Post-rock ambient aux contours post-hardcore, la musique des rennais a vu le jour une première fois en 2008 avec un EP éponyme somme toute relativement classique dans son genre mais déjà bien agencé, qui proposait un post-rock pas trop éloigné de Envy et Mono.

Fin 2011, le groupe revient avec une première livraison en long format contenant seulement quatre titres, mais d'une durée de dix minutes chacun en moyenne. L'objet empreinte un artwork dans la continuité du EP représentant des oiseaux (qui semblent capables cette fois de tirer des lasers...), animal qui colle assez bien à l'image que l'on peut se faire de la musique exécutée ici. L'évolution musicale justement, depuis la première galette, a vu l'ajout d'un élément important, la voix, assurée par l'un des guitaristes qui vient renforcer avec conviction la dimension hardcore du post-rock de Totorro. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que son entrée en scène vers les deux minutes quarante de Lavate Las Manos fait son effet.  Une voix puissante, écorchée vive à la manière de Comity ou As We Draw, surgissant des ténèbres après une mise en place progressive, entamée sur l'introductif John Baltor à la violence contenue, comme si les musiciens attendaient l'arrivée du chant hurlé pour tenter de se libérer d'un malaise rampant.
On sait qu'entre le post-machin et le post-truc la frontière est mince, une question de saturation sans doute... Et bien Totorro navigue avec aisance entre les deux, usant de guitares aériennes (voire spatiales) sur de longues séquences progressives tout en gardant une basse lourde en toile de fond, annonciatrice d'une débauche post-hardcore noisy au groove maîtrisé, flirtant parfois avec le screamo. Les rennais alterneront les ambiances avec un naturel déconcertant et, au bout de trois écoutes, l'alchimie qui règne au sein du quatuor se confirme. La variété structurelle de chaque morceau (un peu moins pour John Baltor) est remarquable et la production au poil permet d'entendre chaque instrument distinctement. Une fausse fragilité demeure sur les plans ambient mélancoliques, régulièrement balayée par une lourdeur malsaine, emmenée par une voix malade, habitée. A partir de ces points de ruptures, guitares, batterie et basse descendent plus bas que terre en accentuant la rythmique jusqu'à côtoyer le pendant le plus sombre du post-hardcore (Lavate Las Manos, The Stamped). La fin de The Yellow One laisse entrer la lumière une dernière fois, aussi tremblante et saturée soit-elle, une lueur d'espoir subsiste...

Avec une certaine maîtrise naturelle, Totorro parvient à marier les éléments post-rock et hardcore en les sublimant et en y ajoutant une touche screamo qui accentue le frisson procuré. Les quatre morceaux de ce All Glory To John Baltor  sont autant d'invitations au voyage introspectif, mêlant joie succincte, colère vaine gorgée de noirceur et tristesse absolue.  La voix fraîchement intégrée n'y est clairement pas étrangère.
L'émotion est palpable, et c'est bien là l'essentiel.


Tracklist :

  1. John Baltor
  2. Lavate Las Manos
  3. The Stamped
  4. The Yellow One


L'objet s'écoute librement sur Bandcamp.