Laissez-moi mettre en lecture une musique un peu mélancolique histoire de me mettre dans l'ambiance. C'est bon, je suis prêt à vous parler de Dear Esther. J'essaierai ici de donner une petite critique du jeu sans trop le spoiler. Je ne raconterai que les premières 10 minutes de jeu.

  Introduction :

 Dear Esther est un jeu indépendant uniquement disponible sur Steam en téléchargement, je l'ai un peu acheté sur un coup de tête, après en avoir vaguement entendu parler sur Gameblog, en particulier dans le dernier podcast bilan de mois. Alors je suis allé voir, par curiosité, le site du jeu pendant que j'écoutais le podcast, dimanche dernier. Puis voyant la promesse d'un jeu poétique, quelques screens que j'ai trouvés magnifiques, quelques avis positifs que j'ai lu par-ci par-là indiquant comme seul défaut la durée de vie de 1h30 pour un prix de 8 euros, j'ai craqué. Je ne sais pas quelle folie m'a prise, j'ai un PC portable à la capacité ridicule, incapable de faire fonctionner les jeux sortis au-delà de l'année 2007, pourtant je ne sais pas, j'ai senti que ça passerait.

 

Alors voilà, j'ai lancé le téléchargement, 1,5Go à faire venir dans mon PC, j'en avais pour 3heures, idéal, j'avais des choses à faire en début d'après-midi, je laisserais télécharger mon PC pendant ce temps. En rentrant, le jeu était prêt, installé. Je le lance, l'écran de démarrage apparaît très fluidement, mon PC commence à ventiler un peu, mais le tout fonctionne. Après quelques réglages pour optimiser la qualité graphique et après avoir branché la prise du son sur ma chaîne Hi-Fi, je lance la partie, le début du poème peut commencer.

 

 

Dear Esther est-il vraiment un jeu ?

 

Cette question vient assez vite à l'esprit. On a l'habitude de reprocher aux jeux une surabondance de cinématiques avec ou sans QTE, de devenir un peu des films interactifs. Eh bien ici pas de cinématique aucune ! Que du jeu pur et dur ! En fait la question se pose plutôt vis-à-vis des actions que l'on peut effectuer : marcher et nager, le tout à la première personne sans jamais voir ce à quoi l'on ressemble.  C'est l'une des premières fois je crois où je me sens autant désarmé face à un jeu. La première scène démarre face à la mer, sur un embarcadère vide, comme si on venait de débarquer. Le joueur se retrouve dans la peau d'un mystérieux homme dont il ne sait rien. Puis vient alors la première lecture de lettre, dès le premier mouvement, une voix masculine à l'accent britannique nous fait la lecture. Le premier réflexe est de se dire que c'est notre personnage qui est en train de lire la lettre, mais nous sommes vite amenés à constater que la lettre ne correspond pas à l'instant présent et que le personnage ne peut pas être en train de lire. Le doute va planer jusqu'à la dernière partie du jeu quant à l'identité du personnage joué et du lecteur de lettres.

 

 

 

Comment fait donc Dear Esther pour intéresser son joueur ?

 Alors nous voilà, fraîchement débarqué (ou pas) sur une île déserte, avec en bruit de fond la mer, le vent, les mouettes, mais aucun bruit de civilisation. Nous foulons la terre des îles Hebrides au large de l'Ecosse, le paysage est sombre, les nuages pullulent dans le ciel. L'île est constituée de falaises et de collines. La végétation est présente mais très basse et typique des régions venteuses. Droit devant nous, une maison délabrée par on sait trop quoi. Ne sachant pas quoi faire nous y entrons, une lampe torche s'allume alors automatiquement pour éclairer. Cette absence de repères et de musique effraie le joueur, va-t-on rencontrer quelque chose dans cette maison ? Un montre ? Des zombies ? Comme il est amusant alors de constater que l'imaginaire d'un joueur rodé est prévisible ! Car non, il n'y a personne dans cette maison, et pourtant les producteurs se sont amusés à nous le faire croire. C'est donc un peu vexé que nous ressortons de la maison, ils nous ont eus un peu trop facilement... En plus nous ne savons toujours pas ce que nous devons faire. Alors nous reprenons l'exploration en se demandant bien où tout cela va nous mener. Plusieurs chemins se posent à nous, nous escaladons la falaise toujours accompagnés de ce lecteur qui nous donne, en tout cas on le croit, des informations au compte-goutte sur ce que nous sommes en train de vivre avec le personnage.

