Vaporware. L’expression est anglo-saxonne, elle désigne en gros un pataquès, un bluff, de la poudre aux yeux. La liste des qualificatifs est encore longue, aussi longue que les candidats à ce triste concours de rendez-vous manqués. C’est surtout vrai dans le monde du jeu vidéo où les projets mort-nés et autres accidents industriels pourrissent dans un cimetière honteux, caché de tous. L’un des plus représentatifs “vaporware” est certainement incarné par le prototype NEMO en faveur duquel étaient engagées les plus grandes signatures de l’industrie américaine du jeu vidéo. David Crane (Pitfall), Rob Fulop (Night Driver, Missile Command), Steve Russell (Spacewar) ont été enrôlés sous pavillon Hasbro, le plus important fabricant de jouets au monde.
 
Tom Zito est alors vice-président du pôle marketing d’Axlon, une filiale du tentaculaire Atari. Sa débordante passion pour le cinéma et le jeu vidéo l’amène à réfléchir sur un concept inédit en 1985 : réaliser une console de salon capable de faire la synthèse des deux loisirs. L’incontournable Nolan Bushnell lui donne carte blanche. Une enveloppe financière est débloquée, plusieurs modèles sont testés sans résultats probants. Il apparaît rapidement aux yeux des ingénieurs que l’investissement est sous-dimensionné par rapport aux besoins escomptés (7 millions de dollars). Axlon leur refuse cette rallonge financière, ces derniers recherchent désespérément le cavalier blanc capable de couvrir les frais astronomiques en R&D. Après d’âpres négociations sur le partage des royalities dégagé par la vente des logiciels de jeux, Hasbro signe le chèque tant réclamé.
 
 
Les ingénieurs impliqués dans ce projet nourrissaient une fascination mêlée d’animosité à l’endroit de Nintendo. Sa réussite insolente sur le sol nord-américain avait relégué les acteurs historiques de ce lucratif marché au rang de simples spectateurs. Le constructeur japonais constituait donc une cible de choix, catalyseur de leur motivation. Afin de ne pas perdre de vue l’objectif absolu (renverser Nintendo), les techniciens décident de l’inscrire dans le marbre. Le nom de code de cette console de salon appelée NEMO devient un redoutable acronyme. En plus des considérations cinématographiques évidentes, chaque lettre signifiait Nintendo Ends Mid-October. La fin de règne du fabricant était ainsi surlignée dans le calendrier de l’année 1989. Son prix planché fixé à 100$ lui octroyait un atout considérable face à la cherté de la NES.
 
Toutefois rien ne se passa comme prévu. Hasbro prit la décision de suspendre le développement de la plate-forme, pourtant arrivée au terme de sa finalisation. La console au nom officiel de Control-Vision est sabordée sur l’autel d’une pénurie brutale de mémoire vidéo. Prise dans cet effet de ciseaux (hausse du prix de la machine/rude perte sur chaque vente), le numéro un mondial du jouet a préféré se couper un doigt plutôt que le bras entier. Les détaillants avaient d’ailleurs alerté Hasbro. À 150$, la Control-Vision perdait son avantage compétitif face à l’ogre Nintendo.
 
 
Il aura fallu attendre le début des années 90 avec le lancement du Mega-CD pour jouer aux titres “cinématographiques” de la Control-Vision (support VHS). Le plus controversé d’entre eux, Night Trap concentrera les critiques du congrès. Ils dénonçaient son contenu subversif adressé aux jeunes enfants.