Les arguments paraissent rodés, le discours blindé de figures tièdes ou recuites sûrement destiné à se faire pardonner de la défiance des milieux financiers qui ont cisaillé l'action Ubi Soft ces deux dernières années. Il faut aussi soigner ses relations d'affaires avec le leader sortant. Bien plus par raison froide que par un réel élan d'amitié.
 
 C'est à cette tâche ingrate que Tony Key, vice-président des ventes et du marketing d'Ubi Soft, s'est plié. Il ne tarit pas d'éloges à l'égard de la Wii U sans négliger l'aspect business : << nous avons de grands projets pour cette console. Notre intention est de devenir le numéro un des éditeurs tiers, tout comme nous l'avons été sur Kinect ainsi que sur 3DS. >> Key se vante d'entretenir une relation étroite avec Nintendo, Ubi Soft aurait ainsi bénéficié d'un soutien actif du constructeur pour le développement de ses jeux. Des faveurs spéciales qui prennent la forme d'une mise à disposition d'outils de programmation autrement réservés aux studios internes du géant japonais.
 
 Il en veut pour preuve la demande express formulée par Nintendo dans le but de réaliser Red Steel : << lorsque les premiers kits de développement sont arrivés dans nos locaux, nos équipes se sont montrées intriguées [...] les idées ont été tranchantes >> se remémore-t-il non sans humour. Bien que cultiver cette proximité apporte de nombreux avantages, elle n'interdit pas la prospective. L'anticipation est la règle, la feuille de route des constructeurs n'est pas assez lisible tant l'incertitude est grande sur la configuration des prochaines consoles.
 
Lorsque les prévisions font mouche : << vous pouvez vous considérer comme chanceux car entre le moment où vous réceptionnez les premiers kits et votre décision de vous lancer, vous remarquerez que vous n'aurez jamais assez de temps pour accompagner le lancement d'une console [...] vous avez le devoir d'être assez avancé dans la planification de vos idées avant que la console ne se présente à vous >> assure le vice-président.
 
 C'est précisément ce qui s'est déroulé avec la Wii. L'expérience Red Steel supervisée en amont par Nintendo encouragera l'éditeur à adapter son catalogue de jeux sur la console vedette du numéro un mondial. Ubi Soft a été aux avant-postes dans les premiers mois qui ont suivi le lancement du format de Nintendo avant de voir sa part de marché fondre comme neige au soleil faute d'investissement spécifique à la console. Le numéro trois mondial de l'édition surnage actuellement avec Just Dance et ses déclinaisons.
 
 En 2004, lors de sa démission du poste de directeur général d'Electronic Arts, John Riccitiello avait publiquement dénoncé l'attitude hypocrite des constructeurs soucieux de soigner dans un premier temps leur relation avec les éditeurs avant de manifester une certaine hauteur à leur égard. Nous sommes à peu de chose près dans cette posture déclarative que la réalité saignante du monde des affaires se chargera de tailler en pièce une fois que la Wii U aura atteint sa vitesse de croisière.