Dans un rare exercice de transparence et de proximité avec les joueurs et surtout les analystes, les confidences de Tokashi Sogabe nous révèlent une manière de travailler que le spécialiste de l'électronique grand public avait perdu de vue lors du triomphalisme destructeur de l'ère PlayStation 2 qui s'est caractérisé par un pouvoir de décision confisqué par la toute puissante filiale Sony Computer enmenée par l'affable Ken Kutaragi. Depuis, cette filiale existe toujours cependant son influence est contrebalancée par la constitution de Worldwide Studios, entité défendant les intérêts des développeurs.

Lors d'un entretien aussi lumineux que l'écran à diode de la PSP Vita, l'un des plus brillants designers de Sony Corporate Design, Tokashi Sogabe, revient sur les difficultés de réalisation du design de la console de poche du géant japonais. Cette dernière a été le prétexte à d'intenses passe d'armes entre ingénieurs et concepteurs produits. L'ergonomie très discutée de la première PSP a laissé des traces. L'adjonction de deux sticks analogiques est la résultante d'un bras de fer entre les équipes de Sony. Les designers voulaient privilégier une surface lissée de la coque de la console que deux larges champignons auraient défiguré. La proposition de pavés tactiles a toutefois été rejetée en bloc par la puissante Worldwide Studios car << incliner un joystick est une sensation dont le joueur a besoin pour se sentir maître de ses moyens. >> Identique empoignade à propos de leur disposition avec pour finalité : << c'est une nouvelle fois WS qui a eu gain de cause. >> La stratégie du couteau suisse (produit tout en un) a également pesé sur le design du format Vita. Toutes les technologies nécessaires à l'intégration de la console dans l'environnement numérique global de l'utilisateur a contraint les designers d'abandonner leur rêve de proposer un produit aussi lisse qu'un galet et plus surprenant : << j'aurais voulu que la PS Vita soit entièrement en métal, mais c'était sans compter le Wi-Fi, la 3G et l'antenne GPRS intégrés. >>

Les conflits d'intérêt sont permanents admet Tokashi. Rien n'est laissé au hasard, tout est disputé. En filigrane, le pouvoir d'influence que chaque pôle de créativité se querelle au sein de Sony Corporation. Le curseur de l'équilibre des pouvoirs est constamment en mouvement. Depuis la réorganisation de Sony Corporation qui a vu en 2005 l'intronisation de Howard Stinger et la mise à l'écart de Ken Kutaragi en 2007, les relations ne sont plus aussi conflictuelles et asymétriques : <<  lors du développement du Walkman, j'étais arrivé un jour au bureau avec un morceau de bois : je voulais que l'appareil fasse cette taille et ait cette forme précise et c'était aux ingénieurs de se plier à mes exigences. C'était une autre époque : Sony s'est beaucoup développée depuis. Évidemment, cette question dépend aussi de la personnalité de chacun : certains designers bornés refusent de faire la moindre concession, tandis que d'autres s'avèrent plus compréhensifs. >>