Après un cross-over pas très affirmé DC VS MK, NetherRealms sous l'égide de Warner Bros se doit de développer un jeu de batson 100% DC Comics. Pas de cross-over, pas trop de censure, du pur DC en se basant malgré tout sur le succès critique et commercial du dernier Mortal Kombat. Le danger était de skinner MK avec les personnages de DC mais on voyait le studio étaler sa confiance en communiquant ardemment sur la puissance destructrice de ces superhéros. Et ça tombe bien, c'est qu'on est censé vouloir : un jeu de baston en phase avec son sujet. Malheureusement, les promesses et premières impressions arrivent encore à nous leurrer...

Batman rules

Les puristes de l'univers DC crisent lorsqu'on leur dit que seuls Batman et Superman sont intéressants. NetherRealms décide malgré ça de mettre en avant les deux stars dans un mode story narré comme le réussi MK. Fidèle à la propension de DC pour pondre une Terre Parallèle et justifier les cross-over les plus déments, Injustice nous narre l'histoire de Superman, manipulé par le Joker, tuant Loïs en la prenant pour Doomsday (on le comprend). Histoire d'enfoncer le clou de la dramaturgie over the top, un ogive nucléaire relié aux battements de cœur de la belle détruit Metropolis. Fou de rage et de désespoir, Superman décide d'éradiquer toute violence sur Terre et instaure une dictature. Forçant des vilains à accepter son ordre et tuant même des alliés tentant de le raisonner, Superman se prend pour un Dieu dans ce Metropolis parallèle. Mais parce que Batman est quand même LE meilleur personnage (sisi, c'est objectif, c'tout, pas de discussion possible), il mène l'Insurrection en cachette à l'aide de quelques personnages vilains dans l'autre Monde (comme Lex Luthor ou Deathstroke). Batou a besoin de trois alliés spécifiques pour activer une arme à base de kryptonite mais comme ils sont morts ou devenus méchants, il ouvre un chemin vers le Monde que l'on connait tous. Ainsi, les « vrais » gentils vont devoir se fritter avec des gentils devenus méchants et faire équipe avec des méchants devenus gentils. Un joli bordel où chaque personnage clé de l'univers DC apportera sa pierre à l'édifice, joué par le joueur. On sera évidement ravi de voir un scénario écrit pour l'occasion et s'autorise même une structure à peu près cohérente où les évènements s'emboitent fluidement. Pas que cette histoire soit alambiquée mais pour un jeu de baston, on ne va pas demander une dissertation sur la psychologie de Batou ou pourquoi Green Arrow fait tant de vannes moisies. Ce qui choque d'emblée via les premières cut-scenes, c'est la mise en scène assez cheap et ringarde, aux animations rigides, décors statiques, caméras fades. Ce qui étaient des qualités chez Mortal Kombat fait un peu tâche pour un jeu DC où le dynamisme est censé primer. Avec des punchlines dignes des versions animées pour les enfants à base de « en avant ! » ou « Je ne te laisserais pas faire hohoho », pas aidés par un doublage français qu'on qualifiera de très moyen et pas des plus énergiques, on ne peut pas dire ces héros transpirent la classe. Leur re-design est aussi des plus médiocres où les artistes de NetherRealms surkiffent les armure difformes (Batman a des épaulettes, par exemple) et les pointes de punk ou encore une Wonder Woman qui devrait aller se faire une mammographie vu la difformité de sa poitrine, et une Harley Queen au string qui dépasse : chic. Les visages sévères et manquant d'expressivité frappent aussi. Un peu comme si le studio, trop cantonné au graphisme réaliste de MK n'avait pas réussi à s'adapter au comics. Exemple frappant : on a l'habitude d'avoir un Superman à la mâchoire carré, très costaud. Mais probablement pour rester un minimum réaliste, le design de ce Superman se voit muni d'un menton surdimensionné des plus disgracieux... Certes, la morphologie humaine n'a pas été altérée, mais c'est un humain bien laid. C'est probablement pour ça que le Joker est réussi, par exemple, puisqu'on son design coloré et fortement expressif s'adapte très bien aux formes réalistes comme cartoonesques, comme entre deux.

