C'était en 2002, leur rapprochement avait été parfaitement orchestré. Tomber dans le giron de Microsoft signifiait pour Rare tirer avantage de la puissance financière du numéro un mondial de l'informatique. Mais également d'être enfin libéré du carcan moralisateur de Nintendo. Les deux conditions nécessaires à son épanouissement étaient ainsi levées, le talent du studio britannique pouvait donc s'exprimer pleinement.
 
 
Erreur de casting ! Studio survendu, vociférèrent les adversaires de cette entente. Les méventes sur consoles Microsoft et succès sur formats de poche de Nintendo nourrissaient doublement ce ressentiment. Au sein de l'état-major du groupe américain, cette question a été débattue en dépit des dénégations officielles : le statut de Rare était sur la sellette. Fallait-il procéder à une liquidation pure et simple du studio comme il est d'usage dans l'industrie (business as usual comme le consacre l'expression anglo-saxonne) ? Assurément. Cependant, l'image de Rare dans l'imaginaire collectif des joueurs est étonnamment vive. Dissoudre ce studio dans ce contexte équivaut à prendre le risque de s'attirer les foudres de tout un pan du marché. Alors que faire ?
 
La solution viendra du périphérique Kinect, pensent-on en haut lieu. La grave crise de créativité que traverse cette ancienne perle serait corrigée grâce aux promesses ludiques de cet appareil capable de capturer les mouvements corporels du joueur. Et qui mieux comme ambassadeur pour promouvoir de son excellence l'accessoire ? Même si Phil Spencer, responsable de Microsoft Game Studios, s'en défend la main sur le coeur dans les colonnes du site Ign.com, ces cinq dernières années les productions de Rare sont étroitement liées à Kinect. Et quand bien même, le studio souhaite revisiter certaines de ses franchises, le périphérique revient constamment dans le discours de ses représentants.
 
 
"Je vous l'affirme avec force, bien que des personnes en doute : en aucune façon je n'oblige Rare à développer exclusivement pour Kinect" s'étrangle Phil Spencer. Il en veut pour preuve Killer Instinct sur Xbox One, fruit d'une collaboration entre les studios Double Helix et Rare, mais qui d'un point de vue marketing "n'a pas eu un impact positif" lors de l'annonce du jeu l'été dernier. Le responsable de MGS souhaite au moins que cette pièce maîtresse du portfolio appartenant au studio anglais "pousse les joueurs à réviser leur jugement" sur la présumée spécialisation éditoriale de Rare.