Le seul moyen de se plonger
vraiment dans la culture d'un pays, c'est de vivre comme ses habitants.
Pourquoi alors ne pas emprunter le moyen de locomotion favori des
habitants de Moscou ? Certes pour cela il faut déjà à la base
s'intéresser à eux, et ensuite avoir des économies, et l'envie de
vraiment vivre leur quotidien. Mais c'est pas plus con que de partir
admirer les pyramides de Kheops en se fendant d'un « T'as vu chérie,
c'est haut quand même » affligeant de banalité touristico-banano-chemise hawaïeno-kodak en bandoulière. Soyez originaux, et à l'instar de ses
8.9 millions de passagers quotidiens, enfermez-vous dans ces tunnels
ex-soviétiques. Vous pouvez pimenter le tout en y ajoutant des mutants,
un holocauste nucléaire et un hiver qui ne termine jamais. Pour faire
simple, jouez donc à Metro 2033, le seul vrai FPS couloir avec de vrais
morceaux de script dedans.

Le post apocalyptique a le vent en poupe ces derniers temps. Stalker, Borderlands, Fallout 3 et maintenant Metro 2033, les plus auto-destructeurs d'entre nous peuvent se faire plaisir. Si tous les titres cités sont des FPS, chacun a sa petite spécificité.
Et celle de Mets trop de mille trente trois (je regrette, Pierre) est
d'assumer son côté effrayant et claustrophobe.

Claustro car vous resterez souvent
dans les tunnels terriblement mal fréquentés du métro moscovite. En
effet après l'holocauste nucléaire, les humains ont été obligés de se
réfugier sous terre, profitant des lignes souterraines pour réorganiser
un semblant de société. Des avants-postes et des petits villages se sont ainsi constitués, et c'est par le truchement des rails que les échanges ont lieu. La force des développeurs est d'arriver à nous faire sentir
plus à l'aise sous terre qu'à la surface. Parfois vous devrez mettre le
nez dehors, pour une raison X ou Y, et le spectacle est effrayant :
c'est grand, clair, et on voit si loin que nos yeux sont incapables
d'assimiler les détails à longue distance. Ce n'est pas chez nous, il y a quelque chose d'inconfortable. D'ailleurs on ne peut y rester qu'en
portant un masque, on se sent comme un scaphandrier explorant des
bas-fonds : on apprécie le spectacle mais on ressent l'hostilité du sol
que l'on foule, on est pris de vertige en regardant l'immensité du ciel, on sait qu'on ne doit pas s'y éterniser car nos réserves de filtres à
air s'amenuisent rapidement. On est plus en sécurité dans ces tunnels
sombres et miteux, grouillants de monstres terrifiants, où retentissent
râles et grincements lointains, où nos pas lourd résonnent contre les
parois de béton brut...

L'ambiance est le gros point fort
du jeu. La bande son par exemple nous situe directement. On ressent nos
actions au travers des bruitages, et on ressent toute la pression des
tonnes de terre nous séparant de la surface par la musique minimaliste,
qui nous rappelle que l'on est (presque) seul. A l'inverse le
bouillonnement des stations est bien rendu, et on s'y sent terriblement
en sécurité, comme dans un foyer chaleureux. Le doublage français est
d'excellente facture, les acteurs crédibles et la synchronisation
labiale réussie. Ensuite ce sont ces multiples détails anecdotiques,
extrêmement bien pensés, qui enrichissent l'immersion. Le HUD est
minimaliste, et absent de l'écran la plupart du temps (sauf quand on
change d'arme). Pour connaitre vos objectifs, vous n'avez pas à
farfouiller dans un menu, vous sortez une tablette sur laquelle ils sont inscrits. Pour lire plus facilement, vous pouvez la rapprocher, ou même l'éclairer avec votre briquet. Votre lampe frontale ne s'éteindra
jamais mais perdra en puissance. Pour la remonter, vous devrez pomper
une dynamo homemade. Les filtres que vous mettez dans votre masque à gaz ne durent qu'un temps, pour vérifier combien il vous reste avant de
suffoquer regardez une des aiguilles de votre montre. En parlant de
suffoquer, je peux vous assurer que vous ne tarderez jamais trop
longtemps avant d'enfiler un masque dans les zones où il est nécessaire. Ou même que vous ne tarderez pas à changer de filtre. Sinon, vous
entendrez votre avatar respirer de plus en plus fort, le sentirez forcer pour faire rentrer l'air dans ses poumons, lutter pour aspirer le tout
petit reste d'oxygène, souffrir contre les effets de l'étouffement... Ouf ! Jamais cette désagréable sensation n'avait été si bien retranscrite.
Bref tout est fait pour que vous ne quittiez jamais l'atmosphère du jeu, pour que vous vous sentiez réellement Artyom, celui que les Sombres
n'atteignent pas.