Le casting a le mérite d'être hétéroclite, même si on sent qu'il a été très difficile de ne pas abuser de l'univers de Batman. Avec Nightwing, Catwoman, Joker, Harley et Bane, on peut dire qu'il y a ce qu'il faut. Le reste des personnages se concentrent aussi sur des personnages connus et évidement classiques : Green Lantern, Wonder Woman, Flash, etc ou des personnages facilement identifiables, comme la big armure de Luthor ou l'espèce de Hulk appelé Grundy. Il y a aussi des incompréhensions comme Arès, un personnage passe-partout dont on se fiche totalement. Ça manque aussi de femmes, mais l'univers DC étant bien plus masculin que peut l'être l'univers Marvel, on ne va pas en inventer non plus. Surtout quand on voit le désastre des costumes.

Ceci n'est pas Mortal Kombat

Parlons bien, parlons gameplay. C'est quand même un peu la douche froide, puisque le jeu est vraiment très et trop proche de Mortal Kombat. Vous avez trois boutons de frappe répartis selon leur puissance : faible, moyen, fort ; une choppe et un bouton spécial qui apporte une spécificité selon le personnage. Par exemple, Superman aura un boost de sa puissance temporaire, pendant que le Joker a droit à une parade compliquée à placer. Certaines demanderont une combinaison comme pour Green Arrow qui pourra vous spammer de ses flèches. Mais ces actions spéciales ne sont pas des coups très puissants, ce sont en fait des actions permettant de différencier les personnages. Car hélas, ils se jouent tous un peu de la même façon avec des combinaisons de touches pas des plus cohérentes et seul ce bouton spécial apportera une variation. La physique du jeu, incluant le masque de collision et surtout le timing particulier de MK est conservé. Dans les faits, MK est compliqué à aborder, puisqu'il demande d'enchainer sa manip d'une seule traite et non en fonction du timing de l'action comme les jeux japonais. Mais, MK utilisable beaucoup le principe de juggle (un air combo tout simplement) qui doit se déclencher selon le bon tempo avec la bonne animation de frappe. Logique, vous allez dire. Excepté que ce n'est pas parce que vous allez appuyer sur haut+triangle que vous allez claquer un upercut ou un coup en hauteur. C'est le problème du jeu, chez l'un appuyer vers haut lancera un coup en hauteur, quand un autre fera un brise-garde par exemple. D'autant qu'on doit subir une contradiction entre le tempo mono-rythme des combos et le tempo dynamique des juggles. Évidement, ça force le joueur à s'exercer avec son personnage. Logique. Cependant, difficile de jouer avec réflexe quand vous vous rendez compte que votre avant+coup a moins d'allonge que le coup arrière+coup par exemple. C'est blindé d'incohérences de ce genre et est plutôt pénible. Surtout dans le mode scénario où vous enchainerez trois, quatre combats seulement par personnage, vous obligeant à mater le menu rapidement. Ensuite, il faut apprivoiser son personnage, cela va de soit. Ce qui choque c'est que la physique rigide et carré des MK ne colle pas vraiment avec des superhéros. Des superhéros qui passent leur temps dans les pages de bande dessinées à voler, à sauter des immeubles, utiliser de grappins et autres pour se voir manier avec un balais dans le derche, pad en main ? Pas franchement cohérent et là est toute la frustration du gameplay d'Injustice. Avec exactement la même physique mais aussi le même type de bruitages lors des impacts de coups de MK, on ne ressent absolument pas la déferlante d'action à laquelle on s'attendait. Pour donner cette impression recherchée, NetherRealm a apporté une nouveauté, celle d'interagir avec le décors. En effet, en appuyant sur R1 à différents endroits du stage, vous pourrez envoyer des pans de décors dans la tronche de votre adversaire pour des effets explosifs, certes, mais terriblement gadget au final au vu de l'animation basique qu'il procure sans pourtant se mêler au gameplay du jeu. On a juste concrètement ajouté des objets dans stage classique sur un pan horizontal, pas plus. Ce même stage ayant droit à deux séquences de changement de décors que l'on peut atteindre en propulsant l'ennemi contre une paroi, tel Dead or Alive. Référence intéressante qu'est le jeu de Team Ninja puisque ce dernier étant un modèle de dynamisme et de jeu-spectacle. Injustice ne suit pas du tout cette voie. L'intégration de ce décors interactif est ainsi gadget de part sa touche R1 sur quelques éléments mais surtout il ne suffit pas d'enchainer et de plaquer son ennemi pour le faire voler à travers de la pièce dans une cut-scene spectaculaire (bien que répétitive utilisant la même animation et plan de caméra). Il faut l'attaquer avec une attaque bien précise arrière ou avant+fort. Même si vous acculez l'ennemi, le décors ne se mettra pas en branle. Une interaction donc limitée, dépassée et qui n'a aucun espèce d'importance dans le jeu.

