Vers un renouveau Disnesque ?

Depuis
la publication d'artworks étrangement audacieux de la part de Disney,
ceux-ci présentant un univers délabré à la limite du glauque, les fans
et non-fans de la souris à culotte rouge ont mis tous leurs espoirs en
Warren Spector. Malheureusement, les premières images ingame ont
confirmé les craintes de tous : l'aspect graphique général sera bien
moins malsain et plus Disneyien que prévu. Un mal ? Aperçu de réponse...

Premiers pas

On allume sa Wii, on place le CD et dès le premier écran, fort joli
par ailleurs, aucun doute n'est permis : on est devant un jeu Disney.
Jim Dooley, le compositeur du jeu, a puisé dans les racines du studio
son inspiration, et chaque son, chaque musique rappelle les bons
moments passés devant les dessins-animés de la firme. L'ambiance est
posée et le jeu commence.

Les premiers pas dans le Monde de la Désolation seront sans doute
les plus lourds de tout le jeu de par ses tableaux linéaires au
possible et une maniabilité difficile. War de Darksiders et Mickey ont
un indéniable point commun : les deux semblent lourds et chacun de
leurs sauts demande pas mal de doigté. Ne vous laissez pas abuser par
le double-saut de la souris, celui-ci vous emmènera bien moins loin
qu'escompté ! Niveau gameplay, on relèvera également la fameuse attaque
tournoyante qui s'excécute d'un secouage de Wiimote et qui devra
souvent être forcé, la souris ne répondant pas à votre commande si vous
êtes mou du poignet. Mais passé l'immense monde-tutorial, vous voilà
familiarisé avec les bases, lesquelles ne devraient plus vous poser de
problèmes...

De vieux amis

Vous arrivez à Main Street. Carrefour de tous les mondes. Ville où,
tel un Zeldaesque Bourg-Clocher, chaque personne a une petite mission à
vous confier et où vous faudra revenir à moultes reprises pour gagner
ces fameuses étincelles d'énergie, clés d'un voyage vers un autre
monde. Premier pincement au coeur, enfin, en retrouvant ce bon vieux
Horace, personnage de mon enfance oublié depuis de nombreuses années.
S'accompagne à cette rencontre une petite cinématique en 2D (lesquelles
seront d'ailleurs toujours très jolies, drôles, intenses...) où ce cher
Horace essaye désespérement de se faire reconnaitre de son vieil ami.
On comprends alors le choix judicieux fait pour les personnages
secondaires. Ce sont des personnages qui ont marqués notre enfance et
auxquels on n'aurait plus jamais pensé sans qu'ils reviennent par
eux-mêmes. On en vient presque à culpabiliser de les avoir oubliés.

Mis à part quelques personnages emblématiques de la saga, vous ne
reconnaitrez pas la grande majorité des protagonistes et des lieux que
vous pourrez traverser, tant ceux-ci sont anecdotiques dans l'histoire
de Disney. Reste que tout dans ce jeu laisse une impression de déjà-vu
qui ne vous quittera pas une seule seconde. A moins que vous n'ayez
vécu toute votre enfance dans une maison, en Bolivie, sans électricité,
vous serez traversé maintes fois par la certitude d'avoir déjà vu à un
moment ou un autre de votre vie tel ou tel personnage, sans pour autant
pouvoir vous souvenir où. Contrairement à un Kingdom Hearts, où chaque
pixel transpire le Disney populaire et outrancièrement reconnu, Epic
Mickey vous gratifie d'une ambiance sonore et visuelle qui sera
constamment familière, comme un ami que vous croiseriez dans la rue et
dont vous vous rappeleriez les bons moments passés ensembles tout en
ayant complètement oublié son nom.