Désopilant n'est-ce pas ? De l'exploration brute de décoffrage ! Alors on se raccroche à ce qu'on nous donne. En fond de ce décors maltraité par les conditions climatiques mais qui n'en reste pas moins magnifique, on peut voir une antenne avec une lumière rouge clignotante afin d'empêcher que les avions ne s'écrasent, on se dit qu'on devrait la suivre, qu'elle mène surement vers un hameau ou un début de civilisation où l'on pourra faire quelque chose de concret. Puis les informations des lettres deviennent intéressantes, on apprend qu'Esther est morte, qu'elle était l'épouse du lecteur de lettres, je n'en dirai pas plus pour ne pas vous couper l'envie, comme moi je l'ai eue, d'en savoir plus. Puis on voit des symboles étranges sur les murs de crevasses creusées par la mer, d'une couleur bleue phosphorescente étrange. En un mot, le mystère s'installe, l'envie d'en savoir plus se cumule avec elle, l'envie de progresser elle aussi pour découvrir le mystère de notre présence sur l'île ainsi que la suite de l'histoire du lecteur de lettres qui se dévoile régulièrement au fur et à mesure qu'on avance.

 Je vais me retenir de vous en dire plus pour ne pas spoiler quoique ce soit, à vous de découvrir la suite de l'aventure.

 

 

Dear Esther, un jeu arty ?

 Quand on dit jeu arty, je pense immédiatement aux jeux de Jenova Chen. Flower est pour moi et pour beaucoup je pense la référence du jeu arty. Alors pour répondre à cette question, bien sûr nous sommes ici dans un jeu arty. Mais ici on est très loin de Jenova Chen, on sent l'influence occidentale du jeu vidéo, beaucoup plus mature que Flower, plus sombre, plus écrite. Bien sûr, la beauté de Dear Esther réside dans sa dimension contemplative. Tout est magnifique : les collines dévastées du début sous un ciel gris et surtout les cavernes dans lesquelles on plonge avec des lumières phosphorescentes magnifiques qui se reflètent dans des torrents ou des lacs au milieu des stalactites/mites. Si vous avez un pc qui a une carte graphique de qualité, vous avez encore plus de raison de foncer que les autres comme moi pour qui c'est déjà incroyablement beau avec les réglages proches du minimum.

 Puis il y a la beauté des musiques, car non le jeu n'est pas muet, une musique qui se déploie sur plusieurs thèmes à plusieurs moments toujours bien choisis viennent ponctuer l'exploration, renforcer la contemplation et nous donner des frissons dans le dos alors que l'on continue à progresser.

 Enfin, pour ceux qui maîtrisent bien l'anglais, la beauté des textes lus par le narrateur (qui sont sous-titrés lors des lectures, je vous rassure) est plus qu'évidente. N'étant pas complètement bilingue, cette dimension m'a moins touché, je comprenais le sens, je détectais les belles tournures mais elles ne me faisaient pas grand-chose.

 En tout cas combinaison des trois est tout bonnement brillante, on y est, l'île est là, c'est nous qui la découvrons avec passion. Une franche réussite, vraiment !

 

Conclusion :

 On ne commence ni on ne finit Dear Esther : on fait Dear Esther en une fois, du début à la fin. Alors bien sûr, il y a un système de sauvegarde qui permet de revenir, mais l'expérience est faite pour être accomplie d'une traite, en 1h30, je dirais même en 1h20 pour être tout à fait honnête. Alors oui bien sûr c'est court, certains trouveront que c'est cher pour ce que c'est. Personnellement, je me suis dit que c'était comme si je me payais une place de cinéma et qu'en plus je pouvais revoir le film quand je voulais (et je compte bien recommencer Dear Esther d'autres fois).

 Pour moi Dear Esther est bel et bien une expérience nouvelle et très sincèrement réussie ; une expérience que je ne saurais trop conseiller à n'importe quel possesseur de pc (puisqu'il tourne bien sur le mien) qui n'est pas hermétique au jeu un peu arty et contemplatif. Plus simplement je le conseille pour voir ce que peuvent donner les occidentaux quand il s'agit de faire des jeux différents. Enfin je le conseille à tous ceux qui sont amoureux de jeux à sentiments, car on ne ressort pas indemnes de Dear Esther, et on a irrémédiablement envie d'y revenir.

 

Merci pour votre lecture, je vous donne rendez-vous bientôt pour une autre critique.