Yop tous,

Depuis quelques jours, l'atmosphère est un peu tendue à la maison. Ma première acquisition arcade, la SEGA Aero City, avait réussi à être admise par ma chère et tendre sans trop de difficultés. Le fait de la cacher dans un coin, de ne pas trop m'y attarder ont sans doute bien aidé. Le problème, c'est que l'arcade est un virus qui vous dévore petit à petit. Plus vous avancez dans votre passion, plus vous cherchez à jouer dans des conditions optimales, et à profiter de votre trésor du mieux possible. Et sans vous en rendre compte, vous commencez à vous dire qu'il y aurait quand même mieux, pour jouer, qu'une Aero City. Plus grand, plus bruyant aussi. Vous ne le savez pas encore, mais vous êtes en train de mettre en place tous les ingrédients nécessaires pour faire naître votre Vietnam à vous. Guerre de positions en prime.

 

Allez, j'appuie sur la touche rewind de mon magnétoscope. J'ai parlé, ici même, de mon entrée dans l'univers arcade, en 2012 (https://www.gameblog.fr/blogs/noiraude/p_75454_reviens-cherie-j-ai-une-borne-a-la-maison) et de mon choix qui s'est porté, à l'époque, sur la très vintage SEGA Aero City. Mais le problème, à la longue, avec l'Aero City, c'est sa largeur. Je m'explique. En solo, le bonheur est presque complet. En revanche, 66 centimètres pour accueillir un panel en 2X6 boutons (la borne est initialement conçue pour le jeu en solo), c'est juste, très juste. La corollaire ? La moindre partie de Street Fighter II se termine en pugilat aussi bien à l'écran que dans votre salon : il faut jouer des coudes pour défendre son espace vital face à un adversaire emporté par l'élan de la bataille. Alors vous vous dites que, décidément, la pub a bien raison : le vrai luxe, c'est l'espace. Avant de sauter à la gorge de votre meilleur pote qui vient de vous faire perdre le match d'un mouvement de bras mal (bien?) placé. Et lui, tout sourire, qui ose vous dire qu'il n'a pas fait exprès...

 

I. La partie technique

Vous vous mettez donc en quête d'un nouveau Graal à accueillir à la maison. Vos évaluez les options qui vous sont offertes. Une borne haute définition, type Viewlix ou New Delta ? Pourquoi pas, elles sont en général assez larges et ont l'avantage de proposer des écrans LCD qui rendent - c'est un plus non négligeable - l'équipement plus léger. L'inconvénient tient à leur nature : on n'a toujours pas trouvé mieux qu'un bon écran à tube cathodique pour afficher les vieux titres en basse définition. Les bornes HD s'achètent donc, en général, en plus d'une borne dite "classique", et sont principalement dédiées aux titres récents, parmi lesquels l'excellent DBZ Zenkai Battle royale (système Namco 256), qui me fait furieusement de l'oeil. Je garde l'idée dans un coin de ma tête, ce sera peut-être pour plus tard.

 

Retour, donc, aux bons vieux combos tube/platine, si possible Toshiba ou Nanao. Dans le milieu de l'arcade, on ne jure guère que par ces marques, quand on parle d'affichage. Et pour obtenir ce genre de combos, l'idéal est encore de privilégier des bornes japonaises SEGA, encore et toujours.

L'enjeu, outre le confort de jeu, peut aussi être de chercher un écran dernière génération, comprendre multifréquences. Là aussi, la chose mérite quelques éclaircissements. La plupart des titres arcade fonctionnent en standard JAMMA, et ceci sur une fréquence d'écran de 15Khz. Mais les jeux les plus récents, visuellement plus fins, font parfois appel à un autre standard, une sorte de HD avant l'heure : le 31Khz. C'est le cas par exemple des jeux ATOMISWAVE, un standard arcade développé et soutenu par Sony à partir de 2003. Si le standard supporte le 15khz, il trouve sa pleine expression visuelle en 31Khz, ce qui permet alors de profiter au maximum de petites perles de l'arcade comme Hokuto No Ken, Dolphin Blue, Samurai Spirits VI, King of Fighters XI, Neo Geo Battle Coliseum...

