Hello tous,

Cette fois, ça y est. Au terme d'une petite dizaine d'heures de jeu, le mode solo de Tomb Raider est enfin tombé sous mes assauts répétés. Je puis donc désormais vous en parler en toute connaissance de cause, connaissant les tenants et les aboutissants de cette épopée qui fait fureur auprès de mal de joueurs ces jours-ci. Pour autant, n'attendez pas du post qui suit une hagiographie en bonne et due forme. Non, ce Tomb Raider m'a laissé sur ma faim, et je lui oppose plusieurs griefs qui ne sont pas sans rappeler les critiques que Pedrof a adressées au titre dans l'article qu'il lui a consacré voici quelques jours (Le papier de Pedrof en cliquant ici). Mais comme on dit, qui aime bien châtie bien.

La prise en main

L'affaire qui nous préoccupe ici relève donc d'un ambitieux reboot. Tomb Raider a pour objectif de remettre une saga culte des loisirs numériques sur de nouveaux rails, et en ce sens atteint ses objectifs. Davantage mis en scène, mieux construit, lorgnant allègrement sur les standards imposés par l'excellente trilogie Uncharted, ce nouvel opus fait surtout passer la franchise à l'heure du XXIe siècle sur le plan du gameplay, étrennant une jouabilité totalement refondue et dont on ne peut que saluer l'intelligence et l'efficacité. Lara court, saute, grimpe comme un alpiniste shooté au grand air, et surtout sait se battre avec une rapidité et une agilité jamais vues dans la série. Soyons précis : si les combats au corps à corps sont encore un peu laborieux - la faute à une caméra qui reste un peu capricieuse -, l'utilisation d'armes à courte, moyenne et longue portée est un modèle d'ergonomie. Mention spéciale, au passage, à ce qui restera sans doute comme la grande réussite de cet opus : l'utilisation de l'arc, qui se révèle à ce point agréable que l'on aura beaucoup de mal à abandonner cette arme archaïque au profit d'un fusil mitrailleur, d'un pistolet ou même d'un pompe pourtant bien pratique.

L'intelligence des développeurs se retrouve également dans le système d'évolution des compétences de Lara Croft, accessible depuis les feux de camp (qui servent aussi de point de téléportation d'une zone à une autre de l'île). Deux types de progression sont à prendre en compte. L'expérience, d'abord, permet de débloquer de nouvelles capacités (par points de compétences, obtenu à chaque fois que le personnage passe un niveau) dans trois domaines : chasseur, survivant ou castagneur. La personnalisation de l'héroïne est ici bien amenée, quoique relativement limitée puisque l'on sera finalement en mesure de débloquer toutes ces compétences. Mais pour le mode solo, il en ira d'une bonne manière d'avantager le type d'expérience que l'on privilégie, que l'on préfère le combat au corps-à-corps ou à distance, que l'on aime la chasse des animaux... ou celle des ennemis humains qui se dresseront sur la route.

 

La gestion de l'équipement, ensuite, permet d'optimiser son attirail meurtrier. Outre celles qui seront remises progressivement à l'héroïne au fil de l'aventure, les armes peuvent y être upgradées de multiples manières. Du classique, mais de l'efficace : augmenter la cadence de tir, la précision, la stabilité, la puissance de feu... Il est intéressant de noter que ces "upgrades" n'ont rien d'anecdotique. Il faudra faire les bons choix pour se faciliter certains passages particulièrement coton, Tomb Raider ayant avec son reboot découvert les charmes des batailles rangées à 25 mercenaires armés jusqu'aux dents contre une frêle demoiselle de 21 ans. Autant vous dire que Lara Connor aura fort à faire pour se frayer un chemin dans cet océan de testostérone.

Disons-le : si l'on a du mal à lâcher la manette tout au long du mode solo, c'est pour l'essentiel parce que cette jouabilité est un modèle du genre. Un ami qui s'emploie actuellement à boucler le solo me confiait d'ailleurs voici quelques heures aimer tout particulièrement s'arrêter au beau milieu de la nature, juste pour jouer au prédateur, rôle duquel il semble tirer une jouissance considérable. Sans même se préoccuper de l'intrigue principale, dont il a depuis longtemps décroché. Mais sur ce dernier point nous reviendrons un peu plus loin.

Des qualités techniques remarquables

Ce plaisir d'évoluer dans les environnements proposés par Tomb Raider est bien évidemment lié, en grande partie aussi, à la qualité technique de cette production haut de gamme. La 3D léchée, sans ralentissements, est mise au service d'un level design certes un peu simple par moments (beaucoup de couloirs, tout de même), mais dont l'esthétique générale est digne d'éloges. Un artifice scénaristique permet de surcroît de faire varier considérablement les ambiances, tout en restant sur une seule et même île : la météo fluctuante permettra de vaquer d'un milieu tropical jusqu'à des cîmes enneigées, en passant par des zones venteuses et des terres battues par la pluie et les intempéries. Ajoutez-y les tombeaux -optionnels ou non- à visiter, les cavernes et les palais oubliés, et vous aurez une petite idée de la richesse visuelle ici proposée. Un seul petit regret : le tout manque parfois un peu de couleurs, à l'inverse d'une expérience Uncharted. Mais c'est un choix délibéré, la tonalité de ce Tomb Raider se voulant "dark" à souhait.