Artyom, c'est vous. Les Sombres, c'est
eux. En gros, après l'holocauste nucléaire, les humains ont dû faire
face à de nouveaux dangers radioactifs : les mutants. Les plus
classiques sont les novalis, vos principaux ennemis, qui agissent comme
des bêtes en se ruant sur vous pour vous croquer le mollet. On leur
règle facilement leur compte, mais les Sombres eux sont plus pernicieux. Ils arrivent à contrôler l'esprit des gens et leur faire faire
n'importe quoi, comme les psys mais avec un vrai talent. Mais sur vous
ils n'ont aucuns pouvoirs, vous êtes donc désigné pour sauver la mise
aux habitants de votre station, celle où vous avez grandi et que vous
n'avez jamais quitté. Le scénario se doit d'être un point fort, le jeu
est en fait une adaptation de 3 bouquins russes qui avaient fait un
tabac, enfin je suppute que personne n'aurait adapté un flop commercial
juste par singularité. Si je n'affirme pas que le scénario soit un point fort, c'est tout simplement car j'ai eu un peu de mal à le suivre.
J'avoue ne pas avoir été passionné outre mesure et avoir été distrait
pendant le test, à vous de vous faire votre propre jument (ahah c'est
crade).

Dernier point positif, avant de se
montrer plus dur, les graphismes. Et pour une fois je suis à la fois
ravi par la technique que l'artistique. L'artistique d'abord, le travail effectué pour la modélisation de l'univers est fantastique. Je ne parle pas du look des tunnels (qui pourtant ressemblent comme deux gouttes
d'eaux à de vrais tunnels de métro !!!), mais de tous les à côtés, de
l'agencement des stations, de la disposition des NPC oisifs dans
celles-ci. Certaines armes notamment ont un design terrible, on les sent bricolées avec les moyens du bord, genre deux gros tuyaux, trois
écrous, un ressort et paf, voila un fusil à pompe maison. Les costumes
et moyens de locomotions aussi ont bénéficié d'un soin particulier, le
post apocalyptique se dégustant bien rouillé et agencé au petit bonheur
la chance. C'est rustre, brut, esthétiquement discutable mais on s'en
fiche, ça marche. Au Royaume de la Débrouille, tout se recycle.
Techniquement enfin, le jeu est une petite tuerie. Vraiment, les
textures sont fines (pour la plupart), la modélisation est soignée mais
surtout les effets graphiques font plaisir à voir : fumées épaisses,
ombres dynamiques, particules dans tous les sens, reflets éblouissants.
Il n'est pas rare de se perdre en contemplation. Si personnellement sur
ma machine de test je n'ai eu aucun ralentissements, alors même que
quasiment toutes les options étaient à fond, j'ai lu beaucoup de
réaction sur le net concernant de gros problèmes de performance, y
compris sur des machines plus puissantes. J'aurais donc du mal à me
prononcer sur ce point la, tout dépend de votre configuration.