Il y a un dernier détail auquel vous devez accorder une attention toute particulière: le son. Le deuxième point faible de l'Aero City tient à sa sortie mono. La qualité est certes au rendez-vous, mais le gap entre un système mono et un système stéréo, a fortiori en arcade, est assez important. Le paramètre est donc à prendre impérativement en compte lors d'un achat hardware: c'est ce qui vous amène à chercher du côté des machines plus récentes, type New Delta. Voire vers la Blast City, machine relativement rare dans l'hexagone mais répondant à tous les critères que vous vous êtes fixés. Tiens, ça tombe bien d'ailleurs : au moment où je me dis que la machine pourrait faire mon bonheur, un passionné vend la sienne, totalement restaurée, sur un forum spé. Mon sang ne fait qu'un tour, l'achat est validé.

 

II. L'adoption

La Blast City est une machine comme je les aime. Sortie en 1996 dans les salles de jeu nippones, la belle affiche des dimensions conséquentes, tant verticalement qu'horizontalement. Avec une hauteur d'un 1,65m et, surtout, une largeur de 76 centimètres (10cm de plus que l'Aero, ce qui est énorme à l'usage), elle en impose. Dotée d'une platine Nanao et d'un écran Toshiba, elle a également l'avantage de proposer une image de très belle qualité.

Deux variantes de Blast City ont été produites. La première gère le changement de fréquence manuellement, c'est-à-dire qu'il appartient au joueur de prédéfinir la bonne sortie vidéo (15 ou 31), sous peine de brûler son écran. La seconde le fait automatiquement. Pour ma part, j'ai préféré investir quelques centaines d'euros supplémentaires pour une Blast City OSD, à switch de fréquence automatique. Une garantie de sécurité qui devrait m'éviter de commettre une grosse boulette le jour où je voudrai jouer avec quelques potes en ayant un ou deux verres dans le nez. Ne rigolez pas, c'est le genre de choses qui arrive plus souvent qu'on ne le croit.

La livraison est un moment épique. Le transporteur, faut-il savoir, gère une borne d'arcade comme il le ferait d'un stylo à bille. Vous vous retrouvez donc, un petit matin au beau milieu de la semaine, à répondre à un coup de téléphone vous expliquant que "Bonjour Monsieur, j'arrive dans 10 minutes avec votre borne". Evidemment, vous habitez au premier étage d'un immeuble sans ascenseur, le livreur entend abandonner le colis sur le pas de votre porte d'entrée, au rez-de-chaussée, et votre rue, passante, est un véritable triangle des Bermudes pour tout ce qui a de la valeur, dès que vous avez le dos tourné. Passage obligatoire par la case négociation : vous parvenez in extremis à reporter la livraison au lendemain, vous rameutez 4 copains pour accueillir la demoiselle - c'est un poème, en passant, de trouver du monde pour porter 93kg d'électronique en début d'après-midi, à un moment où ils sont censés être en train de bosser pour gagner leur pitance (et vous aussi) - et vous suez 20mn durant dans la cage d'escalier, avant de vous rendre compte, coup de bol monstrueux, que la fameuse largeur de la machine - celle-là même qui vous a fait l'adopter - passe tout juste (à 1cm près) dans l'encoignure de votre porte.

En revanche, les doigts, non.

Bref.

Toujours est-il que vous installez finalement la belle dans votre bureau, heureux, en soufflant sur vos doigts endoloris. Vous branchez, vous allumez et vous lancez les premières parties sur la mobo Atomiswave qui fait partie du lot arcade que vous avez négocié contre votre ancienne borne, laquelle a quitté votre chez vous quelques jours plus tôt. Constat positif : les copains sont enchantés, vous aussi (même si vous avez perdu, n'ayant pas retrouvé toutes vos sensations dans les mains), et vous vous dites que le pire est derrière vous. Lourde erreur, début de la guerre des tranchées.

