Chef de projet exécutif, bureau du président. Derrière ce ronflant statut professionnel qu'il occupe désormais au sein de Sega, se cache Tadashi Takezaki. Ce nom ne dira rien à personne. Il était pourtant aux premières loges lors du sabordage de la Dreamcast. Dès son arrivée en 1993 chez Sega, il entra au service marketing et relation publique. Le talon d'Achille du constructeur déchu. Takezaki aura supervisé le lancement de la Saturn ainsi que celui de la Dreamcast au Japon. Trouver le bon slogan qui fera mouche, organiser des concours dans tout l'archipel, mettre en scène l'iconoclaste Segata Sanshiro. Il s'était retroussé les manches pour susciter l'intérêt commercial autour des deux dernières consoles de la firme d'Hadena.
 
C'est également lui qui publia le 31 janvier 2001 sur la page web officielle de Sega, le message poignant de la reconversion du constructeur en "simple" éditeur de jeux vidéo. Pour Famitsu, ce dernier a bien voulu revenir sur cette bouleversante période : << nous avions développé la Dreamcast dans l'esprit de ne pas réitérer les erreurs commises avec la Saturn, nous avions complètement retravaillé notre approche. Les deux CPU jumelés de la Saturn étaient difficiles en soi, mais l'environnement de développement l'était davantage. >> Si bien que le géant japonais avait fait table rase du passé. Une meilleure écoute des doléances de la communauté des développeurs a permis à Sega << d'étoffer nos bibliothèques afin de faciliter la programmation de jeux. Encore aujourd'hui, la Dreamcast est saluée pour la qualité de ses outils de programmation. >>
 
Le positionnement commercial de l'ultime baroud d'honneur de Sega était bien plus ouvert que celui de son prédécesseur. Avec la Dreamcast, l'idée de l'ex-constructeur était de s'arracher des limites très étroites du marché des joueurs confirmés pour s'adresser in fine << à un public de masse. La conception, la marque, la coloration de la machine >> tout était calculé pour plaire au plus grand nombre. Il poursuit : << Nous avions opté pour un design simple et compact, avec une palette de couleurs chaudes, elle ne ressemblait à aucune autre de nos consoles. J'ai la certitude que nous avions pris la meilleure approche marketing. >>
 
 
Toutes les conditions étaient donc réunies pour faire de la Dreamcast un succès planétaire ? Toutes sauf une : << les coûts. Nous avions été obligés de nous lancer dans une guerre des prix alors que nous perdions déjà de l'argent sur la vente de notre machine. Sony avait participé à l'élaboration du standard DVD, elle était en capacité de fabriquer une console avec cette norme et ses propres puces. Au sein de Sega, nous étions contraints d'acheter la technologie à des entreprises extérieures, ce qui s'était révélé un désavantage complet. >> Le géant japonais était financièrement étranglé par la rigidité à la baisse de ses coûts de production que les méventes de jeux ne pouvaient contrebalancer. Ce qui entraîna la société dans cette situation invraisemblable : << plus nous vendions de consoles, plus nous perdions de l'argent. >>
 
Bien avant la Xbox première du nom, la Dreamcast portait en elle des valeurs ludiques transfrontalières. Aidée en cela par l'explosion de l'Internet, Sega était déterminée à offrir le jeu en ligne sur format de salon : << la Dreamcast était notre billet d'entrée pour faire de ce rêve une réalité. >> D'aucuns pensent que l'ex-constructeur a été plus vite que l'Histoire. Takezaki s'en défend : << mon opinion est que nous avions eu raison de choisir Internet comme pivot de notre stratégie. Nous étions allées jusqu'au bout de cette idée bien que notre seuil de rentabilité était trop faible. La possibilité d'accéder gratuitement au web était tout simplement fantastique [...] aussi fou que cela puisse paraître, Sega payait la facture à la place des joueurs. >>
 
Peu importe la tournure du scénario des ventes, le responsable pense que la Dreamcast était destinée à devenir la dernière machine de Sega. Selon Takezaki, elle intervenait à une époque charnière marquée par << l'émergence du PC grâce à l'amélioration de son ergonomie >> et le questionnement autour des chances commerciales << d'une console uniquement centrée sur le jeu vidéo. >> L'expérience que Sega a su capitaliser avec l'ouverture au jeu en ligne se vérifie aujourd'hui avec Phantasy Star Online : << les graines que nous avions semées ont porté leur fruit. >>
 
Il n'y a donc rien à regretter, l'esprit de cette console existe toujours au sein des productions de Sega. N'est ce pas ?