de fois j'ai sortie un marcheur de la mouise, alors qu'une meute de loup allait le dévorer tout cru. Combien de fois je me suis fait surprendre par un couguar en m'écartant d'un chemin pour cueillir de la camomille, ou ramasser des plumes sur un vautour abattu plus tôt. Combien de fois j'ai capturé la salle petite punaise qui a essayé de me piéger en me demandant de l'aide, ses quatre malfrats d'amis n'attendant que mon altruisme pour me dépouiller ou m'abattre...et combien d'argent dépensé au poker, au black jack, au poker menteur, ou au bras de fer.

On ne se contente pas de traverser des déserts complètement vides, ou de regarder le décors. On fait partie de cette vie et à ce titre je classe Red Dead Redemption dans la même catégorie que Shenmue et Mass Effect, de ses jeux qui participent au voyage et qui m'ont tenu de premier abord par leur univers superbement construit et riche. Je ne vais qu'évoquer d'ailleurs dans cette optique, le perpétuel rappel au genre cinématographique du western qui donne ici tout ses clichés et références (dans le bon sens du terme). Duels, plans de caméra, dialogues, tout est à la fois bien écrit et perpétuellement évocateur de souvenirs pour les mordues de cinéma de l'Ouest. Je ne suis moi même pas un expert, mais certains clin d'œil comme le tir dans la corde du pendu m'ont fait agréablement tilter. Bref c'est déjà fantastique de reconnaître ces clins d'œil mais ce n'est jamais handicapant de ne pas apprécier ou connaître le genre, car le jeu offre beaucoup, beaucoup plus qu'un simple patchwork de références au cinéma.

Alors tout cela c'est bien beau mais si le gameplay n'est pas intéressant, fluide et varié, ça pourrait vite devenir casse-gueule de proposer un environnement si large. Mais ce serait compter sans une partie de l'équipe responsable du grandiose GTA IV. Les lacunes de ce chef-d'œuvre parfois trop mou dans les gunfight est ici rehaussé d'un point de vu de la stricte maniabilité. Les sensations en combats, je les ai trouvé excellentes. L'ambiance sonore particulièrement réussie, participe à l'explosion de coups de feu dans les attaques de planques ou les missions principales qui consistent souvent à faire parler la poudre. Le système de couverture est précis et même si à cheval, on a un peu de mal au début, une fois maîtrisé, plus de soucis d'autant que le dead-eye déjà présent dans Red Dead Revolver permet de calmer le jeu en cas de grosse suées ou d'ennemis en surnombres.

La maniabilité est donc quasi parfaite, même si un paquet de notion et de touches sont quand même à retenir. Utiliser son lasso comme il faut est au début un peu difficile par exemple. Surtout celle-ci se voit constamment mise à profit pour faire différences choses. Que l'on soit en quête d'un trésor grâce à une carte, en combat pour une mission quelconque, en train de chasser pour pouvoir revendre les peaux, ou juste pour le plaisir, ou que l'on tente de se faire de l'argent grâce au poker (très bien simulé d'ailleurs) on ne s'ennuie jamais et cela pouvait être la première inquiétude étant donné que le monde de Red Dead Redemption est vaste et que son thème faisait craindre de longues chevauchées dans le désert.

Encore une fois la diversité ne se limite pas au gameplay mais aussi aux décors, qui passe d'un désert ou une étendue recouverte d'herbes sèches, à la Vallée de la Mort et ses couleurs ocre et rouge, et ses énormes amas de pierre, et bien sûr une magnifique montagne forestière enneigée qui entoure un lac, on est rarement blasé d'être toujours au même endroit.

C'est avec tout cela que Red Dead Redemption retient constamment le joueur. Dur de lâcher l'affaire, de ne pas avoir envie de voyager encore un peu. Le solo est un régal et se révèle toujours prenant. Et le multi, s'il est un peu décevant par certains aspects (finalement peu de choses à faire en mode exploration), demeure une valeur sûre. Cependant clore ce test sur cet éloge en occultant une toute petite part de déception serait une erreur.

Je ne vais pas descendre l'histoire de Red Dead Redemption qui par de nombreuse aspect, comme son côté très humain et cru parfois, ou son écriture qui est sans cesse vecteur d'émotions, reste la plupart du temps exemplaire. Cependant le déroulement du jeu si varié et long, ne cache parfois pas un certain agacement à l'égard de plusieurs personnages, mais surtout d'un homme John Marston.

 

John Marston est l'un des personnages les plus classes et les plus attachants que j'ai jamais vu dans un jeu. Il ne s'agit pas juste de son aspect de vieux routard qui a vécu, mais aussi son caractère de gentleman, bienfaisant malgré un passé de casseur qu'il soulage souvent en rappelant qu'une certaine morale régissait le tout. Cependant la situation dans laquelle il se trouve, c'est-à-dire dos au mur et soumis à un chantage constant, et sa bonne nature mettent en relief un aspect que je laissais volontiers passer dans les GTA. Le côté larbin. Il m'est souvent arrivé dans Red Dead Redemption d'avoir l'impression de stagner, que l'on me traitait comme de la merde, et que l'on m'obligeait à tout faire sans avoir jamais un retour et sans même que mon personnage ne bronche vraiment. C'est là qu'un certain aspect RPG à la Mass Effect m'a manqué. Je ne demandais pas que le déroulement de l'histoire et sa fantastique fin soit retouché. Mais simplement que l'on me donne la possibilité de répondre salement à cette bande d'ingras, comme l'autre enfoiré de West Dickens qui tire sur la corde sans jamais que celle ci ne cède. Pouvoir simplement dans la forme mettre un pain à certains PNJ, peut-être pour quand même faire la mission après, mais qu'au moins Marston montre autre chose qu'un simple sarcasme, ou une vague plainte, lui qui a pourtant un vraie gouaille.
Cet effet a d'ailleurs tendance à ralentir par deux fois l'histoire. Les dernières missions de Dickens et une bonne partie du Mexique forcent à rusher trois quatre missions d'affilées pour qu'enfin les choses bougent et que l'on est pas l'impression de brasser du vent.

Cette distance que j'ai parfois ressenti avec mon personnage dont par ailleurs j'adore la mentalité, n'a jamais entamé réellement l'expérience, mais se pose vraiment comme un bémol à certains passages. Au final, cela n'altère pas vraiment ma perception de ce qui est un chef-d'œuvre de plus à l'actif de Rockstar qui a réussi tout simplement à se battre allègrement sur son propre terrain. Dorénavant, les GTA-like seront des RDR-like, et je dois avouer que je vois difficilement comment Grand Theft Auto 5 pourra mettre la barre plus haute que ce monument du jeu vidéo et assurément le meilleur jeu de cette année 2010.