I Am a Hero est un manga pour adultes (car assez sombre et violent) écrit et dessiné par Kengo Hanazawa. 8 tomes sont édités par Kana pour l'instant en France, le 9ème étant attendu pour décembre 2013. Ce manga a été nominé pour le prix Manga Taishō en 2010, 2011 et 2012, et le prix du Festival d'Angoulême en 2013. Il a gagné le 58e prix Shōgakukan en 2013. Je vous en parle parce qu'à ma grande surprise, mes amis amateurs de mangas ne l'ont jamais lu et ignorait même son existence !


 Le pitch

Hideo Suzuki, dessinateur de manga âgé de 35 ans, mène une vie morne : métro / boulot / dodo. Evidemment, il rêve de passer d'obscur assistant mangaka (dans un atelier de 20 mètres carrés) à star du manga, mais il fait avec les cartes qu'il a en main, et ses ambitions de jeunesse finissent par se diluer avec le temps.

Enfin, ça c'est ce que décrit en petites touches intimistes le premier tome, les 7 autres racontant la survie d'un petit groupe (dont fait partie Hideo) face à une pandémie évoquant la crise mondiale de la grippe A (H1N1), et les virus fantastiques des films 28 jours plus tard et World War Z, et pour les plus littéraires d'entre vous, Je suis une ­légende de Richard Matheson.

Mon avis sur :

Le scénario

Cette saga, qui oscille entre humour absurde et cruauté spectaculaire, met un peu de temps à démarrer. Difficile de dire à quel point le récit est autobiographique, mais le pauvre Hideo gâche sa vie en travaillant comme une machine, sans compter les heures (l'un de ses collègues aura d'ailleurs la main qui saigne à force de dessiner en continu).

Au point que, épuisé le soir, Hideo souffre d'hallucinations visuelles et auditives. Son « ami imaginaire » lui sert d'ami tout court avant de s'effondrer sur le lit, et de rouvrir les yeux au son d'un réveil assassin pour recommencer une journée de labeur. On sent que Kengo Hanazawa parle de son vécu et de sa propre frustration, même s'il superpose dessus une couche de fiction et de l'humour.

La passivité du héros ressemble à de la résignation, ce qui contraste d'autant plus fort avec la suite de l'histoire (quand la contamination par le virus se généralise) et qu'Hideo fait preuve d'un courage salutaire et d'un altruisme peu banal au milieu de la panique générale.

Le dessin

Kengo Hanazawa nous livres quelques superbes planches en couleur en début de récit, avant de céder la place au noir et blanc : noir comme l'est devenue la société japonaise / blanc comme l'âme d'Hideo.

Visuellement, le travail de Kengo Hanazawa témoigne d'un véritable sens de la mise en scène. Les plans collent à la peau du personnage principal, nous faisant découvrir en même temps que lui son environnement. Cette technique rend vraiment effrayantes les scènes de « Survival horror ».

J'ai rarement vu un manga fourmiller d'autant de détails (les quartiers de Tokyo, la forêt des suicidés...), ou s'acharnant à peindre toutes les variations d'un virus mortel sur le corps humain. I Am a Hero est quasiment un manuel de médecine, catégorie : maladies incurables !

Conclusion

En bref, Kengo Hanazawa nous dépeint une société japonaise dépressive, malade du boulot, entravée par des conventions et des impératifs moraux d'un autre âge.

Les contaminés sont empêtrés dans une boucle étrange (ils tiennent un discours répétitif focalisé sur leur  activité quotidienne), qui n'est pas sans rappeler  les vivants qui enchainent leur journée de travail sans se poser de question.

Le souci d'ancrer le récit dans notre modernité, avec un crayonné hyper réaliste, rend I Am a Hero touchant. Un manga qui propose de l'action ET qui fait réfléchir !