Voici un petit devoir réalisé durant mes années étudiantes et portant sur le thème des jeux vidéo. L'exercice consistait à choisir un article dont le sujet devait s'articuler autour d'un grand thème, celui de la Culture. Pourquoi avoir choisi un article traitant du jeu vidéo ? Pour simplement rendre justice à un phénomène trop souvent décrié comme l'apanage des petits et des plus grands totalement abêtis et incapables d'en sortir. Le jeu vidéo est un univers méconnu, comme beaucoup d'autres (culture Hip Hop, Metal, Japanim...), et faisant l'objet de multiples préjugés.

 

Olivier Séguret, journaliste et critique de cinéma pour le journal libération, aborde le sujet des jeux vidéo et nous le présente comme un secteur continuant de plus en plus à se développer et à susciter des questionnements. L'évènement du séminaire du Canyon des aigles au Texas, réunissant des « game designers », soulève la question de la responsabilité morale des développeurs de jeux vidéo dont le domaine continue de toucher de plus en plus de monde. Daniel Cook, un participant de cet réunion, fut impressionné par le fait que le jeu vidéo puissent être considéré maintenant comme un média à part entière et qu'il soit donc en mesure d'avoir de plus en plus d'influence sur les gens. Cependant, Séguret nous rappelle que le jeu vidéo demeure une grande industrie qui est tenue de faire du chiffre. Elle n'hésite pas dès lors à récupérer un fond de morale pour la transfigurer dans des campagnes publicitaires, dans le but d'inciter à acheter des jeux que la morale peut réprouver. Partant de cet article, je me suis interrogé sur ce phénomène culturel. Est-ce une pratique que nous devons prendre en considération ou rejeter totalement ? Ou plus simplement faut-il avoir peur des jeux vidéo ?


   

Le jeu vidéo, un art nouveau ?


           Au fil des années, le jeu vidéo a évolué en même temps que le progrès technologique. Nous sommes passés du jeu de tennis en deux dimensions à des jeux proposant un environnement en trois dimensions, et se rapprochant toujours plus du réel. Dire qu'ils parviennent à restituer entièrement la complexité du réel, ceci est une autre question, que nous tenterons d'aborder plus tard. Devant les prouesses techniques et l'interactivité mise en avant, qui se cachent derrière la conception de ces jeux ? Dans ses débuts, ce loisir vidéoludique ne demandait pas beaucoup en termes de moyens techniques et les limites graphiques des premiers ordinateurs et consoles de jeu étaient compensés par une trame narrative assez succincte, une jaquette attractive mais surtout parce que les joueurs appellent le « gameplay ». Nous pourrions traduire ce terme par la jouabilité et associer cette notion à la manière d'aborder le jeu via un clavier ou une manette de jeu. Il s'agit plus précisément du rapport entre la pression d'une touche et l'action réalisé à l'écran. Si ceci peut apparaître dérisoire pour le néophyte, elle est souvent la clé de voute d'un bon jeu. Elle constitue un véritable défi pour les programmeurs. La réussite d'un jeu tient beaucoup à la qualité de programmation nécessitant de trouver le bon équilibre entre plaisir des yeux et accessibilité. L'exemple souvent repris par les joueurs est l'un des tous premiers Mario offrant une jouabilité sans faille et un réel plaisir de jeu. Son créateur Shigeru Miyamoto est, à ce titre, un des plus respectés dans le milieu.