Une ambiance qui va crescendo

Passé Main Street, et la révélation que vous pouvez entrer dans
certaines maisons (j'ai cherché Horace pendant 3/4 d'heure à cause de
ça), vous arrivez à la Montagne de Déchets. Lieu qui en marquera plus
d'un de par sa légère ressemblance avec les artworks préparatoires.
L'ambiance y en pour sûr plus soft mais ce tableau est un délice pour
les yeux des fans de la firme. Et c'est dans ce décor relativement
enchanteur que le jeu commence véritablement à devenir passionnant.
Vous traversez une succession de tableaux tous plus immenses les uns
que les autres, recelant tous mille secrets et difficultés. Il vous
faudra fouiller minutieusement chaque monde pour terminer le jeu à
100%, diluant le décor pour y trouver une salle cachée, le
peinturlurant pour découvrir une plateforme auparavant invisible...
Entre vos amis en pièces détachées qu'il vous faudra reconstituer, les
broches à collectionner, les films, les bonus et les fameux e-tickets,
la monnaie du Monde de la Désolation, vous passerez bien plus de temps
que prévu dans chaque tableau, râlant de ne pas comprendre comment
atteindre ce foutu coffre que vous avez repéré 10 minutes plus tôt et
qui vous nargue, flottant à 10 mètres dans le ciel. Et si jamais vous
vous en battiez la frange, de tous ces bonus et vouliez vous concentrer
sur le scénario du jeu, les objectifs à atteindre pour pouvoir avancer
vers le tableau suivant sont eux aussi nombreux et d'une difficulté
bien dosée.

D'ailleurs... en parlant de difficulté...

Là où Epic Mickey s'impose comme étant un titre gamer pur et dur,
c'est dans la difficulté de certains niveaux qui relèvent presque du
sadisme. N'oubliez pas que vous contrôlez Mickey Mouse, pas Lara Croft,
bien que le point commun entre ces deux-là est que chercher à atteindre
une plateforme en sautant à moitié vous tuera à coup sur. Car oui, vous
allez mourir. Souvent. Qu'il s'agisse de longues flaques de dissolvant,
de gouffres sans fonds ou d'ennemis communs, le monde entier veut votre
peau et l'aura sans problèmes...

Comme dit plus haut, Mickey Mouse, malgré son corps élastique, saute
aussi haut et loin qu'une madame sexagénaire en surpoids. Si le
double-saut de la souris vous sauvera la vie à moultes reprises, les
phases en 2D, essentiellement axées plateforme, demanderont des sauts
calculés et beaucoup d'attention. Mais cela n'est rien comparé aux
ennemis que vous aurez à combattre, ceux-ci se révèlant souvent plus
corsés que certains boss. La p'tite tache et le dodo se laissent occire
sans aucun problème, mais une fois arrivé au Pirate robotique, la
difficulté monte d'un cran. Les combats s'intensifient vers la fin du
jeu, offrant quelques melées apocalyptiques où il vous faudra en
découdre avec 3 ou 4 monstres d'un coup. Alors oui, ça semble peu...
Mais attendez d'arriver dans le grenier de la Maison Hantée et testez
par vous-mêmes. Vous rigolerez moins !

Quelques bonus

Arrivé à un certain point, les monstres les plus forts et les plus
agiles du jeu vous attendent sur des aires de combat plutôt étroites.
C'est là que vous comprenez que les fameux bonus de combat, qui sont
souvent dispensables, se révèlent absolument obligatoires si vous
voulez remporter la partie. Qu'il s'agisse de la télévision, qui
hypnotise vos ennemis (ce qui n'est pas du luxe lorsqu'ils sont
plusieurs à vouloir vous mettre le grappin dessus) et peut avoir un
effet "électrisant" sur certaines bestioles ou de la montre, qui vous
laisse le temps de battre en retraite tranquilos, le temps de trouver
une recharge d'énergie, de dissolvant ou de peinture, ces bonus de
combat deviendront vite vos BFF, tant ils peuvent vous sortir de la
mouise en un rien de temps. A eux s'ajoutent les Gardiens, boules de
peinture ou de dissolvant capables d'attaquer vos ennemis d'un simple
coup de nunchuk et apparaissant ou disparaissant selon votre manière
d'utiliser votre pinceau !

