Gun.Smoke est un de ces jeux que l'on découvre par hasard et pour lequel on a rapidement une certaine tendresse. Jeu signé Capcom, issu d'abord des bornes d'arcade avant d'être porté sur NES, le soft nous plonge dans un univers western où les balles fusent dans tous les sens. Run and gun aussi classique que solide, Gun.Smoke se démarque de la concurrence par quelques éléments de jeu.

 

 

I) Le grand Ouest américain

Le western, l'Ouest idéalisé

Les jeux vidéo dont l'histoire se situe dans le Grand Ouest américain, en pleine période des pionniers, sont finalement assez rares. On en dénombre quelques-uns à l'époque 16 bits comme Sunset Riders, et puis plus près de nous Gun, Call of Juarez (1 et 2), Red Dead Revolver et sa suite Red Dead Redemption.

Pour le cinéma américain, le genre du western constitue une sorte de matrice à partir de laquelle de nombreux courants découlent. A l'intérieur même de ce genre, on dénote bien des évolutions. Au niveau des personnages,
des thématiques, etc... Optant pour un ton réaliste, le western américain à la John Ford va connaître au niveau de l'Italie un
dévoiement comme les Italiens savent si bien le faire durant l'âge d'or
de leur cinéma bis.Sergio Leone impose un nouveau style, et confère ainsi une vraie identité au western spaghetti, encore balbutiant, maladroit, précédemment avec son film Pour une poignée de dollars.

L'Ouest est de toute façon idéalisé, que l'on parle du western
crépusculaire, classique ou délirant sauce pesto. On y forge des mythes, une identité (donc une projection, avec ce que cela comporte
d'idéalisations) pour les Américains, un espace fantasmé pour les
Italiens. Le jeu vidéo a lui aussi participé, encore fébrilement
malheureusement, à ce travail sur un imaginaire collectif. Gun.Smoke installe son récit dans un Ouest également mythifié, où la violence est omniprésente. Parfaite situation pour un jeu de ce genre.

La justice se fait au colt

Gun.Smoke nous propose de parcourir cette Amérique naissante et turbulente où un système politique durable a du mal à se mettre en place. Même si le
jeu ne propose aucun ancrage chronologique, on pense au film de John
Ford : L'homme qui tua Liberty Valance. Autrement dit, cette
période, 1910 dans le film, où le politicien cherche à évacuer la
justice du colt par un système démocratique basé sur la parole et les
écrits.

Rassurez-vous, vous n'incarnerez pas un politicien en quête de voix dans Gun.Smoke mais un chasseur de primes au doux nom de Billy Bob. Votre contribution à l'instauration d'une paix définitive est bien plus simple : descendre tous les vilains du pays.

Les niveaux sont variés et vous propose de traverser le désert, la montagne ou encore la ville. L'objectif de chaque mission est clairement annoncé par la vision d'une affiche jaunie où le portrait du gredin à abattre trône en son centre. Un « Most Wanted » en biais et un prix tout en zéro viennent couronner le tout.

Seulement, pour atteindre le fameux vilain, il falloir en découdre avec une tripotée de sbires. Des trublions de base qui viennent se jeter sur vous, cherchant à vous trouer la peau ou à vous scalper. Certes, le jeu est assez laid dans l'ensemble, cette teinte ocre domine voire vampirise l'écran, mais l'ambiance est bien là. La ville comprend son lot de bars, de tonneaux
disposés un peu partout ; la zone des indiens elle s'illustre avec ses
tentes et ses feux. Pas bien beau donc mais accrocheur et réutilisant de façon efficace, à défaut d'originalité, des codes du western.

II) Une galerie de portraits

Le titre nous propose une galerie de personnages amusants. On n'atteint pas là le charisme des brigands de Sunset Riders (sorti ultérieurement), encore moins ces fabuleuses trognes des westerns de Corbucci par exemple. Néanmoins, la variété des ennemis et le charme qui s'en dégage permettent à Gun.Smoke de faire bonne figure à côté de ses références, plus ou moins avouées.

On retrouvera, par exemple, un chef indien, un cow-boy voyou, un ninja débridé (amenant le jeu sur le terrain du cross-over loufoque à la manière de La Brute, le colt et le karaté d'Antonio Margheriti, spécialiste d'un tel procédé puisqu'il récidivera avec La Chevauchée terrible en utilisant non pas Lo Lieh du cinéma d'arts martiaux mais les stars
de la blaxploitation comme Jim Kelly), un mexicain balafré et j'en
passe.

Le jeu oscille en permanence entre délires sauce western italien et un certain respect historique avec des personnages stéréotypés mais réalistes, des décors vraisemblables. Malgré tout, ne nous leurrons pas, Gun.Smoke n'est pas là pour nous proposer une lecture sérieuse et intelligente du Grand Ouest américain mais plutôt pour contribuer à cette vision fantasmée qui nourrit l'imaginaire populaire.

III) Un level-design sentant bon la liberté

Le choix du joueur

Le level-design de Gun.Smoke est intéressant sur bien des points. Tout d'abord, les niveaux n'ont pas de fin véritable comme quasiment tous les jeux de l'époque. Inutile donc de chercher à tracer
en ligne droite les stages dans l'espoir de les boucler rapidement. En
effet, chaque niveau tourne en boucle. C'est à vous de choisir le moment de l'affrontement du boss. Pour ce faire, il suffit d'aller voir un villageois (ils apparaissent régulièrement) et de lui acheter une affiche « Most Wanted » du criminel.

L'intérêt d'un tel concept est simple. Il s'agit de laisser au joueur une réelle liberté dans le déroulement de l'action. En tuant à foison des sbires, il amasse de l'argent. Avec cet argent, il peut s'acheter des armes puissantes (shotgun, machine gun, smart bomb, magnum...) ou même un cheval qui fait ici office de bouclier.

C'est à vous de définir vos besoins, d'établir avec soin vos préparatifs. Libre à vous de foncer jusqu'au boss ou bien d'amasser soigneusement vos dollars pour faire face au truand, armé jusqu'aux dents. Le problème, c'est qu'une seule balle vous tue. Il faut dont être vigilant et garder en mémoire le fait qu'une longue déambulation dans un niveau
signifie un risque plus élevé de mort. Certes, on sera plus efficace
devant le boss mais on est également plus vulnérable durant nos traversées.

Un gameplay assisté et réactif

Pour ce qui est du gameplay, le système de tir est un élément particulièrement réussi. Au lieu de viser manuellement, ce
qui est toujours un peu délicat, ici chaque bouton de la NES définit une direction pour nos tirs. A pour la gauche, B pour la droite, toujours en biais.
On se déplace avec la croix directionnelle tandis que l'on canarde les
malandrins qui oseraient se frotter à nous.

Petite finesse à noter, il est possible de relancer les dynamites de nos adversaires, comme dans Call of Duty en somme. Le risque est que la chose vous explose entre les mains. Gun.Smoke est bien plus carré que ses voisins mais n'oublie jamais d'être efficace. Pas de problèmes de visée, ici on balaie l'écran avec brutalité.

Mention

Commentaire: Gun.Smoke est un titre peu connu bien qu'issu du cerveau des créatifs de chez Capcom. Profitant d'une ambiance agréable et d'un gameplay bien pensé, il s'impose pourtant comme un run and gun sympathique de la NES. Sans être inoubliable, il nous propose une expérience à tenter.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=114:chronique-gunsmoke-nes&catid=48:nes&Itemid=28