Mais l'industrie du jeu vidéo ne se contente plus de proposer un sérieux gameplay. Si à ses débuts, bon nombre restait dubitatif sur l'avenir du jeu vidéo, nous pouvons constater maintenant l'ampleur de son développement. De fait, les sociétés éditant ces jeux ne se content plus de rétribuer de bons programmeurs, elles font aussi appellent à d'autres sphères professionnelles : expert en art graphique, scénariste, comédiens, compositeurs de musique. Le milieu s'est enrichi et étendu vers d'autres compétences artistiques. Cette tendance s'est par ailleurs accéléré en même temps que le bond technologique amorcé dans les années 90. Les nouveaux supports numériques ont permis de donner de nouvelles formes à l'expérience vidéoludique. Pour donner vit à des personnages et à des environnements virtuels, des graphistes crée des artworks, soit des illustrations servant de base à la conception graphique du jeu, puisant leur inspiration par exemple dans l'heroic fantasy, ou bien de manière plus atypique dans l'œuvre de Francis Bacon. Sur le plan musical, l'introduction dans certains jeux de véritable musique joué par un orchestre et des comédiens prêtant leur voix à des personnages, participe à enrichir l'expérience de jeu. Nous pouvons y voir une tentative de se rapprocher du cinéma, déjà reconnu comme un art.  


A bien des égards, qu'est-ce qui pourrait empêcher le jeu vidéo d'être considérer comme un art total ? La photographie a longtemps était perçue comme un parent pauvre de la peinture. Le cinéma et la bande dessinée ont également attendu pour obtenir ses lettres de noblesses. Est-ce encore trop tôt pour le jeu vidéo ?


 

Le jeu vidéo, une sous-culture et un bien de consommation


            D'un point de vue général le jeu vidéo fait pâle figure devant des pratiques plus légitimes comme la photographie ou le piano. Il est tout juste bon, pour ceux qui partagent ce sens commun, à distraire les enfants. Pourtant nous pourrions y voir un champ à part entière, au sens où Bourdieu l'entend, c'est-à-dire un espace où un certain nombre de personnes décide de se retrouver, autour d'une pratique et d'une culture commune.


A mesure que le temps passe, l'histoire du jeu vidéo s'est enrichie, rassemblant de plus en plus d'adeptes et se faisant une place de plus importante dans le monde du loisir. Si elle demeure une pratique encore illégitime, les personnes ayant grandi avec l'histoire des jeux vidéo peuvent apparaître comme de véritables érudits en la matière, et développer un vrai regard critique. Un microcosme existe autour de ces jeux et invoque aussi d'autres cultures. Bien que les jeux vidéo ne soient pas exclusivement japonais, nous pouvons constater un lien fort qui les unie à la culture populaire nipponne. Entendons par populaire non pas forcément le folklore japonais (dont les jeux vidéo pourrait à juste titre se réclamer) mais plutôt celle liée à la société de consommation, au manga, à l'animation japonaise qui s'articulent notamment autour du jeu vidéo. Notons qu'ils furent les premiers à réussir à installer des consoles de jeux dans les foyers et à les populariser. Mis à part le Japon, le jeu vidéo et son microcosme s'est complexifié notamment en raison d'internet, qui a marqué un tournant dans la manière de jouer. Le réseau redéfinit notre rapport à l'autre et le jeu de rôle prend tout son sens. Des communautés de joueur s'organisent, jusqu'à recréer des microsociétés.


Mais le jeu vidéo demeure toujours l'objet d'amusement, le bien de consommation « futile » et ostentatoire, qui lui interdit d'être pris totalement au sérieux. Par ailleurs, l'industrie du jeu vidéo réduit de plus en plus la place à la créativité, se reposant sur des genres qui ont faire leur preuve et qui réussissent à se vendre : jeu de combat, course, jeu de rôle... Celle-ci dépasse l'industrie du cinéma en termes de gain et de coût, et nuit à l'ambition créative. C'est tel que le jeu vidéo devient souvent le produit dérivé de grosses productions cinématographiques. La production oblige à resservir sans cesse les mêmes recettes. Elle s'assure avant tout une part de rentabilité au détriment de la prise de risque créative, quitte à présenter la violence comme un argument de vente.


 

Fiction et réalité


            Le jeu vidéo devenant de plus en plus populaire, la question de la morale se pose de plus en plus au sein des sociétés de production et de développement. Les jeux étant de plus en plus réaliste, où se situe la responsabilité des créateurs ?


