Aujourd'hui, je vais tenter de vous expliquer brièvement la dernière affaire en date qui anime l'Internet des médecins français : la campagne lancée par Michel Cymes, en collaboration avec l'afficheur JC Decaux. Je pourrais vous exposer les réponses isolées de chacune des parties, mais d'une, je sais que vous ne les lirez pas, et de deux, ce n'est pas drôle de ne pas donner son avis totalement partial. Suivez donc le guide...

Commençons par analyser l'affiche en elle-même :

J'occulterai la pauvreté du jeu de mots qui sert d'accroche...
On voit donc Michel et sa bande de potes, prêts à s'entre-dépister en toute amitié. Car oui, on sait s'amuser entre médecins !

Le but de cette campagne, selon Michel Cymes : dédramatiser le toucher rectal et baisser le nombre de victimes du cancer de la prostate. Note : j'ai dû chercher sur son blog et sur la vidéo de son passage au Grand Journal pour trouver ses raisons. Il n'a explicité clairement nulle part. Paie ton message protéiforme...

Si on s'arrête là, ce que tout non-médecin fera (fort logiquement), la campagne en plus d'être drôle, a un but plutôt louable.
Mais intéressons-nous à la phrase écrite en petit...

« Tous les cancers de la prostate ne doivent pas être traités, mais tous doivent être dépistés par un toucher rectal et une prise de sang. »

Et là, tout est moins clair. Mais ne partez pas, ça commence à peine !

Il faut d'abord savoir que deux études d'envergure ont été menées sur le cancer de la prostate. L'une américaine, l'autre européenne, publiées dans le New England Journal of Medecine en 2009.

La Haute Autorité de Santé, l'agence d'Etat indépendante chargée de certifier l'ensemble de la filière médicale française, a critiqué ces deux articles afin d'en dégager les informations exploitables et délivrer les recommandations en conséquence.

Son constat est sans appel : les deux études, en plus d'avoir de nombreuses failles, n'ont aucun élément suggérant qu'un dépistage systématique du cancer de la prostate par prise de sang puisse avoir un quelconque bénéfice. Pire même, elles en démontrent plutôt les inconvénients : le taux de faux positifs est trop élevé pour être acceptable, ce qui entraîne un sur-diagnostic et l'administration de traitements inutiles fortement inconvénients.
En conclusion : « La question de l'opportunité d'un dépistage systématique du cancer de la prostate ne se pose donc pas. »Cela a le mérite d'être clair.

Maintenant, parlons du cancer en lui-même. Comme le dit la phrase écrite en petits caractères, tous les cancers de la prostate ne doivent pas être traités. Car, ce cancer, très fréquent chez l'homme âgé de plus de 50 ans, est rarement la cause principale de mort de celui qui le contracte. La question du traitement doit être maniée avec de grandes précautions, selon des paramètres tels que l'âge, la santé générale du patient et le degré d'envahissement des cellules tumorales. Car quel est l'intérêt de retirer une tumeur localisée, si le traitement inflige plus de désagréments (incontinence urinaire, trouble de la fonction érectile, pour ne citer qu'eux) que la maladie elle-même ? Une simple surveillance régulière peut suffire.
Bref, une question vaste et dont la réponse est unique à chaque cas.

Et à propos de la « dédramatisation du dépistage ». De ma misérable expérience d'externe, je sais que du moment qu'un lien de confiance est instauré entre le patient et le soignant, pratiquer un TR n'a rien de particulièrement insurmontable. L'important est d'expliciter de façon claire sa démarche. Son acceptation se fait ensuite naturellement. Donc, franchement, parler de cela comme un tabou me paraît clairement démesuré.

A partir de cela, on peut légitimement se poser la question de la pertinence de cette campagne.

A qui profite le crime ? Michel Cymes se défend d'être financé dans sa démarche, mais j'ai beaucoup de difficultés à ne pas penser à mal quant aux vraies raisons de cette campagne.
Parce qu'à part rabattre les gens vers leur urologue, augmentant le taux de prescription d'actes inutiles, grevant ainsi l'Assurance Maladie déjà mal en point, quel est le véritable intérêt ? Un simple désir de se montrer et de rigoler entre potes, en distillant un message de santé publique totalement erroné et potentiellement dangereux ? Je ne sais pas quel est le pire...
Je pourrais vous traduire sa réponse, mais elle laisse tellement place à la victimisation saupoudrée d'absence d'argument que je ne vais pas vous faire l'affront de la rapporter.

Tout ça pour vous dire d'oublier très vite ce message de désinformation et de garder en tête que votre prostate ne doit pas vous inquiéter plus que cela pour le moment. Par contre, Saint-Valentin oblige, rien ne vous empêche de pratiquer le dépistage amateur avec des moyens divers, si vous voyez ce que je veux dire, haha ! Hm...