Le genre du party-game n'est pas né au moment de l'éclosion de la Wii. Ce mélange de mini-jeux, où la convivialité rime avec la simplicité, prend naissance quelques années plus tôt sur d'autres consoles. Sans vouloir porter en avant le premier titre du genre, Incredible Crisis présente un double intérêt. Il offre un cadre intéressant au party-game et surtout un scénario. Ce dernier permet au joueur d'avoir une vision de ce que peut donner une œuvre ambitieuse, d'un point de vue créatif, pour un tel genre.

 

 

 

Une journée harassante

Reprenant le principe de la « journée de merde », Incredible Crisis pousse le bouchon aussi loin que possible. L'excès des situations côtoie rapidement un absurde typiquement nippon. Tout commence avec une situation ordinaire. Le joueur découvre une famille japonaise traditionnelle où différentes générations cohabitent sous le même toit : le père (salary-man), la mère, la grand-mère et les enfants. Chacun vaque à ses occupations.

Seulement, ce calme apparent va être brisé lors d'une journée a priori ordinaire. La grand-mère demande à chaque membre de la famille de ne pas rentrer trop tard le soir car il s'agit de son anniversaire. Malheureusement, comme un problème n'arrive jamais seul, c'est un véritable chapelet d'ennuis que va devoir porter chaque personnage. Les quelques heures séparant le matin du soir constitueront un véritable calvaire.


Le père, par exemple, sera poursuivi par une boule géante des heures durant. Après le classique exercice musculaire en équipe et au bureau, la boule d'une immense statue se décrochera et vous obligera à fuir votre étage. Le pauvre salary-man, lui qui jouit d'un quotidien pourtant si calme d'ordinaire, devra courir comme un dératé dans les couloirs, prendre un ascenseur capricieux mais également masser le dos d'une jeune demoiselle.

Incredible Crisis part dans tous les sens et n'a pour objectif que de pousser l'absurde le plus loin possible. Il n'y a pas de cohérence à chercher dans ce schéma de l'empilement. Chaque saynète développe un thème et semble nourrie aux mangas les plus délirants. On a presque l'impression que la poisse qui va toucher chaque personnage est une manière de tourner en dérision la notion de destin.

D'une certaine façon, en jouant sur tous les excès, Incredible Crisis permet de relativiser le principe même de la « journée de merde ». Après tout, les petits déboires du quotidien ne sont que des petits déboires et ne méritent pas forcément l'emportement que l'on peut avoir. Prendre un peu de recul et rigoler de nos tracas journaliers, c'est presque une thérapie par la déformation du réel que propose Incredible Crisis.


Mini-jeux originaux

La Wii a offert des années durant de nombreux titres s'inscrivant dans le genre du party-game. Grâce au contrôleur de la console, il a été possible d'expérimenter de nouveaux gameplays. Pourtant, même si Incredible Crisis date de la Playstation 1 et même si son support est une manette plus traditionnelle, certains mini-jeux sortent du lot. Tous les défis ne valent pas le détour mais certains parviennent à enthousiasmer le joueur. Une manière de constater que la créativité n'est pas qu'une question de contrôleur mais plus de situations et de modes d'interaction.

Prenons un exemple. Lorsque notre salary man se retrouve en dehors de son immeuble, sauvé pour un temps de la boule infernale qui le poursuit, il tombe dans les pommes. Réveillé, notre homme découvre qu'il est cloué sur un lit d'hôpital, enfermé dans une ambulance. Le mini-jeu que nous propose Incredible Crisis est un système de questions/réponses. Les médecins vous posent diverses questions, souvent mathématiques, afin de tester la réactivité de votre cerveau. En cas de deux mauvaises réponses consécutives, le binôme qui vous surveille vous lance un coup de jus. Les questions peuvent parfois proposer des énigmes complètement insensées.


La plupart des mini-jeux ont le mérite d'offrir un emballage nettement plus engageant que bien des productions Wii. Point de vacances au soleil, de jeux décalqués sur des sports existants, rien que du loufoque, un incroyable mix entre Tex Avery et Akira Toriyama (Dr Slump).

Autre petit exemple pour clore cette partie, notre salary man, après avoir montré aux médecins qu'il n'est point souffrant, se retrouve éjecté de l'ambulance. Un mini-jeu s'enchaîne au cours duquel, dans votre brancard, vous devrez éviter les voitures, les trous, les barrières qui croisent votre cavalcade. Un gameplay d'esquive classique mais à l'enrobage amusant.

Une histoire pour les cinéphiles

Incredible Crisis, même s'il s'agit d'un jeu japonais, regorge de références de films américains. Par exemple, un passage nommé Bear Wars met en scène un ours géant qu'il faut détruire. Le titre même est un détournement de la saga Star Wars, l'ours peut être vu comme l'incarnation grotesque de l'étoile noire.

Un autre passage vous met aux commandes d'un avion. Le titre de l'épisode est Fly like top gun, la référence à Top Gun est là aussi évidente. Et, contrairement au film, malgré tous vos efforts l'avion ne pourra que médiocrement voler. Point de Tom Cruise ici mais du manga clownesque où le bolide se cogne les ailes sur le moindre rebord.


Dès le début de l'aventure, les références pleuvent. Ainsi, la boule de la statue poursuivant le père de famille est une réutilisation détournée du fameux rocher d'Indiana Jones. Sauf que, à défaut d'un cadre luxuriant, c'est au travers d'un open space que notre personnage devra fuir.

Enfin, les clins d'œil aux productions américaines passent parfois par les scènes cinématiques. C'est le cas avec le jeu Mantis Park. La cinématique introduisant le jeu reprend certains plans du film Jurassic Park. L'eau tremble dans un verre en plastique, l'images est forte mais prend une tonalité grotesque et non plus sérieuse.

C'est là toute la force d'Incredible Crisis. Le but n'est pas que de compiler des références hollywoodiennes mais plutôt de les détourner. Chaque évocation est un détournement conduisant au grotesque mais également à une esthétique ou à un gameplay. Le clin d'œil n'est pas hors contexte, au contraire il s'inscrit pleinement dans une vaste entreprise absurde.


Mention


Commentaire : Même si Incredible Crisis pêche sur certains aspects (des mini-jeux moyennement intéressants, des soucis de précision voire de renouvellement), il incarne à lui seul ce que peut donner de mieux le genre du party-game. Un jeu scénarisé, drôle, jouant intelligemment du détournement. Ce petit jeu a le mérite de demeurer intéressant malgré quelques années d'existence. Ce ne sera pas le cas de certaines productions sur Wii, plus préoccupées à faire du chiffre rapidement qu'à créer une œuvre.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=205:chronique-incredible-crisis-ps1&catid=56:ps1&Itemid=28

Suivez-nous sur Twitter : https://twitter.com/#!/alfouxlf

Rejoignez-nous sur Facebook : https://www.facebook.com/pages/Levelfivefr-Chroniques-vid%C3%A9oludiques/121393444645752