Avant d'aborder le gameplay, il
vous faut savoir que le rythme du jeu, assez lent, et sa linéarité
totale, suite de couloirs remplis d'adversaires plus ou moins coriaces,
ne nuit en rien à l'expérience de jeu. Les scripts sont légions et assez subtils pour la plupart, on ne remarque pas de grosses ficelles comme
dans un Call of Duty. Un exemple assez frappant me revient : après un
gros gunfight contre une bande de vilains pas beaux, j'en réchappe sans
douleur aidé par un autre utilisateur du métro sympathique, quoique
vieux et étrange. Il me propose de me guider à travers un passage
condamné, et qu'il me dit hanté par des ombres inamicales. Pas rassuré
pour un sou, je décide tout de même de le suivre, et cela avant tout car je n'ai pas trop le choix (rappelez-vous c'est un jeu linéaire). On
arrive donc dans une autre branche du métro, dans un grand tunnel où
serpentent le long du mur des tuyaux. Il me raconte l'histoire des
lieux, et me lâche « si on s'approche des tuyaux, on peut entendre la
voix des morts qui geignent à l'éternité. Mais il ne faut pas rester
trop longtemps, ça peut devenir dangereux ». Ne croyant pas au
surnaturel (j'ai lu tous les « Fais Moi Peur » sans me faire dessus), je m'approche donc doucement des tuyaux. Aucun bruit ne parvient plus du
tunnel, mon guide s'est tût. Mais aucun bruit ne semble parvenir des
tuyaux au début. Puis, peu à peu, je perçois d'imperceptibles murmures.
Je tends l'oreille, m'approche un peu et commence à discerner des voix.
Elles se font de plus en plus audibles, et je crois même discerner
quelques mots. Un brouhaha feutré et lancinant me parvient à présent, et je suis fasciné par ces sons. Mais soudain mon écran se teinte de rouge et mon avatar hurle de douleur, comme s'il venait de se prendre une
balle. Je m'écarte vite des tuyaux et l'attaque cesse. Mon guide me
regarde avec un sourire entendu. Mince, il avait raison le bougre.
Depuis lors, j'ai respecté ses consignes à la lettre...

C'est bien la première fois qu'un
jeu me plait bien alors même que son gameplay n'est pas folichon. Car
c'est là que pèche Metro 2033. Pour un FPS, les gunfights se révèlent
plutôt désagréables. Tout d'abord car on affronte la plupart du temps
des mutants, donc tout se joue au contact et au fusil à pompe. Et
encore, je parle de contact mais la non-gestion des collisions rend les
combats très difficiles : il arrive fréquemment qu'on traverse les
ennemis et que ceux-ci se retrouvent sous nous. Et ils sont en nombre,
et sautent partout sans cesse. Les trop rares combats contre des humains sont pourtant sympathiques, même si le jeu nous propose de se la jouer
infiltration. Soyons clair ça ne fonctionne pas, on se fait repérer
immédiatement et pour des raisons complétements surréalistes. A partir
d'un certain point, cela dit, les soldats en face survivent facilement à des dizaines de bastos sans broncher. La technique la plus efficace est de les rusher au couteau. Ça semble basique mais ils meurent bien plus
facilement et ne réagissent que rarement quand vous arrivez. L'arsenal
que l'on débloque vers la fin du jeu est assez puissant et précis pour
tenter des headshots, mais les pistolets à bouchon du début déçoivent.

D'ailleurs utiliser le couteau m'est
venu en premier à cause de la gestion économique qui m'alléchait
particulièrement : la monnaie locale ce sont les balles. Vos munitions
vous servent à acheter des trucs ! Je trouvais le concept vraiment
original (un peu comme dans le jeu de Tingle sur DS, dans un autre
registre). Malheureusement il ne fonctionne pas du tout. Les balles
échangeables sont des balles spéciales que seules quelques armes peuvent tirer. Donc la seule utilité des balles est d'acheter des balles (!),
vu que les marchands ne vendent que ça et des armes (qu'on peut trouver
par terre). Un peu ridicule. D'ailleurs les munitions ne manquent pas
pour qui sait fouiller correctement les cadavres. Mais ça on ne le sait
pas au début, et on compte chacune de ses balles qu'on garde pour plus
tard. Résultat : j'ai fini le jeu avec plus de 800 balles, toutes
confondues, dont 400 « bonnes » balles que je n'ai même pas eu
l'occasion de tirer. Très frustrant. Ces deux gros points noirs font que le jeu devient juste sympathique, alors qu'il avait les atouts pour
aller plus loin.

C'est une expérience que vous
propose Metro 2033. Une expérience générique, puisque tout le monde aura la même au vu de la linéarité du jeu, mais une expérience réussie.
L'ambiance est la, les idées aussi, et la réalisation graphique tient la route. Mais les grosses lacunes de gameplay et le foirage des combats,
pourtant essentiels dans un FPS, lui coûtent son statut de jeu
incontournable. Cela dit, en récupérant cette atmosphère si unique, les
petits gars de 4A games pourraient bien nous pondre un jeu exceptionnel
dans les années à venir, il leur manque juste un gameplay kick ass. Et
un monde ouvert tiens, ce serait cool dans un monde ouvert...

Cartapouille

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