Après avoir tâté la seconde démo de Resident Evil 6, je me suis rendu compte d'une chose: mis à part dans le domaine des jeux de combats où les softs restent solides (SFIV, SFxTekken), les dernières licences de Capcom tombent dans une américanisation flagrante et inquiétante en regard de la qualité tout à fait objective des derniers titres sortis.

Je vais tenter de mettre Dead Rising 2 à part, car aussi étrange que ça puisse paraître, Dead Rising 2, développé par Blue Castle, studio occidental, est peut-être le titre le plus japonais de l'éditeur ces dernières années. Avec un gameplay raide comme un manche à balais et une progression très "RPG" à la japonaise avec cette touche de mélange de genre (survival-baston à la Musou), Dead Rising 2 se présente comme le porte-étendard de cette génération de jeux sur les consoles actuelles. On aime ou on aime pas, personnellement, je n'ai pas réussi à passer le cap de la frustration avec un gameplay et une maniabilité absolument infâme, qui montre clairement ses limites lors des phases contre des boss surpuissants où on a aucune chance d'esquiver les attaques, le seul moyen de survivre est d'emmagasiner les éléments de santé et de prier pour que ça suffise. On a vu mieux question game design.

Le premier constat s'est imposé avec Lost Planet 2. Capcom y a grandement démontré son intérêt pour le jeu en coopératif, genre qui a explosé ces dernières années, notamment avec des Gears of War, des Left for Dead ou encore des Borderlands. Lost Planet 2 est donc la suite du premier de la série, un premier épisode pas trop mal, au level design exécrable et incohérent mais qui avait le mérite de poser une jolie atmosphère. Le second opus ne s'en embarasse pas et passe directement à l'action en proposant à une équipe de 4 personnages de latter des monstres en méchas ou non. Exit l'ambiance, ici, c'est l'action qui prime. Il faut dire que mis à part les quelques moments épiques où l'on se bat contre des monstres gigantesques et que le fun marche pas mal, le reste du jeu se contente d'enchaîner des couloirs sans âme et de tuer du monstre. Pas d'histoire intéressante, on n'y comprend pas grand-chose: à force de multiplier les clans et les héros, on ne s'y retrouve plus. 

Vient ensuite Dragon's Dogma, sorti cette année. Le jeu n'a pas trop mal marché, pas mal ont aimé, moi pas. Au lieu de revenir dessus longuement, je vous invite à lire ma critique plus complète. Ici aussi, Capcom décide de tenter l'aventure héroïc fantasy. Designs occidentaux, grands espaces naturels pas très originaux, l'éditeur lorgne complètement dans la mire de Skyrim, gros carton de la fin de l'année dernière. Capcom installe donc un process ingénieux: combler les japonais avec un gameplay proche de Monster Hunter et rallier les occidentaux avec un style plus moyennageux. Sauf que, selon moi, Capcom perd son approche de l'histoire et de la mise en scène à cause d'un game design global pas toujours très heureux: allers-retours incessants, trop de maladresses qui handicapent le joueur (pourquoi le jeu ne vous permet pas de combattre dans le noir alors que des brigands le peuvent à distance?) et un gameplay sympathique et arcade mais parfois trop approximatif. Quelques excellentes idées sortent du lot comme le système des pions, mais encore une fois, on sent que l'expérience japonaise porte préjudice à un jeu qui tente de s'américaniser sans pour autant chercher à changer la formule orientale complètement.

Dernière déception, Resident Evil 6. Bon, le jeu n'est pas sorti, mais les deux démos qui permettent en tout d'essayer deux niveaux des trois campagnes permettent quand même d'avoir un joli aperçu de la bête. Si la campagne avec Léon tente d'installer une ambiance plus opressante, la deuxième démo permet de se rendre compte que le jeu se résume à une succession de couloirs avec des zombies au sol qu'on sait encore vivants et un mitraillage compulsif de la touche de tir. La deuxième campagne, celle de Chris, est encore pire: je ne sais pas si Capcom veut faire son Call of Duty, mais la seconde démo proposait quand même d'accompagner d'autres soldats et des tanks à combattre des mitrailleurs et des snipers. On y découvre le système foireux de la couverture (on vise un mur et il se colle dessus, avec le moins de champ de vision possible) et on assiste à un florilège d'ennemis qu'on croirait sorti d'un TPS classique et sans saveur. Aucune magie, rien. Enfin, la campagne de Jack. La première démo permettait de s'éclater un peu plus en s'enfuyant dans les hauteurs, mais là encore, la caméra beaucoup trop proche du héros et ce sentiment de ne jamais faire ce qu'on veut l'emporte facilement. Encore plus dans la seconde démo où des sortes de lézards mutants vous explosent parce que vous n'avez jamais la possibilité d'avoir une vue globale de la scène d'action. Le plus marquant dans la progression des niveaux est cette capacité à ne jamais vouloir faire tomber la tension, que ce soit au travers des bâtiments toujours en extérieur (niveau exotisme, tout se ressemble) ou du level design qui n'est jamais propice à la situation à laquelle on fait face.

Bref, pour ma part, RE6 est une catastrophe en devenir. Un ersatz de TPS qui tente de justifier sa caméra proche pour renforcer l'angoisse, mais quand le jeu se résume à tirer à tout va, c'est plus énervant qu'autre chose. On sent que Capcom veut faire son Gears of War, avec des séquences spectaculaires, mais le jeu est toujours dans un rythme fort, sans prise de risque, sans prendre le temps de présenter la situation, de poser une atmosphère, une ambiance, en fournissant une expérience arcade bête et méchante qui se résume à nettoyer les zones. Peut-être que le reste du jeu n'est pas comme ça, mais sur les six niveaux, seul le premier de Léon tentait un peu d'ambiance et de tension (mais du coup, aucun ennemi...). Autant dire que je place très peu d'espoirs sur le reste du jeu. Oh, je me doute qu'il y aura quelques séquences épiques qui sauront relever le niveau mais au vue des trailers et de l'histoire où l'ADN de Resident Evil s'est définitivement perdue dans les méandres d'un univers complètement crétin, je ne pense pas que ça en fera un jeu indispensable. Resident Evil 5 avait beau être plus action, il avait au moins le mérite d'avoir des très jolis restes de RE4 avec des vrais moments de tensions et des beaux morceaux de bravoure.

Capcom est clairement un éditeur qui, à mon sens, va dans la mauvaise direction. Au lieu de capitaliser sur un savoir-faire de plusieurs années (ce n'est pas un tout jeune), il tente d'appâter les joueurs occidentaux avides d'expériences spectaculaire et de séquences hollywodiennes, mais avec un aspect trop japonisant. Comme si on mélangeait The Club de Sega avec un Gears of War, une sorte de bouillon de jeu typiquement arcade bête et méchant avec un semblant de scénarisation. Les différentes grosses licences partent dans ce sens et ce n'est pas prêt de s'arranger. Lost Planet 3 tente cette fois-ci la carte du Dead Space, mais j'attends de voir l'effet Kiss Cool japonais qui va nous revenir dans la tronche. A croire que Capcom tente de copier sa consoeur américaine à chacun de ses jeux: jeux coop pour Lost Planet 2, Skyrim pour Dragon's Dogma, Gears of War pour Resident Evil 6, Dead Space pour Lost Planet 3. A ce train-là, Capcom va complètement perdre sa saveur et sa patte à trop vouloir ressembler à un américain. Il y a encore du boulot.