Au final, ces deux features ne rendent pas du tout le gameplay plus dynamique, plus puissant, plus démesuré, il habille le gameplay de MK, tout simplement. Est-il utile de vous préciser que les furies sont dans la plupart des cas de très bonne qualité ? Effectivement, l'attaque est une belle animation où le personnage se déchaine comme un Superman envoyer son ennemi dans l'espace ou un Aquaman faisant déchiqueter l'ennemi par un requin. Cependant, la puissance n'est ici qu'illustrative. Une animation de furie aussi impressionnante soit-elle n'est qu'une animation et ne rend pas l'impact et la rapidité d'exécution d'un gameplay. Ce n'est qu'une guirlande sur un piètre sapin de noël.

Équilibriste de l'extrême

Vous pouvez aussi vous demander pourquoi on devient si sévère sur Injustice alors que l'on a été enthousiaste sur MK. L'absence de cohérence avec l'univers DC a été soulignéee, la rigidité exclusive à Mortal Kombat ne peut pas convenir à un héros comme Superman qui vole et met des prunes avec facilité quand le joueur doit appliquer sa petite manip incohérente construite un peu n'importe comment avec mécanisme robotique, sans aucun droit à l'improvisation. On pense en réalité que l'astuce de ne plus associer les actions aux membres du corps (poing/pied) a permis aux développeurs de s'autoriser des combos un peu aléatoirement. En effet, si la règle du poing et pied est respectée il faut alors un minimum de logique chorégraphique. Ainsi, tout le monde se joue de la même façon, avec le même tempo mais c'est la roulette pour savoir quelle combinaison à base de carré carré triangle croix fonctionne. Difficile de se choisir un personnage qui corresponde si ce n'est être fan de tel ou tel personnage... Ou l'on peut choisir son perso fétiche en jouant en ligne et ainsi découvrir ceux qui sont les plus abordables. L'équilibre entre personnages est effectivement très bancale. Tout comme MK, la victoire passe par l'utilisation des juggles, puisque l'ennemi n'a aucune défense en l'air. Pas de chance, certains personnages n'ont pas autant de launcher que d'autres. Certains personnages font valser l'ennemi avec plusieurs combinaisons plus ou moins simples quand d'autres n'en ont qu'une ou alors n'offre pas la même hauteur de juggle et donc muni d'un timing plus serré. Sans compter les problèmes d'allonge de certains personnages sur ces mêmes juggles. En ligne, on voit rapidement comment ça se gagne, les joueurs répètent un enchainement inlassablement. Un, deux, trois hits > juggle > un, deux, trois hits > boum. Et ceci en boucle. Dès que vous êtes acculés, difficile de se défaire. Il existe pourtant une manip pour contrer tout ça, il faut appuyer sur R2 juste après avoir parer une attaque en reculant. Le timing est serré mais en faisant ça, une onde de choc repousse l'ennemi vous laissant une ouverture. Encore faut-il que votre perso ait le bon allonge pour toucher rapidement. Nous ne sommes pas dans Street Fighter où l'on se répond au taquet... Il y a des déséquilibres assez gros notamment en pointe de vitesse, d'allonge, mais aussi de largeur d'impact (des coups en forme d'arc là où d'autres sont plus frontaux par exemple). C'est vraiment pas évident et le jeu en ligne révèle ça avec énormément de frustration, on enchaine en boucle les mêmes coups. Pour autant, MK ne propose que peu de place à l'impro et aux réflexes mais justement ce n'est pas MK. Non seulement, ces personnages n'ont pas le même genre de caractéristiques, même animation, ni même gabarit que la série mère mais d'un autre côté ils réutilisent le même moteur et les mêmes manips... C'est déroutant. Et ça l'a probablement été pour les développeurs pour pondre des déséquilibres aussi terribles. Un peu le syndrome Street Fighter X Tekken où Capcom a dû adapter son moteur, son gameplay à des personnages aux carrures différentes provoquant ainsi des personnages soient trop puissants, soit jolis à regarder mais inefficaces.

