Je continue ma session de rattrapages jeux indés, que j'ai trop longtemps négligé, avec To The Moon, sorti il y a déjà 2 ans et dispo en téléchargement ou en version boite (je viens de l'apprendre). Jeu développé avec le logiciel RPG Maker, il aura pas mal fait parler de lui à l'époque, à la fois critiqué pour son absence de "vrai" gameplay mais également encensé pour la profondeur de son scénario.
Le pitch est d'ailleurs assez intéressant : les docteurs Rosalene et Watts travaillent à Sigmund Corp, une agence qui propose un service assez spécial : réaliser l'ultime voeu d'un patient sur le point de mourir. Pour ce faire, nos deux scientifiques doivent explorer les souvenirs de ce patient, les modifier de manière à crééer de faux souvenirs, dans le but de lui faire croire que son voeu a bien été réalisé. Le patient de ce premier jeu (car il y en aura d'autres, mettant en scène nos deux héros avec d'autres clients) est John, un vieillard dont le regret dans la vie est de ne pas avoir été sur la Lune. Rosalene et Watts vont donc ainsi explorer la mémoire de John, et vont de ce fait "revivre" sa vie, de la mort jusqu'à l'enfance, dans l'objectif de réaliser virtuellement son rêve.

Comme mentionné plus haut, le gameplay n'est pas vraiment le point fort du jeu. C'est une sorte de sous jeu d'aventure en 2D, on avance dans les environnements, on clique sur certains objets, on parle aux pnj, et basta. Sur un jeu lambda, ce système de jeu ne serait clairement pas passé. Mais ici, j'ai envie de dire qu'on s'en fout. C'est comme un bon livre : on veut toujours y revenir pour connaitre la suite, et ce qu'importe le gameplay.
C'est bien là la force du jeu : son histoire. Une histoire maitrisée de bout en bout, avec des révélations distillées au compte goute de niveau en niveau, le joueur voguant ainsi de surprise en surprise, qui changent sa vision des personnages.
Car les personnages ne sont pas de vulgaires pantins sans âme, comme on a l'habitude d'en voir, mais sont vraiment touchants et vous paraitrons bien humains. L'évolution des rapports entre ces personnages, notamment entre John et sa femme, River, sont des plus réussies et surtout des plus crédibles, et ce grace à une écriture sans fioriture, efficace et pas niaise pour un sou.
Autour de ces personnages va donc s'articuler une histoire au départ simple, mais de plus en plus complexe au fil de votre voyage dans le temps. Vous allez en apprendre de plus en plus, comprendre que tout n'est pas rose. De nombreuses  thématiques peu fréquentes dans le jeu vidéo seront abordées avec beaucoup de justesse, comme le handicap, la vieillesse,  ou même tout simplement l'amour. C'est pas lourd, et on ne nous déblatère pas de tirades faussements philosophiques, un piège dans lequel tombent souvent les développeurs qui tentent de faire des jeux "intelligents".

Un des atouts de ce scénario, c'est le fait que le joueur et les héros (les docteurs) possèdent exactement le même point de vue sur l'histoire : un point de vue extérieur. Au départ, les deux protagonistes, comme nous, ne savent absolument rien sur John et River, et nous allons tout découvrir en même temps qu'eux. C'est une astuce scénaristique qui fonctionne parfaitement : elle nous permet de mieux nous identifier aux personnages, d'avoir les mêmes réactions qu'eux lors des différentes péripéties du jeu.
La temporatilé du jeu vient d'ailleurs renforcer ce sentiment : on suit le parcours de Rosalene et Watts sans interruption, du début à la fin. On reste toujours avec eux, le lien ne peut être que plus fort et le joueur est plus impliqué que jamais.
Il existe une seconde temporalité en parallèle, qui concerne la vie de John que nous allons voir défiler en entier. Le simple fait de suivre ce personnage si longtemps fait que l'on s'y attache énormément, à lui comme à son entourage, River en tête.
Ces petits détails font que la narration est maitrisée, simple et reserve son lot d'émotion. Mais pas d'émotions artificielles : ici, point de personnage qui décède avec une mise en scène grandiloquante couplée à du violon pour bien appuyer sur le caractère tragique de l'évenement. Non, dans To The Moon, on vibre du début à la fin. Il n'a a pas une scène culte, une scène coup de poing : le jeu doit être considéré dans son ensemble pour être apprécié et pour vous toucher. Et ça, c'est un principe que peu de développeurs ont compris.
 

Il est de ces jeux, malheureusement trop rares, capables de vous toucher, de vous émouvoir, à tel point qu'il en devient difficile de passer à un autre jeu ensuite. Tout le reste de la production vidéoludique vous parait fade, presque dénué d'interet à côté. To The Moon est de ceux là.
Il ne fait aucun doute que ce jeu fait partie de mes expériences ludiques les plus marquantes de ces derniers mois : un titre marquant, frais, qui fait du bien et qui laisse augurer du bon pour l'avenir de l'industrie du jeu. Pas de monde à sauver, pas de méchant à tuer : seulement l'histoire d'un homme hanté par le regret.

To The Moon : For River (Sarah and Tommy's version) 

Sur ce, on se quitte avec un extrait de la splendide bande son, composée par Ken Gao, également créateur du jeu. Une ost simple mais d'une beauté saisissante (comme le jeu, d'ailleurs), presque intégralement au piano. 
A noter que la musique joue un rôle important dans le scénario, et plus particulièrement le thème que je vous propose d'écouter, For River. A la prochaine!