Bien que le jeux vidéo a muri et propose maintenant un contenu à l'attention d'un  public averti, la représentation du jeu électronique fait pour les enfants est persistante. Le cinéma a bien délimité ces frontières, le jeu vidéo quant à lui peine à les faire reconnaître. Il est intéressant par ailleurs de faire un parallèle avec les films d'animation souvent perçus comme réservés au public enfant. Ces deux formes d'expression restent prisonnière des représentations que nous nous en faisons et suscitent parfois de vives réactions lorsque l'un des deux domaines présente un contenu perçu comme inconvenant ou inadapté à des enfants. Un homme saignant dans un film d'animation ou dans un jeu vidéo est un détail moins acceptable que dans un film. Dés lors, nous pouvons nous interroger sur le fait de ne pas prendre plus au sérieux le jeu vidéo.


Par ailleurs, ce qui dérange vient notamment du fait que la technologie soit capable de nous rendre, de manière hyperréaliste, des corps humains et de vastes environnements. Mais que l'on ne s'y trompe pas, le jeu vidéo reste avant tout un jeu. Pour rendre à l'écran une attitude ou une expression, les créateur se sont aperçus que le simple fait de calquer les mouvements de l'être humain ne suffisait pas à rendre le mouvement naturel ; ce que l'on appelle dans leur jargon la « motion capture » consistant à disposer des capteurs sur le corps pour en retranscrire le mouvement. C'est un peu le même principe que la rotoscopie en animation qui consistait à calquer les mouvements d'un acteur ou d'un animal préalablement filmé pour obtenir des mouvements fluides et réalistes. Ce qui fonctionne en 2D, ne l'est pas encore pour la 3D qui a encore des progrès à faire.


Malgré tous les efforts pour se rapprocher de la réalité, les mécanismes du jeu vidéo sont encore très visibles et ne trompent pas le joueur. Le jeu vidéo suit toujours la même logique binaire, présente dès ses origines. Lorsque le joueur progresse dans le jeu, il est soit, à un moment, sanctionné ou récompensé.  La capacité des supports à rendre une explosion réaliste ne suffit pas à faire un bon jeu. C'est d'avantage l'histoire et le cadre du jeu qui transporte le joueur. L'impression de liberté dans un jeu en 3D, le plaisir d'y évoluer est présent parce qu'un cadre et des règles existent, au même titre que tout autre jeu plus traditionnel. Concernant la violence, elle n'est pas exclusive au jeu vidéo, qu'elle soit manifeste ou symbolique. Martine Fournier, dirigeant un dossier sur le thème du jeu dans la revue « sciences humaines », s'est entretenu avec Marc Valleur, psychiatre, médecin-chef de l'hôpital Marmottan. Ce dernier pense que le jeu vidéo constitue un phénomène culturel riche de potentialité. A ce titre il nous explique que « c'est une bonne chose que les jeux vidéo soient violents : le jeu est un exutoire, une catharsis, une manière de faire ce que l'on s'interdit dans la réalité. C'est une fonction du jeu, mais aussi de la littérature ou du cinéma. »


Devons-nous nous réjouir d'une fonction présente dans le théâtre mais aussi à travers le cinéma ? Ou devons-nous inquiéter de l'usage que peuvent en faire certains ? Que penser par exemple du jeu vidéo de guerre servant de défouloir aux troupes américaines et s'adressant à d'éventuelles recrues ? Comme nous l'a expliqué les intervenants de « Sans canal fixe », il est important de se poser la question de qui est derrière une réalisation. Profitons de ce conseil pour poser un nouveau regard sur le jeu vidéo.


Voilà. A bien des égards, il y aurait des idées que j'articulerais autrement mais j'ai préféré garder l'authenticité du propos écrit à un instant T (comprendre : la flemme de tout reprendre ^ ^'). Il y a des idées discutables dans ce devoir, mais dans l'ensemble il est bien le plaidoyer que je souhaitais soumettre à mon professeur et que je vous soumets aujourd'hui.


PS : je me souviens avoir obtenu une belle note. ^ ^