L'humour n'est pas une chose aussi répandue que cela finalement dans les jeux vidéo, où les genres dominant actuellement restent l'action frénétique, le drame et la réflexion.

Cela n'interdit bien sûr pas de petites touches d'humour de temps en temps, histoire de détendre ponctuellement l'atmosphère d'un jeu en plein milieu d'une fusillade, ou de petites perles burlesques comme WORMS ou les Lapins Crétins, mais au final, la grande époque des jeux consacrés entièrement au genre de la comédie est révolue, disparue avec la glorieuse époque du jeu d'aventure à la Lucas Arts.

Pourquoi est-il devenu si difficile de nos jours de faire un jeu réellement drôle ? Qu'est-ce qui a changé dans le jeu vidéo pour que le comique ait plus de mal à fonctionner ? (attention, comme tous les papiers parlant du rire, je ne serai pas forcément drôle..!)

L'humour à la base est une posture mais aussi et surtout un moyen d'expression : son objectif est de déclencher le rire et comme tout moyen d'expression, il correspond donc à un langage. Ce langage comprend des éléments et des outils destinés à susciter le rire.

C'est la spécificité du mode d'application de ces éléments de langage dans le jeu vidéo qui intéressent mon propos ici, ou plutôt devrais-je dire, la façon dont ils doivent être adaptés pour fonctionner correctement.

Amener le rire

Pour commencer simplement, le simple fait d'ajouter des dialogues comiques dans un jeu vidéo ne suffit pas, ou plutôt, cela ne suffit plus. La semaine dernière, je vous parlais de l'intérêt ou non du doublage dans les jeux vidéo. Or, cette évolution vers les jeux de plus en doublés a aussi eu un impact sur le langage humoristique : autrefois essentiellement textuels, les "gags" sont devenus de plus en plus sonores et visuels. Or, cela signifie un traitement différent du simple affichage de lignes de dialogue.

En effet, ce contenu humoristique doit être délivré correctement pour fonctionner. Dans le cas présent, il convient donc d'offrir à nos dialogues un doublage de qualité, avec des acteurs susceptibles de les faire fonctionner. Et même si vous castez un excellent acteur, il restera à le diriger au niveau du rythme, du ton, de l'inflection et à ce niveau, la marge de manoeuvre peut se révéler extrêmement réduite dans les jeux vidéo, où chaque ligne de dialogue est séparée de la suivante par une brève pause.

A ce titre, les jeux de rôle sont un cadre particulièrement difficile, alors que l'on doit patienter entre chaque phrase pendant le choix de notre prochaine branche de la conversation. Cela brise le rythme de la blague ou de la scène.

Vous remarquerez ainsi que dans un jeu comme Dragon Age : Origins, les séquences les plus comiques ne sont justement pas les dialogues que vous pouvez avoir avec les autres personnages (quoique ceux avec Alistair et Oghren peuvent être excellents) mais plutôt ceux qui ont lieu directement entre les différents membres de votre équipe pendant que vous vous balladez : en isolant le dialogue et en faisant en sorte qu'il respecte son rythme naturel, on rend alors grâce à la qualité du doublage. (d'ailleurs à ce propos, mention spéciale aux dialogues entre Oghren et Wynne, clairement les plus hilarants de tous)

Surprise, surprise

Un autre élément du langage humoristique est le détournement, qui consiste à surprendre le spectateur en proposant une issue inattendue à une situation. Vous connaissez la routine, elle est quasiment l'élément comique le plus utilisé dans les sitcoms classiques (Friends, je te vois !) et les one-man-shows.

Le souci, c'est que cette routine s'appuie sur un public passif, ce qui n'est absolument pas le cas du jeu vidéo où le joueur est au contraire au coeur de ce qu'il décide entendre et voir : si vous permettez au joueur de choisir ce qu'il peut entendre et voir, dès lors l'introduction et la présentation d'une blague seront fort compromises...

Cela dit, les jeux les plus drôles que je connaissent ont su en tirer leur parti. Des monuments cultes tels que Monkey island et Day of the Tentacle usent et abusent des détournements, surprenant réculièrement les joueurs par l'issue comique de nombreuses situations. C'est une routine classique : au lieu de faire ce que le sens commun dicterait, n'importe quel objet débouche sur une utilisation volontiers loufoque et fantaisiste, accentuant d'autant le burlesque. (genre Laverne qui doit récupérer un drapeau pour se déguiser en tentacule...)

Plus récemment, souvenez-vous de Katamari Damacy, que je ne peux qualifier autrement que comme un véritable OVNI vidéoludique : vous aurez ainsi à y récupérer les objets les plus bizarres pour grossir votre "boule", des gratte-ciels aux nuages qui passent. Idem avec les Lapins crétins, qui s'appuient fortement aussi sur le burlesque.

A ce niveau, les jeux vidéos continuent de s'en tirer honorablement, je pense. En effet, il n'y a pas vraiment de quoi brider l'imagination des scénaristes.

De la répétition à l'ennui

Le problème des jeux vidéo, et je l'avais déjà abordé avec mon article Dernier Combat, c'est qu'ils tendent à la répétition. A chaque fois que vous perdez et mourrez, il faut recommencer.

Or, la répétition est un réel tue-l'humour.

Car contrairement à ce qu'on pense, le comique de répétition marche très mal dans les jeux vidéo, surtout quand il s'agit de réentendre les mêmes dialogues encore et encore. C'est drôle la première fois, mais la huitième ? Rares sont les blagues à être toujours aussi drôles à la seconde écoute.

La seule alternative est de trouver un moyen de briser cette répétition du jeu vidéo : pour le coup, je vous avoue que je ne connais pas d'exemple où un jeu se permet de briser la mécanique de répétition juste au nom de l'humour mais si vous avez des exemples, je suis preneur.

La seule alternative qui me vient à l'esprit consisterait à multiplier le contenu afin de compenser la monotonie de la répétitivité, et ainsi garantir une certaine quantité de contenu "inédit" malgré les moments de répétition - or, la quantité de contenu dont peut se doter un jeu reste limité (j'en parlais d'ailleurs aussi la dernière fois).

Cela montre bien la taille de ce dernier obstacle qu'est la répétitivité : dans les anciens jeux d'aventure/rpgs, on rejouait plusieurs fois afin de découvrir les différentes alternatives qui nous attendaient. A l'inverse, de nos jours, la rejouabilité tend vers la peau de chagrin, certainement à cause de cette limitation de quantité de contenu - condamnant les jeux à autant moins d'humour.

Et vous, quels ont été les jeux les plus drôles auxquels vous ayez joué ?

P.S. : En bonus final, les 10 meilleurs dialogues d'Oghren :