Pas si God

Fidèle à sa recette MK, NetherRealms propose ainsi du solo bien rempli, avec une histoire de cinq heures et plus de 200 missions à devoir accomplir certaines combinaisons ou gagner avec la manière. Le mode Multi est classique avec un matchmaking de base, assez lent. On privilégiera alors les salles où tout le monde se rejoint et se lancent des défis avec une option de replay à chaque fois, histoire de ne pas perdre un temps insupportable dans les menus. Des menus qui rament légèrement par ailleurs, ajouté à quelques écrans de chargements. Cependant, le jeu est parfaitement fluide. En ligne, c'est la même rengaine : tout dépend de votre connexion et celle de votre challenger mais le mode en ligne est capable de sortir des jeux sans lag tout comme sortir des matchs injouables. On privilégiera squatter des salons pour vérifier la connectivité de chacun. Notez aussi que le jeu vous lance des défis (gagner sans utiliser de compétence spéciale, par exemple) à chaque match ou chaque jour pour décupler vos points d'XP et monter en niveau.

Ce qu'on reprochera surtout au jeu, c'est que même dans ses modes il ne va guère plus loin que MK : pas de bonus spéciale comics, à base d'images, croquis, etc. Des costumes peuvent se débloquer, mais hélas, le redesign étant too much et sorti tout droit des 90's (avec tonne de ceintures, de pièces d'armures, de motifs exagérées, etc), on ne trouvera pas ça très glorieux. En fait, Warner, partenaire avec DC Comics, aurait peut être dû embaucher un dessinateur de la maison pour redesigner l'ensemble plutôt que de laisser l'équipe de MK s'enfermer dans leur délire Serie Z. Techniquement, le jeu impressionne aussi bien moins que le jeu dont il reprend les bases. C'est pourtant exactement le même moteur mais, on voit des textures un peu plus grossières, des effets spéciaux moins mis en avant (en même temps il n'y a pas de démembrement, pas trop de sang non plus) mais paradoxalement, les décors sont aussi plus statiques alors qu'ils sont censés être interactifs. Ces superhéros qui détruisent le monde le font dans des pièces vides de civils. Sont trop bons. C'est cette multitude d'absence de détails qu'on sent qu'il y a vrai manque de finition dans ce projet. Reprendre le moteur de MK ne le rend pas automatiquement si beau, si agréable. Or, avec une thématique superhéroïque, sans surfer sur des vagues de sang, on pouvait quand même surfer sur plus de lumière, de sueur, de costumes déchirés... Mais pas de tout ça. C'est très propre et c'est statique.

Difficile de le dire autrement, Injustice est une déception. Avec un sujet de superhéros complètement assumé (sans cross-over), une autonomie retrouvée sans devoir subir les problèmes financiers de Midway, on pensait, à tort, que l'équipe d'Ed Boon avait les épaules pour assurer un jeu de baston original et surtout puissant autour de DC Comics. Il s'agit au final que d'une sorte de skin mal déguisé de Mortal Kombat. En modifiant son style de coups, y ajoutant une ou deux features, et rajouter des interactions avec les décors, NetherRealms ne trompe personne. Ce jeu de baston est trop rigide pour son sujet, trop déséquilibré pour être un palliatif à MK (même si ce n'est pas nécessaire) et manque de patate pour les fans de comics voulant retrouver cette sensation de surpuissance. Si l'on y voit quand même de bonnes choses, de bonnes attaques, etc ; l'ensemble manque cruellement d'originalité et manque d'impact pour se faire plaisir. Un peu comme quand on avait trouvé le gameplay ridiculement bourrin et sans subtilité de Marvel VS Capcom 3, on se retrouve ici avec un gameplay qui ne colle pas avec les super héros. Jouer avec Batman comme on joue avec Kung Lao n'a aucun intérêt et jouer Cyborg comme on joue Jax non plus. Cette physique particulière ne fonctionne qu'avec son panel de personnages maitrisés, mais n'a rien à voir avec Injustice où le joueur s'y sent bridé et castré perdant l'intérêt pour lequel il avait acheté le jeu : mettre des patates à écrouler les murs, lancer des lasers à faire cramer des cuisseaux et fouetter avec dynamisme et autorité. Rien de tout ça. Sacrée désillusion.

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(Re)lire l'article, mis en page sur PG Birganj : en Une ou dans la rubrique Critiques.