C'est dimanche ! Et si on faisait un petit break avec le jeu vidéo ? Récemment, j'ai pu voir 4 films, 4 drames, 4 réalisations plutôt intimistes, flirtant avec le huis-clos, les sentimes exacerbés, les femmes... 4 films d'autant plus à recommander que chacun d'entre eux coûtent une poignée de clous dans les points de ventes spécialisés ou en ligne. Voici donc une petite review de ces 4 drames !

LA JOURNÉE DE LA JUPE


Cela faisait pas loin de 6 ans qu'on ne l'avait plus vu sur la toile - et encore était-ce pour des productions relativement intimistes... L'une de nos actrices les plus talentueuses s'était faite très rare. Aussi son grand retour, l'année dernière, avec cette production franco-belge, avait fait largement parler d'elle. Et il ne faudra guère s'étonner que sa prestation lui vaille un césar de la meilleure actrice. Récompense exagérée ? Peut-être. Toutefois faut-il reconnaître que l'interprétation qu'elle livre dans ce film de Jean-Paul Lilienfeld est sidérante. Pour très bref rappel, ce film narre la prise d'otage par une professeure de ses élèves après qu'elle a découvert que l'un d'eux portait une arme sur lui. La police et la ministre de l'intérieur sont dépêchés sur les lieux et tentent de négocier, tandis qu'à l'intérieur de la salle, le syndrôme de Stockholm se répand...

On pourra faire abstraction des tentatives de négociation de la police (notamment interprétée par Denis Podalydès), ça n'est guère convaincant. Mais ce qui se trame dans cette petite salle de théâtre où les jeunes viennent apprendre du Molière par contre peut glacer les sangs. Certains diront que la situation est poussée à l'extrême, et à la rigueur, on ne demande qu'à y croire ! Toujours est-il que ce film est insupportable : le fatalisme du proviseur, l'abandon des enfants, la peur du corps enseignant... et la violence bien sûr ! Il est impensable qu'on en soit arrivé là. Et après, que faut-il faire ? La Journée de la Jupe ne donne pas de réponse. Le film se "contente" d'aborder un cas ultime mais qui pourrait tout à fait arriver. On pourra pas dire qu'on savait pas que c'était si grave. Un film terrible, donc, qui ne peut que révolter. Et qui, de surcroît, évite de sombrer dans les stéréotypes. Isabelle Adjani y est, évidemment, stupéfiante.

CE QUE MES YEUX ONT VU


Allez, on change rigoureusement de style. Un tout autre type de drame, qui d'ailleurs pourrait flirter avec le film d'enquête à la Da Vinci Code, le côté hollywoodien et fantastique à part. Car effectivement, ce que le film propose, c'est de plonger dans l'oeuvre d'un peintre du début du XVIIIè siècle, Watteau. Comme on ne nous enseigne guère, dans le cadre de notre parcours scolaire, la peinture, l'occasion de découvrir un artiste d'un vaste talent en 1h30 montre en main, et pour une poignée d'euros, le tout servi avec une sympathique intrigue, voilà qui méritait d'être souligné. Car le réalisateur Laurent de Bartillat n'entend rigoureusement pas nous donner un cours magistral sur l'oeuvre du maître, loin de là : son idée, c'est de nous plonger dans la peau d'une jeune étudiante totalement ravie par Watteau et un fameux mystère... Dans ses tableaux, la récurrence d'une femme qu'on voit de dos interpelle Lucie (évidemment excellente Sylvie Testud). Celle-ci est persuadée qu'il s'agit, à chaque fois, de la même personne... Peut-être l'amoureuse secrète du peintre. Lucie se lance alors dans une enquête qui la mènera là où n'aura jamais abouti son mentor (interprété par Jean-Pierre Marielle).

Si le scénario narrant l'histoire d'amour bizarre naissant entre Lucie et Vincent, un sourd-muet qui passe ses journées debout, sur un cube, dans la rue, en se déversant de la farine sur la tronche, n'apporte pas beaucoup au film à part un parallèle entre celle ayant lié Watteau à sa dame, tout le parcours que notre héroïne réalise pour percer le mystère est très prenant. Et il faudra évidemment saluer le travail superbe qu'accomplit le directeur de la photographie : certaines scènes sont tournées à l'image d'une peinture, et les mélanges de couleurs ou de positions ne sont absolument pas anodins. On pourra certainement déplorer une direction des acteurs un peu bancale, mais ce sera l'occasion de se rappeler qu'il s'agit du premier long-métrage de Bartillat.