 

III. Les conséquences inattendues

"C'est moche". Ca commence comme ça, par une petite remarque que vous aviez également entendue à l'arrivée de l'Aero City dans votre foyer. Bon, évidemment, une borne, ce n'est pas un canon de beauté. Mais quand même. Confiant, vous vous dites que ça va passer, que de rejet il n'y aura point, l'habitude faisant son oeuvre. Et puis le lendemain, le surlendemain, les jours qui suivent, toujours cette petite remarque qui revient, lancinante. "C'est moche". Vous commencez à comprendre qu'il y a un petit problème.

Forcément, vous tentez de discuter. Après tout, cette borne ne vient que remplacer la précédente, et l'accord a été négocié en amont. Bon, vous avez peut-être omis de préciser que la taille et la largeur étaient légèrement supérieures à la machine initiale, et vous avez  perfidement dissimulé la montée en puissance potentielle du son, escomptant cacher les watts sous un réglage fin du volume à "minimum". Mais rester sur "minimum", c'est un peu comme rouler à 50km/h sur l'autoroute. Alors vous vous êtes autorisé quelques pointes, histoire d'essayer. Vous n'aviez pas mesuré, sans doute, l'agacement que ces petits extras allaient susciter.

Le truc, aussi, avec une nouvelle borne - et encore plus avec un Blast City -, c'est que l'investissement est  chronophage au départ. Les réglages vidéo de la Blast font partie des plus délicats que j'ai eu à paramétrer. La télécommande de l'écran, qui se cache derrière le plastique de protection encadrant le tube cathodique - merci Doufteu et Naku (Neo-Arcadia) pour l'info, sans eux, je chercherais encore - possède une fonction "réglages avancés", qui permet de gérer aussi bien la symétrie de l'image que les teintes, une par une en rouge-vert-bleu, à moduler en fonction de la luminosité, du contraste et de deux fonctions "gain", rouge et bleu, qui sont propres aux moniteurs arcade à ce que je sache. En prime, deux fonctions supplémentaires sont accessibles depuis l'arrière de la borne, via des vis disposées directement sur la platine (attention, la platine est en très haute tension !): la première permet de régler la netteté, la seconde la "patate" -la luminosité- envoyée nativement vers l'écran. Régler tous ces paramètres seul est un vrai parcours du combattant : et sans vous en être rendu compte, vous y avez passé une bonne partie de vos soirées pendant pas loin de deux semaines. Votre moitié, elle, s'en est aperçu. Et au "c'est moche" est venu se greffer une petite pointe de divin courroux, justifiée. Puis un gros ras-le-bol, et une guerre ouverte pour expulser la vénérable indésirable du home sweet home où je m'étais donné tant de mal à lui installer un petit nid douillet.

La solution, ce sont les concessions. Alors vous négociez, d'abord pour sauver la présence de la machine dans votre bureau - la borne devra vivre "cachée" - puis vous vous dépêchez de boucler vos réglages pour retrouver une vie sociale normale après 18h. Heureusement, les contre-mesures furent efficaces. Retour progressif à la normale, ainsi, surtout depuis que nous avons appris que nous allions devoir faire nos valises pour déménager - vente d'immeuble oblige. Ca tombe bien, nous gagnons en espace, la Blast aura droit à une pièce fermée et moi, à un nouvel espace que je compte bien mettre à profit dès que je l'aurai dûment négocié. Prochain objectif : la fameuse borne HD ?

D'ici là, je continue petite à petit à me doter de titres "cultes" du standard jamma, en attendant l'arrivée de la Lapbox (système d'émulation arcade pixel perfect, 2500 jeux en stock) que j'ai également négociée dans le cadre de la revente de mon Aero City. Dernière perle en date arrivée dans le foyer : une PCB du shoot'em up Cave Deathsmiles (2007), l'un des plus impressionnants jamais créés. Et qui aura eu le mérite de me confirmer que l'heure est à la "détente", désormais : c'est à deux que nous tentons d'en venir à bout depuis maintenant quelques jours. J'hésite à poser la question : "Dis chérie, ça t'embêterait vraiment que je mette la Blast dans notre nouveau salon?"