Dans les autres compartiments de la réalisation, on apprécie aussi le soin apporté à la bande originale -discrète mais efficace- ainsi qu'au doublage, même en français. A une exception près, notable : n'en déplaise à la par ailleurs très amusante Alice David (la fille de "Bref"), son interprétation de Lara Croft est loin d'être convaincante, ce qui aura le don d'agacer sérieusement le joueur qui a droit à pas mal d'apartés de son personnage tout au long de l'épopée. C'est ça, quand on souffre de la solitude...

Du reste, Pedrof l'a dit et je le répète : oui, les armes de Lara apparaissent et disparaissent comme par magie, puisqu'elle ne porte pas de sac. Un parti-pris qui ne m'a pas forcément gêné, mais qui donne lieu à quelques cinématiques cocasses -l'arme qui sort de nulle part- voire (et c'est plus gênant) à quelques facilités scénaristiques : à un moment du jeu, Lara parvient à échapper à ses geôliers, traverse un cloaque et finit par se retrouver face à des ennemis... pour soudain sortir son arsenal de nulle part. A moins que ce ne soit pour cette raison -cacher les mitrailleuses- que la belle porte désormais un pantalon long. Allez savoir...

Histoire, vous avez dit histoire ?

Ces incohérences, c'est précisément ce qui nous amène à la partie plus critique de cette chronique. Je ne suis pourtant pas de ces joueurs qui réclament à cor et à cris un réalisme absolu dans leur expérience de jeu. Mais tout de même : le pitch du titre semble avoir été écrit par un gamin de huit ans. Je vous la fais courte : à la recherche du tombeau d'une reine mythique japonaise, Lara et son équipe voguent vers une île sur laquelle le bateau va finalement s'échouer. Une île évidemment occupée par des vilains pas beaux et qui cache un terrible mystère -mon dieu, mais qui donc est-ce qui est responsable de ces terribles tempêtes qui nous empêchent de partir?- dont on saisit le secret au bout de trente minutes chrono. Il faudra 10 heures à la jeune archéologue pour en arriver à la même conclusion que vous. Elle était pas bien éveillée quand elle était jeune, Lara, hein...

Le reste est à l'avenant, et c'est franchement agaçant. Le titre se construit par exemple sur une succession d'allers-retours dénués de toute logique. Lara fait route pour retrouver un membre de l'équipage, puis repart pour en trouver un autre dès que sa mission est accomplie, avant de s'en aller porter secours à tel pilote d'hélicoptère en laissant toute sa petite troupe derrière elle... nécessitant bien évidemment de s'en aller à nouveau à leur recherche. Non, je n'exagère pas.

Le scénario omet également consciencieusement, 90% du temps, le fait que Lara est blessée à la hanche. Mais qu'à cela ne tienne, une ou deux cinématiques de temps à autre suffisent pour rappeler que oui, la pauvre fifille souffre terriblement. Puis hop, elle escalade un flanc de montagne avant de grimper une corde sur une bonne centaine de mètres. Je veux pas dire, mais les Navy Seals, à côté de Lara, ce sont des chochottes.

Des aberrations de ce type, on en croise à la pelle. La perte d'un proche oubliée en 20 secondes chrono, les tombeaux facltatifs que la belle peut visiter quand bien même ses proches courent, précisément à cet instant-là, un grave danger. Surtout, il faut évoquer un problème de fond, beaucoup plus grave puisqu'il nuit à l'implication du joueur dans l'aventure : l'aspect survie du titre, pourtant revendiqué fortement, est inexistant. L'urgence, la peur, la tension... Aucune de ces émotions n'a cours dans Tomb Raider. Lara, increvable, ultra-résistante, ne parvient pas un instant à conquérir le coeur du gamer. C'est sans doute aussi dû - je le dis au deuxième degré, hein - à sa tenue plus prude que jamais. Où sont passés les mini-shorts et les débardeurs trop serrés ?

Plus sérieusement, la féminité de Lara Croft est constamment niée, alors même que l'on promettait de la découvrir à travers le prisme d'une plus grande vulnérabilité. Au passage, parlons de cette fameuse séquence qui a fait polémique : la tentative de viol. Une main dans les cheveux, qui tombe sur la hanche lorsque Lara broie consciencieusement les parties de son agresseur d'un coup de genou bien placé. Mode "Terminator", une fois encore, et résultat de la scène aux antipodes de ce pour quoi elle était conçue au départ. Soit, la question de la représentation d'une telle scène pouvait se poser. Mais narrativement parlant, n'aurait-il pas été pertinent de caractériser l'héroïne, de l'humaniser, au travers de scènes faisant appel à davantage de maturité pour un média qui en manque encore cruellement ? C'est une Lara pour laquelle j'aurais pu vibrer.

 

Un vaste paradoxe

C'est en tout cas toute l'ambiguité de ce jeu qui ménage autant de plaisir que de frustration pour celui qui entend s'y adonner. Difficile à lâcher tant il est techniquement abouti et ludiquement bien amené, ce Tomb Raider est aussi bête à manger du foin dès qu'il s'agit de raconter une histoire. Reste un élément qui mettra tout le monde d'accord : au terme de deux ou trois heures de multijoueurs, je peux déjà vous dire que les parties de Tomb Raider en ligne risquent fort d'être endiablées. Sur ce plan au moins, sur ce plan, c'est incontestable : vous tenez un must have pour égayer vos soirées...