LES MOTS BLEUS


Restons encore avec cette comédienne que j'adore particulièrement. On la croiserait dans la rue qu'on la remarquerait peut-être pas, toujours est-il qu'à chaque fois qu'elle intervient sur l'écran, elle m'éblouit. Sylvie Testud est d'un naturel déconcertant et on sait qu'elle peut absolument tout interpréter. Et dans ce film, admettons-le parfois un brin branlant sur le plan scénaristique, elle est véritablement bouleversante. Sylvie Testud y interprète une jeune femme totalement brisée par un passé bien noir, qui voue aux mots et à l'écrit dans son ensemble, une haine et une peur farouches. Sa petite fille, qui a fait le voeu du silence, sombre peu à peu et fait l'objet de la cruauté de ses petits camarades de classe. En dernier recours, Clara (Sylvie, donc) la place dans une école spécialisée pour sourds et muets, dirigée par Vincent (tout aussi excellent Sergi Lopez) - dont la peur primale est de grandir. À partir de là, la petite Anna va commencer à s'ouvrir aux autres, et permetre à Clara et Vincent de se rapprocher, et peut-petre, de se sauver mutuellement.

Alain Corneau est un réalisateur polymorphe qui peut traiter tous les sujets. On pourrait l'imaginer en 2004 en charge de projets à gros budget, et pourtant, c'est alors qu'il livre l'une de ses oeuvres les plus intimistes. La chanson de Christophe agacera évidemment les moins de quarante ans, parce que le son synthé ringardise le propos, mais on arrive à en faire abstraction. J'ai été totalement bouleversé par la scène du premier rapprochement physique entre les deux comédiens. Ultra intense. Tous deux sont vraiment magnifiques et les voir ici réunis est un vrai cadeau.

4 JOURS, 3 SEMAINES, 2 JOURS


Et le meilleur pour la fin. Âmes sensibles, s'abstenir.  À tous les niveaux :

1/ C'est une palme d'or du festival de Cannes. On sait bien que celles-ci sont souvent décernées à des films intellos, désespérés, qui n'ont rien de chez rien à voir avec les films du dimanche soir sur TF1.

2/ C'est un film roumain... Voilà qui calme bien. On est à des années lumières des projos hollywoodiens.

3/ C'est ultra violent. Mais pas de la violence made in Bruce Willis. De la violence psycho, et physique. De la violence brute.

Donc, avec un tel tableau, on n'a guère envie de se plonger dans ce film, pas vrai ? Et pourtant... C'est magistral. Les deux comédiennes Anamaria Marinca et Laura Vasiliu sont hallucinantes. En dépit de tout petit CV sur le plan international, les deux actrices donnent une leçon à la Terre entière, et surtout, aux habituées des mélodrames occidentaux. Là, on a du drame pur. Et, outre leur prestation, la réalisation de Cristian Mungiu est magnifique, si ce n'est le cadre qui pourra évoquer parfois Silent Hill ! Ok, c'est un peu exagéré (encore que...). Mais on aborde quand même la Roumanie de Ceausescu, à la fin des années 1980... Le pitch ? Deux étudiantes qui préparent un coup. Mais on ne comprendra celui-ci qu'après trois-quarts d'heure de préparatifs.

Le film est très violent dans le propos, et ne nous épargne pas quelques images insoutenables. C'est un film sur l'amitié aussi. Et puis, pour nous, Occidentaux qui avons vécu les années 1980 d'une manière plutôt heureuse, ça rappelle que nos voisins ne se la coulaient pas trop douce. Il faut donc s'affranchir d'un bon paquet de préjugés, et oser le visionnage de ce film. Bouleversant.

Voilà, c'est fini. 4 drames, donc. À voir absolument un dimanche soir, histoire de bien se miner le moral avant de reprendre la semaine.

Seb