Il ne faut pas s'en cacher, si le jeu vidéo a aujourd'hui acquis ses lettres de noblesses, c'est en partie grâce au succès de la Wii et de la Nintendo DS. Deux machines aux concepts novateurs et différents qui ont su immédiatement séduire le grand public et s'imposer dans les foyers. A ces systèmes viennent s'ajouter l'émergence de nouvelles licences destinés à un nouveau public, moins exigeant mais néanmoins prêt à partager un peu de son temps avec les passionnés de la première heure. Le concept de « casual gaming » était né et la tendance voulait que la Wii soit son principal porte-étendard.

 Pourtant aujourd'hui, ce public semble se désintéresser des consoles de jeux pour s'adonner à leurs loisirs sur un tout autre périphérique. Plus pratique, multifonctionnel ou tout simplement plus discret, l’expansion du marché mobile et l'exode du public dit « casual » vers ses plateformes signe un tournant majeur dans le microcosme du jeu vidéo. D'après Miyamoto Shigeru, Directeur Général de Nintendo EAD, ce public attentiste et versatile tirait le marché du jeu vidéo vers le bas.

Ils sont le type de personne qui, par exemple, peut avoir envie de regarder un film. Ils peuvent avoir envie d'aller à Disneyland.

Leur attitude est « Je suis le client, alors vous êtes supposés me divertir ». Ils prennent une attitude plutôt passive, et pour moi c'est quelque chose d'assez malheureux. Ils ne savent pas à quel point il est intéressant de grimper une marche supplémentaire et d'essayer de se mettre au défi (avec des jeux plus avancés).

A l'époque de la DS et de la Wii, Nintendo a fait de son mieux pour agrandir la population des joueurs. Heureusement, avec la propagation des plateformes mobiles, les jeux font désormais partie de la vie des gens. C'est une bonne chose pour nous, parce que nous n'avons pas à nous inquiéter de faire des jeux qui les touchent dans leur vie quotidienne.

 En effet, le cinéma nous pose avant tout comme spectateur, nous n'avons aucune emprise sur l'action en cours et nous ne pouvons que « subir » ce qui se passe devant nos yeux. Ce n'est d'ailleurs qu'une fois sorti de la salle que l'on commence à échanger nos impressions, les conditions ne nous permettant pas de communiquer avec nos voisins. Dans ce sens et tout en gardant un univers prédéfini et limité, le jeu vidéo met le joueur aux commandes de son destin. C'est là que la notion de gameplay intervient, cette interface homme/machine qui n'existe pas dans le cinéma et fait passer au joueur un cap.

 Pour autant, est-il légitime pour un industriel de critiquer ainsi le mode de consommation de clients qui se sont aujourd'hui détournés d'un loisir aussi onéreux que le jeu vidéo sur consoles ? Nintendo, dont Miyamoto Shigeru est l'un des représentants n'exerce t-il pas aujourd'hui son activité sur les rentes des exercices précédents ?

 Il ne faut pas oublier qu'avant d'occuper son poste actuel, Miyamoto-san était avant tout un créatif de génie qui a su inventer des codes et systèmes qui régissent encore le jeu vidéo de nos jours. Il nous faut donc comprendre sa frustration lorsque le grand public, qu'il désigne comme « passif », se désintéresse de ce qu'il a, toute sa vie durant, contribué à construire. Il n'a rien d'un communiquant et on lui demande, en plus, des comptes sur les mauvais résultats relatifs (en comparaison avec les ventes pharamineuses de l'époque Wii et DS) de sa société. Voici là, en tout cas, une maladresse dont la firme de Kyoto se serait bien passée.

par Damien5011