...et des malus

Parlons un petit moment des défauts de ce jeu, défauts que vous
allez probablement rencontrer. Nous parlions des combats où plus d'un
ennemi vous agresse et bien vous serez probablement plus d'une fois
pris en sandwich entre deux d'entre eux. L'attaque de certains montres
vous projète au loin, vous demandant 1/2 seconde pour vous relever,
animation réaliste oblige. Cette demi seconde peut être prise par un
autre monstre pour vous attaquer, vous projetant vers l'autre monstre
qui vous attaquera, vous projetant vers son confrère qui vous
attaquera, etc... Cette situation un poil frustrante risque de se
produire plus d'une fois, vous laissant seul spectateur de
l'éradication de vos points de vie alors qu'une recharge se trouve à
quelques pas.

Niveau défauts du jeu en général, on peut peut-être également
compter les passages en 2D entre chaque monde qui sont certes forts
jolis mais ne proposant un minimum de challenge que si vous voulez
récuperer tous les e-tickets et la fameuse bobine qui s'y trouvent.
Passée la première exploration, chaque passage entre deux mondes vous
fera repasser par ces niveaux, ce qui semblait légèrement dispensable.

Les side-quests

En dehors de la quête principale, qui consiste à sauver le monde
(elle est bien bonne celle-là !), vous aurez affaire à moultes
personnages ayant tous un beau grand but dans la vie mais étant
incapables de l'atteindre par eux-mêmes ! Aussi, qu'il s'agisse de
cueillir trois fleurs (je vous souhaite bonne chance pour celle-là...),
d'attraper de mignons petits lapins ou de peindre 38 bosquets dans un
tableau aussi sombre que le fondement d'un cheval (à ce qu'on m'a dit
!), le jeu regorge d'appétissants petits à-côtés. Si fouiller le
moindre recoin d'un tableau dans l'espoir d'y trouver un e-ticket vous
prendra déjà pas mal de votre temps, les missions des personnages
secondaires rajouteront à la durée de vie déjà conséquente de ce titre.
A noter qu'il existe très souvent plusieurs façons de terminer ces
quêtes, le résultat variant.

Un bon vieux Disney

L'univers est Disney, les personnages sont Disney et l'histoire est
Disney. Mais attention : du BON Disney. Un Disney sans avalanche de
mièvrerie. Un Disney qui touche et qui émeut de par ses personnages
attachants, à la personnalité travaillée. Un Disney au scénario pas si
creux, aux cutscènes magnifiques laissant entrevoir des liens réels et
réalistes entre les personnages. Vous aurez droit à des moments
intenses, presque glauques, tout comme vous serez probablement touché
par l'affection tendre et probablement pas platonique (vu la 50aine de
lapins qu'ils nous ont pondu) d'Oswald pour sa belle Hortensia. Les
amoureux des studios Disney en viendront même à ne plus regretter les
artworks préparatoires, tant l'univers dépeint par Warren Spector est
cohérent. A certains moments clés de l'histoire, vous serez étonnés de
croire encore à votre âge en des personnages simples, presque
centenaires, et qui reviennent sur le devant de la scène pour ce qui
est, pour sûr, une aventure épique.

Epic Mickey est un bon jeu, disons-le clairement. C'est un
jeu qui plaira à coup sûr aux afficionados des Studios tout comme il
plaira aux gamers, de par sa difficulté savamment dosée. Si il perd
quelques points de par certaines maladresses, il en gagne la majorité
pour avoir réussi ce que Disney tente de faire depuis une bonne dizaine
d'années : proposer à son public une vrai belle histoire, aux
personnages intéressants qui resteront probablement en mémoire. En ce
qui me concerne, Warren Spector a réussi son pari : Horace, Clarabelle,
Daisy ou Oswald ne sont plus des personnages oubliés ou mal-aimés. Je
compte bien m'empêcher de les effacer de ma mémoire cette fois !