C'est probablement la médiocrité intellectuelle ambiante qui
me pousse à dresser un tel constat. Les Français font
perpétuellement des confusions de mots, et à travers ces mots, de
concepts. Signe suprême d'une ignorance ravageuse, les incultes
posent fièrement
avec sous le bras le mot récemment appris histoire
de montrer à qui veut bien les regarder l'étendu de leur savoir. Je
m'explique.

Lorsqu'on est jeune, fougueux, et un peu con sur les bords, on n'a bien
souvent à la bouche que le mot romantisme. Les médias, collant
toujours au plus près des aspirations du public, ne cessent d'ailleurs
d'utiliser eux aussi ce concept du romantisme à tord et à travers. C'est que notre époque a tendance à galvauder les mots. Le romantisme, ce n'est pas un bouquet de roses rouges qu'on vient d'acheter
chez les fleuristes moyennant quelques euros. Ce n'est pas un dîner aux
chandelles qui coûte la peau du cul dans un restaurant. Le romantisme à
la française, il faut donc relire Chateaubriand ou Musset, c'est la souffrance (car le désir est souffrance), la mélancolie, le
mal de bide. Une phrase de Chateaubriand dans ses Mémoires
d'outre-tombe
résume parfaitement ce qu'est ce romantisme made in hexagone :

Il me souille avec leur bêtise

" Je me suis rencontré entre deux
siècles comme au confluent de deux fleuves ; j'ai plongé dans leurs eaux troublées, m'éloignant à regret du vieux rivage où je suis né, nageant
avec espérance vers une rive inconnue
."

Pour rester dans le même esprit, il faut savoir que les jeunes idiotes
qui écrivent, en entourant le tout de cœurs boursouflés de naïveté, sur
leur agenda "Le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas"
n'ont pas compris Les Pensées de Pascal. Car chez Pascal le cœur ce n'est pas cette pompe à sucre vissée dans votre buffet,
c'est la foi. Pascal oppose la foi à la raison, la foi
étant au-delà du raisonnement intellectuel, laborieux et minutieux.

La foi les amis, la foi !

Autre concept incompris, l'épicurisme. Si vous croisez quelqu'un, au cours d'une soirée ou chez le boulanger mais c'est plus rare, qui
vous dit "Moi j'aime bien manger, boire, je suis un épicurien".
Soyez certain d'une chose, ce couard n'a jamais lu Épicure. Il
faudra alors lui conseiller de se procurer Les Lettres d'Épicure pour deux ou trois euros dans sa version poche. Le philosophie de
l'antiquité définit sa notion de la fête comme un repas incroyablement
austère. Un peu de pain, du fromage et au lit. Si l'on veut parler du
plaisir de bien manger et de bien boire, il faut se définir comme un
partisan de Dionysos et aller du côté de la mythologie.

 Je ne suis pas
Dionysos bordel de merde !

Enfin, pour clore cette petite énumération, si votre ami récidive,
histoire de légitimer les restants de culture qui lui collent encore au
fond du cerveau, en vous disant qu'il est athée et donc cartésien faites moi plaisir. Coller lui donc un beau coup de pied au cul. Une
des premières choses que démontre Descartes dès le début de son Discours de la méthode, c'est que Dieu existe.

Vraiment, y a des claques qui se perdent.

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