L’industrie du jeu vidéo aime faire des farces. Elle adore adresser des messages drôles, le plus souvent implicites, aux joueurs. Parfois, elle se parle à elle-même pour faire son auto-critique. Dans ce cas, le joueur n’est plus convié – ou si peu - à prendre connaissance des règlements de compte cachés. Il est vrai que derrière le clinquant des graphismes de nos jeux existe une réalité socio-professionnelle difficile. Le dialogue social est généralement inexistant entre employeur et salariés. Les programmeurs sont fréquemment considérés par les producteurs comme une variable d’ajustement non créditée dans la réalisation des jeux.
 
Alors, les techniciens trouvent dans la programmation des jeux le moyen de régler leur compte avec les employeurs indélicats. Écrites dans le secret et insérées parmi un dédale de millions de lignes de codes d’un jeu pour être découvertes le plus tard possible, ces diatribes sont éloquentes. L’une des plus célèbres est certainement celle rédigée par David Pridie, jeune programmeur engagé dans le développement The new Tetris sur Nintendo 64. Dans une lettre ouverte, il détaille sans mâcher ses mots, les relations exécrables entretenues avec son supérieur :
 
Je dois dire que je suis satisfait de venir à San Francisco pour mon travail. Cependant, il me faut reconnaître que tout n’est pas rose. Cela vient du producteur... D*N, bon sang... est-ce que ce gars est à sa place ? Je ne vous hais pas D*N... mais vous êtes un incapable, je veux dire en tant que producteur. Vous devriez redevenir bêta testeur de jeux vidéo [...] je suis désolé pour vous. Pendant la réalisation de The New Teris, vous avez passé votre temps à jouer à Everquest et Starcraft.
 
Ne le nier pas... les rares fois où vous travaillez, vous faites des tableaux Excel répertoriant les bogues que je n’ai pas corrigés... C’est quoi ce délire ?? J’ai la liste de bogues sur mon écran en face de moi, je n’ai pas besoin de la voir couchée sur du papier. Pour ainsi dire D*N... faites ce que vous pouvez pour maintenir les apparences, car une fois que vos supérieurs découvriront que vous ne servez à rien, vous serez viré.
 
Bon les gars, j’ai pensé que je pouvais me permettre d’immortaliser quelque considérations personnelles à l’intérieur d’une ROM qui sera détruite pour toujours. Ce jeu est d’une nullité. La musique est plaisante, toutefois le jeu en lui-même est loin d’atteindre nos objectifs qualité. Du moins, il est correct mais certains éléments mériteraient d’être davantage travaillés. Un mois supplémentaire ne serait pas de trop pour le nettoyer de tous ses bogues.
 
À l’attention de Nintendo... Ce fut agréable de travailler avec vous... Erich Waas, nous avions été de vieux amis [...], mais vous avez été responsable d’un stress immense au sein de notre équipe [...] je suppose que votre réputation à Nintendo est plus importante que les amitiés que vous entretenez avec nous...
 
D. Pridie pensait naïvement que son message resterait caché des yeux de tous pour longtemps. Il était destiné aux pirates informatiques aguerris, cependant l’un d’entre eux n’a mis que trois jours pour tomber dessus et trois fois moins de temps pour le mettre en ligne au vu et su de tout le monde. Son intention était de démissionner après la réalisation de The New Tetris. Il ne se fit pas prier par son employeur...