Le premier Kane and Lynch n'avait pas su en son temps trouver son public. La faute à une accumulation de défauts sur à peu près tous les plans. Avec cette suite, I.O. Interactive, ne voulant pas abandonner aussi rapidement sa licence, proposait une nouvelle approche du tandem fou. Plus cohérente, plus ramassée mais plus percutante aussi. Sans atteindre des sommets, cette aventure dissimulait, derrière quelques défauts non gommés, des qualités indéniables.


 

L'esthétique de l'image

 

Des jeux qui osent travailler l'image, il y en a peu au final. J'exclus la tendance du filtre gris/vert qui semble s'être imposée sur les consoles HD pour n'évoquer que les vraies directions artistiques. Ce qui m'intéresse ici, c'est bien plutôt le gain, le cadrage, le contraste, la luminosité, la mise au point. Bref, tous ces détails qui font que votre image aura du cachet ou non, sera artistique, personnelle ou conventionnelle.

Silent Hill osa en son temps le filtre neigeux, un bruit accentué à l'écran, un côté sale voire vieillot. Certains gamers s'offusquèrent, « c'est moche », comme le rappelle fort justement Christophe Gans dans une interview pour un hors-série des Cahiers du cinéma. Méprise totale entre la technique et l'esthétique. Les bougons pensaient déceler dans ce traitement de l'image des limitations techniques alors qu'il s'agissait de choix mûris par les développeurs.


Kane and Lynch 2 prend plus ou moins la même voie. La comparaison avec Silent Hill s'arrête là. La seule chose qu'il faut retenir, c'est que l'image est extrêmement travaillée dans ce second opus. La mise au point est vacillante lorsque l'on court, ou durant des fusillades, le cadre tremble comme dans un film des frères Dardenne, l'écran « pixelise » comme si la caméra venait de se prendre un choc lorsque les tirs se rapprochent de vous, des striures et des teintes passées donnent l'impression de voir l'action à travers une caméra DV de seconde zone.

En clair, les aventures interlopes et cradingues de nos deux barjos sont soutenues par un traitement de l'image en cohérence totale avec cette narration et cette histoire chaotique. I.O Interactive en fait peut-être trop mais l'excès a du bon. Cette esthétique rentre-dedans fait mouche.

La fuite en avant

Question scénario, il faudra faire ceinture. Le périple tourne rapidement au chaos urbain, à la fuite en avant. Après une rencontre qui tourne mal, classique, nos deux exilés se retrouvent dans un engrenage presque sans fin qui les poussent à courir sans s'arrêter pour tenter de quitter ce pays devenu hostile.

Le coup de la fuite en avant est un vieux classique. D'un côté c'est efficace, nerveux à souhait ; d'un autre, cela entraîne une certaine monotonie, sans oublier la limitation inhérente à ce canevas du développement de l'intrigue, de la psychologie des personnages et j'en passe.


 

Certes, le jeu ne fait pas dans l'originalité. On retrouvera quelques lieux clichés comme l'atelier clandestin ou des poncifs du jeu d'action vus des centaines de fois (le toit, la phase de tir à la mitrailleuse lourde, l'hélico à abattre, etc.), mais malgré tout le soft propose quelques passages agréables. Forcément répétitif, sans réelle maîtrise du rythme, ni de gestion de la tension, l'aventure du fait de sa faible durée de vie arrive à garder plus ou moins sa force de frappe.

On regrettera le manque de scènes calmes, plus posées, permettant de donner un peu de corps à ces personnages encore  trop creux malgré deux épisodes. Les chargements sont des conversations téléphoniques ou simples conversations. Des images s'affichent, pas forcément claires, pour mettre en avant le propos. Les cinématiques, assez réussies d'ailleurs, développent un peu la profondeur du jeu mais jamais assez malheureusement.

Shangaï et Michael Mann

 

Dans le premier opus, on retrouvait la fameuse scène de la sortie de banque, empruntée au film Heat de Michael Mann. Dans ce deuxième volet, c'est plus ou moins la scène finale du même film que l'on retrouve. L'aéroport avec ses avions et ses lumières vacillantes, chez Mann l'affrontement entre De Niro et Al Pacino. Certes, le traitement de l'action est radicalement différent mais la volonté de rendre hommage au cinéaste américain est bien là elle.


A côté de ce petit clin d'œil, c'est surtout Shanghai qui vaut le détour. Ville glauque, sombre, aux lumières artificielles et aux petites frappes. En aucun cas, les développeurs ne nous proposent un portrait favorable. Ils enfoncent certes quelques portes ouvertes, réutilisent une fois encore quelques clichés mais cette virée nocturne à l'odeur de poudre n'en est pas moins captivante.

On est agréablement surpris lorsque l'on découvre un atelier clandestin avec ses travailleuses terrorisées, les ruelles cradingues de la ville que l'on visite à poil et en sang, des immeubles bricolés sortant tout droit de ces films d'action hongkongais des années 80. Le cadre est là, attachant, parfois un peu trop en retrait, surtout vers la fin, mais attachant tout de même.

Mention

Commentaire : Kane and Lynch 2 a tout du jeu voué au lynchage par la critique spécialisée. Pas bluffant techniquement, pas original dans son scénario ni dans sa narration, encore moins dans son système de tir (bien en-dessous d'un Gears of War), il n'en demeure pas moins que cette suite reste correcte. Un poil meilleur que le premier épisode. Son cadre, son esthétique, sa nervosité (même si le soufflet s'effondre progressivement à cause d'une gestion des pics quasi inexistante), sa courte durée de vie font qu'on passera un moment assez agréable. Un peu comme à lecture d'un livre punk. Pas exceptionnel mais sympathique.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=144:chronique-kane-and-lynch-2-360&catid=25:360&Itemid=28