Cette chronique d'un jeu iPhone ne porte pas sur le meilleur jeu de l'Appstore mais suscite chez le vieux gamer aigri que je suis une sorte d'amour coupable. Une raison suffisante pour se pencher dessus.


I) Cabby, je suis ton père !

Space Taxi

Question à 3 points. En quelle année est sorti le premier jeu ayant pour objectif le transport de clients d'un point A à un point B ? 1999, Crazy Taxi ! Perdu, jeune homme. C'était l'année 1984. Une époque où la 3D n'était qu'un rêve et où le pixel était roi. En ces temps reculés, le Commodore 64 accueillait Space Taxi. Développé par Muse Software, ce jeu nous mettait aux commandes d'un taxi volant. Des clients apparaissaient aléatoirement sur des plateformes numérotées et rémunéraient le brave pilote en fonction de la vitesse à laquelle il les transportait sur la plateforme de destination. Son originalité principale tenait à ses digits vocaux particulièrement réussis pour l'époque. Eh oui, à cette époque, cinq pixels empilés qui s'exclament « Hey taxi » ça faisait saigner les oreilles de bonheur.

Les développeurs de HiddenGames devaient faire partie de ces heureux. Je mettrais mon iPhone à rôtir que ces gars-là étaient des grands fans de Space Taxi tant leur jeu est identique. Je n'ai pas eu l'occasion de mettre la main sur l'original mais une petite recherche youtube m'a permis de constater l'ampleur de la copie l'hommage : même système de stations numérotées, même exclamations des clients, même système de déplacement, même système de gestion de l'essence et pour finir même système de gestion de l'argent et des clients. Ouf ! Du coup, carton jaune pour HiddenGames qui ne fait absolument aucune mention de Space Taxi, que ce soit sur leur site ou dans la description du jeu sur l'Appstore. Comme disait ma maîtresse d'école: « Vous pouvez copier mais seulement si vous ne vous faites pas prendre ». Enfin, au moins, comme nous allons le voir, la copie est de bonne qualité.

II) « NumberThreePlease »

Comme je le disais plus haut, le son était un des ingrédients phares du cocktail Space Taxi. Eh bien, devinez quoi ? La copieCabby (promis, j'arrête) n'est pas en reste. J'irais même jusqu'à dire que sans sa partie audio, le jeu ne m'aurait peut-être pas harponné de la sorte. Ce jeu sonne terriblement juste. Pas fantastique, et encore moins incroyable, mais juste. Chaque bruitage semble pensé pour résonner avec l'ensemble du jeu. Les digits vocaux ont ce qu'il faut de vieillot pour être en accord avec le visuel rétro. L'effet d'impact à l'atterrissage a quelque chose de gratifiant qui donne immédiatement de l'élan pour s'envoler avec le prochain client. Je serais même tenté de dire du bien de la soupe électro-ringarde qui nous est servie pour musique. Neuf morceaux au choix, il y en a pour tous les goûts et chacun saura trouver son favori. Pour ma part, le deuxième booste littéralement mes capacités de pilotage. Ce paysage sonore crée une sorte de rythmique un peu mystique, semblable à celle des vieux jeux d'arcade. Elle donne au jeu cette subtile saveur addictive, bien connue, qui s'insinue dans votre cerveau pour susurrer au creux de votre oreille : « encore un client » (number four, please), « juste ce niveau et j'arrête » (numbertwo, please), « quand j'ai dix mille dollars c'est bon » (number six, please), « allez, il me reste plus qu'un taxi, dès que je meurs fini, je sors des toilettes » (number one, please). En bref : Cabby, c'est de la bonne !


III)  Un Gameplay presque chirurgical

Vous noterez le « presque », du titre. En effet, dans ce domaine,c'est à la fois le meilleur et le pire qui se croisent allègrement.

A ma gauche. Les excellentes sensations de « vol ». Le poids et la puissance des différents taxis sont très bien rendus. Avec un peu d'habitude, on fait  réagir notre taxi au doigt et à l'œil. Ce qui est primordial dans des niveaux où chaque mur a la sympathie d'une mine antipersonnel. Tout le gameplay repose sur la tension imposée par les obstacles. Et croyez-moi, le jeu est absolument intraitable sur ce point de vue. Le moindre pixel de taxi qui traîne un peu de travers et c'est l'explosion. Ceci sans compter avec une pesanteur variable selon l'élément dans lequel on se déplace, les transitions étant parfois corsées. Mention spéciale pour le passage dans l'eau qui donne le poids d'un 36 tonnes à votre engin, et à l'espace où un coup d'accélérateur trop prononcé vous envoie dans les étoiles. Tout est donc question de fin dosage pour amener vos clients à bon port, sains et saufs. Des excellentes sensations venues d'un temps où le gameplay exigeant était source de tous les plaisirs. Que c'est bon en 2010, et sur les toilettes en plus. LA classe !

A ma droite, des contrôles mal placés. Le jeu se contrôle principalement avec 3 boutons. Un pour aller à gauche ou à droite et les 2 autres pour monter ou descendre. Le problème vient de leurs dimensions et de leurs situations sur l'écran tactile : 1 centimètre de haut et collés au bas de l'écran. Je ne crois pas avoir des mains de Golem, et pourtant, au début je ratais une fois sur quatre mon impulsion. Pour peu que vous ayez une coque un peu volumineuse, l'accessibilité des boutons devient une gageure. Dans un jeu où la précision est reine, vous vous doutez bien que l'envie de défenestrer son iPhone se fait vite pressante.

Je n'arrive pas à m'expliquer les raisons qui ont poussé les auteurs à faire de si petits boutons. Réduire la fenêtre de jeu ou appliquer un effet de transparence comme des millions d'autres jeux iPhone ne me semble pas sorcier. Avec le temps, avec un peu d'habitude aussi, on fait neuf fois sur dix ce que l'on veut mais c'est dommage pour le succès du jeu puisque la plupart des joueurs abandonnent à la version d'essai gratuite. Ce qui nous amène au deuxième blâme.

Une des caractéristiques principales d'un bon jeu iPhone est sa capacité de mise à jour.DoodleJump en est le meilleur exemple, ainsi que le plus connu. La première version présentait une idée forte mais très simple qui en faisait un petit jeu sympathique. A travers de multiples mises à jour, le jeu s'est enrichi de nombreux skins et obstacles qui, en plus de relancer régulièrement l'intérêt du jeu, ont fait de lui un titre totalement indispensable de l'Appstore. Cabbypour sa part, six mois après sa sortie, en est toujours au stade du jeu avec un grand potentiel mais qui ne se donne pas les moyens de transformer l'essai. Pourtant à sa sortie, les développeurs avaient beaucoup participé au débat autour de la maniabilité sur les forums de toucharcade.com (la Mecque du jeu iPhone). Une mise à jour avait même été évoquée du bout des lèvres, si succès du jeu il y avait. Apparemment, succès du jeu il n'y a pas eu. Sûrement à cause de cette mise à jour qui n'a jamais été faite. Et un peu comme dans l'histoire de la poule et de l'œuf, nous ne saurons jamais lequel a engendré l'autre.

MENTION

Commentaire :Ce n'est sûrement pas le plus grand hit de l'Appstore mais il mérite quand même votre attention. Une fois sa maniabilité domptée, ce jeu possède un charme rétro indéniable et des mécaniques de gameplay bien rodées à fort goût de reviens-y.  Vu le plaisir que je prends encore à y jouer, je ne peux que le recommander. Pour les sceptiques, procurez-vous la version light afin de vous faire votre propre idée.

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