Depuis toujours le jeu vidéo a fait partie de
l'univers du palpable. Comme un plus indéniable à l'achat d'un jeu, son
apparence, son attractivité, l'originalité de sa jaquette le faisait
subsister dans les vastes rayonnages. Que son achat soit lié au hasard
ou pas, le packaging d'un jeu (et de bien d'autres choses) est
ce qui conforte en premier lieu notre achat.

Ainsi, comme dans une parade amoureuse,
l'acquisition d'un nouveau jeu semblait depuis toujours être lié à ces
quelques banalités : dévorer les images au dos du boitier en revenant
chez soi, produire ces quelques pas d'impatience vers la télé, l'ouvrir, délicatement, ou l'arracher, violemment, pour mieux s'en saisir et le
placer au centre de toutes les attentions : dans la console, dans le PC, devant nos yeux, entre nos mains. Et puis feuilleter le manuel, comme
un livre de conte de fée, pour mieux s'immerger. Tout cela semblait
devoir être figé dans le temps, comme un rituel rassurant. Au fil du
temps les gens et les modes de consommation ont évolué, mais toujours il y avait cette perspective du bel objet, l'odeur de l'encre et du
plastique mélangés, du livret à peine survolé ou dévoré des yeux.

Le packaging et la distribution
du jeu vidéo

Pour rappel, le packaging, au même titre que le pressage, fait partie des charges variables. C'est à dire que le coût que tout cela va engendrer dépend en grande partie
du nombre d'exemplaires qui seront distribués. Dans le cadre des jeux
console ce sont les constructeurs qui prennent en charge cette dépense
(et bénéficient ainsi d'une marge non négligeable sur le prix de vente). On aurait donc pu penser que la qualité très fluctuante du packaging,
en particulier au niveau du livret et de l'habillage des galettes, était donc à mettre en compte d'intérêts financiers. En fait, pas
complètement.

Si on jette un oeil sur les marchés
américains et japonais, on s'aperçoit bien vite que la situation est
tout autre. Le packaging est bien meilleur, et cela ne s'arrête pas qu'à une histoire de manuel en couleur, les boitiers sont aussi parfois plus solides et dotés de jaquettes plus recherchées, et ce quelque soit la
console. Certains jeux japonais se voient même dotés de cartes de
collections. En cause ? Une culture du bel objet qui fait défaut à
l'Europe. La situation semblait devoir s'améliorer, surtout depuis que
les éditeurs européens se sont mis en tête de proposer version collector sur version collector, mais la pérennité de la distribution classique
risque une fois encore d'être remis en cause.

Du réel au virtuel

Dans le cadre de la dématérialisation,
la question du packaging d'un jeu ne se pose plus. Les alternatives
existent encore « en dur » mais déjà certains produits ne sont
disponibles qu'en téléchargement, tels que la plupart des DLC et des
jeux indépendants. Outre la difficulté de jouir d'un jeu à son entente
que cela sous entend, le premier constat qu'on peut en tirer c'est la disparition du fameux manuel de jeu.

Ce dernier était d'ailleurs d'actualité
il n'y a pas si longtemps, Ubisoft ayant annoncé la
suppression des manuels des jeux PS3 et Xbox 360. Au fond, cette
décision est la conséquence logique de leur baisse de qualité ces
dernières années : de l'ordre de quelques pages dans les pires cas. Sur
PC, la dématérialisation des biens est plus communément acceptée, et des manuels en PDF sont parfois proposés pour les jeux en téléchargement,
comme par exemple dans le cas de Battlefield Bad Company 2. Mais lire sur un écran est vite fatiguant et les
FPS ne sont sans doute pas la catégorie de jeu qui gagne le plus à avoir un manuel. En tout état de cause, l'accessibilité de la plupart des
jeux de Ubisoft ne devraient pas avoir à en souffrir : la majorité de
leurs titres sont résolument tout public, faciles à prendre en main et
dotés d'explications plus que suffisantes. A l'inverse, des genres comme les jeux des gestion, de stratégie, de simulation ou encore les RPG
sont généralement plus longs et plus complexes à appréhender, et les
trois premiers d'entre eux se trouvent surtout sur PC. Reste que les
jeux console implémentent quasi systématiquement des phases de jeux
visant à se familiariser avec le gameplay. Si celles-ci sont les
bienvenues, on regrettera tout de même qu'elles soient si souvent
obligatoires.

En fait, si la notice n'a jamais été
indispensable à l'appréhension des mécaniques de jeu, c'est que la
majorité des jeux reposent sur des choses déjà faites, et que par la
même occasion, personne ne s'est jamais donné la peine de
« révolutionner » sa condition de simple manuel d'explication. Quelques
jeux ont fait valoir des choses intéressantes, tels que Gears of War 2,
avec un préface de Cliff Bleszinski, à l'image d'un livre, mais le manuel et le packaging en général restent généralement très consensuels. Heavy Rain, pourtant,
vous invitait il y a peu à faire un origami le temps de l'installation
sur le disque dur, une activité simple et amusante autour du titre. Et
plutôt que de chercher de nouvelles manières de valoriser le contenu des jeux, les éditeurs ont semblé vouloir s'orienter vers de nouvelles
habitudes : des éditions collector parfois difficilement justifiables et qui ne font qu'ajouter de contenu et des aides de jeu encore plus
intrinsèquement lié au jeu. Ce qu'on observe, au fond, c'est une
transposition du virtuel au réel. La disparition de la notice et les
tutoriels intégrés sur Wii sont autant d'initiatives visant à s'éloigner des carcans habituels pour se diriger un peu plus vers une
dématérialisation avancée. Même notre argent fait de même : carte bleue, points. Ce sont les premiers symptômes d'une « virtualisation » de
l'activité de jeu transcendée par notre avatar.

Les jeux disponibles dans la
distribution classique semblaient pourtant pouvoir jouir d'une vraie
valeur ajoutée qui leur donneraient une place dans toute collection
digne de ce nom. Au bas mot il serait au moins possible de les revendre. Mais des initiatives comme celle d'Ubisoft semblent vouloir soustraire
ce qui forme encore aujourd'hui un plus à l'achat d'un jeu. C'est
d'autant plus anachronique quand on considère que l'éditeur en question
investit déjà de l'argent pour faire la chasse aux « pirates », quitte à pénaliser les acheteurs légaux. A terme ces nouvelles politiques
risquent de créer des clivages toujours plus radicaux entre nouveaux
joueurs et anciens : les uns, toujours plus émerveillés pour toutes les
possibilités qu'offre aujourd'hui le jeu, les autres, réfractaires,
comme pour mieux enlacer le bon vieux temps. A moins que vous ne soyiez
entre les deux ?

Memento

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