Kaname Fujioka peut être satisfait de lui-même, le raz de marée Monster Hunter 4 sauve de la noyade financière Capcom. Troisième haute figure de l'industrie choyée cette semaine par Famitsu, le directeur créatif de la franchise vedette de l'éditeur japonais parle des affres de la création et des jeux vidéo qui ont l'ont marqué.
 
Biberonné dès son plus jeune âge aux jeux Capcom, c'est tout naturellement vers ce géant de l'édition qu'il se tourne pour postuler en 1993 à un poste d'animateur : "les personnages de Street Fighter II étaient grands et expressifs, cela m'avait fait forte impression. Bien que mes références ludiques soient très diversifiées, ma préférence va à Mega Man 2 sur Famicom. Il était de notoriété publique que Capcom réalisait des jeux d'une grande difficulté. Ce n'était pas vraiment le cas, dans le sens où il fallait s'appliquer à une bonne stratégie pour finir le jeu. Ces deux titres m'ont définitivement convaincu de choisir cette société pour décrocher mon premier emploi".
 
Il passera quelques années à ce poste. Défileront sous son trait de crayon numérique Darkstalkers, Slam Master 2 ainsi que JoJo Bizarre Adventure. Une belle brochette de hits qui a enflammé les salles d'arcade nippones lors de la deuxième moitié de la décennie 90. Toutefois, ce dernier pestait contre les contraintes techniques qui dénaturaient son travail artistique : "j'avais été me plaindre auprès des designers et autres programmeurs voire même à mon responsable pour l'entendre me dire << pourquoi ne pas devenir directeur créatif ? >> ".
 
 
Une suggestion que Fujioka s'empressa d'adouber. Il se mit rapidement à la tâche, aidée d'une équipe éclectique afin de poser les jalons d'un véritable joyau commercial, Monster Hunter. Pourtant, l'expérience directionnelle a été "pénible" selon les propres mots du créatif. Si personne "n'a eu le cran de me le dire en face", il était néanmoins  "convaincu que tout le monde partageait cette opinion". En cause ? Ses méthodes de travail qualifiées "d'envahissantes" et surtout conflictuelles : "une partie du personnel avec qui je collaborais ne me comprenait pas, tandis qu'avec d'autres membres de l'équipe, en particulier les programmeurs, les disputes étaient quotidiennes".
 
Depuis le triomphe réservé à Monster Hunter, Fujioka est devenu plus flexible. Son approche du métier de directeur créatif est beaucoup moins balisée : "je ne suis plus seulement là pour juger le travail des autres". Désormais, il accepte l'existence d'une perméabilité entre les différents pôles de développement (technique, artistique...) et se montre volontiers moins zélé : "j'essaie de ne plus poser mon nez partout", reconnaît-il sagement. Ainsi, le quatrième volet de cette franchise multimillionnaire dispose d'un scénario plus fouillé : "j'étais motivé pour écrire la trame de l'histoire, toutefois cela m'aurait éloigné de mes prérogatives professionnelles, j'avais donc invité des écrivains". Cette manière de déléguer certaines tâches qui lui sont accessibles à ses yeux lui permet "de fixer des limites afin d'améliorer mon travail de direction".
 
Il n'a qu'un seul regret, constater que "la magie" du marché japonais s'est "évaporée". Elle est pourtant essentielle à ses yeux. C'est avec ce moteur que le rayonnement des jeux s'étend à l'international. Il est donc urgent de stimuler à nouveau l'énergie créative du pays.