Comme vous le savez sans doute, Satoshi Kon nous a quitté cette année, nous amputant d'un des grands noms de l'animation japonaise. Pour ceux qui ne connaitraient pas l'œuvre du monsieur, je vous invite à vous renseigner sur ses différents films et séries. Afin de vous en donner un aperçu, je vais aujourd'hui vous parler de Perfect Blue, son premier film d'animation.

Qu'est donc Perfect Blue ? Un film d'animation vous l'aurez compris, mais contrairement à beaucoup, il tient plus du film tout court qu'autre chose. Basé sur une light novel et prévu pour être un "live action direct to video" (en gros un film qui sort directement en cassette ou dvd), un tremblement de terre contraint le studio, faute de moyen, à en faire une adaptation animée (et personnellement je ne m'en plaindrais pas vu le résultat, bien que j'adore le cinéma asiatique).
Perfect Blue est produit par le studio Madhouse, à qui l'on doit Black Lagoon, Death Note, Trigun et bien d'autres animés super classes et super biens. Il est dirigé donc par Satoshi Kon, et sortira pour la première fois en 1997 sur les écrans japonais, après un passage au Fantasia Festival à Montreal (où il a raflé quelques récompenses) .


Le groupe CHAM!, Mima au centre

Contrairement à mon habitude, je vais tout d'abord vous parler des graphismes et de la bande-son, et ce tout simplement parce que je trouve qu'avoir ces parties après la présentation et la dissection du film ferait perdre de l'intensité au gros de l'article.

Soyons honnêtes : du point de vue de l'animation et du dessin, Perfect Blue accuse son âge.
Si les décors sont plutôt bien faits et réalistes, il n'en reste pas moins que les couleurs paraissent délavées et sans saveur, ce qui contraste énormément avec l'animation actuelle. L'animation est ce qu'elle est, c'est à dire celle de l'époque (Berserk avait les mêmes défauts), mais là c'est la technologie qui faisait défaut.
Là où le bât blesse, c'est au niveau du chara-design. Certes la plupart des personnages ont un design classique pour les années 90, mais certains sont... too much. Le stalker (j'en reparlerai) a l'air de tout sauf d'un être humain, avec ses yeux situés à l'extrême opposé l'un de l'autre et sa dentition digne des dents de la mer, il a tout du poisson. Rumi aussi possède quelque chose de bizarre,la forme de sa tête et son corps paraissent contraires au bon sens. Bon pour le stalker on comprend qu'ils veulent mettre l'emphase sur son côté repoussant et fou, mais ils en ont clairement trop fait, au point qu'on ne le range pas dans la catégorie "humain". Allez tout de même, bon point pour Mima dont les états émotionnels sont parfaitement bien rendus.


Un léger dédoublement de personnalité ?

La bande son est plutôt bonne, les chants de CHAM! pourraient être chantés par n'importe quel groupe de pop idols japonaises. Le reste de la bande son contribue à renforcer l'ambiance dégagée par le scénario. Certaines chansons de CHAM! placées stratégiquement renforcent le côté psychotique de certaines scènes, c'est un plaisir de voir que la bande son, comme dans n'importe quel film à suspense, est réglée au millimètre pour instiller les émotions chez le spectateur.
Le doublage est du même acabit que l'OST, et les seyuus nous offrent un jeu digne des meilleurs animés et films.


Pas sympa pour la femme de ménage tout ça

Maintenant que vous savez tout du côté technique, passons aux choses sérieuses : qu'a ce film de si exceptionnel pour que Volken nous en parle ?
Commençons par un petit synopsis histoire que vous sachiez à peu près de quoi je parle.
Perfect Blue suit l'histoire de Mima, une pop idol faisant partie du groupe CHAM!. CHAM! est un petit groupe plutôt méconnu, qui possède son quota de fans (et de stalker) sans parvenir à décoller. Contrairement à toute attente, Mima décide de quitter CHAM! pour devenir actrice. A partir de là c'est une virée en enfer pour elle : menaces de mort, lettre explosive, website détaillant sa vie par quelqu'un se faisant passer pour elle, apparemment certains fans n'acceptent pas son changement d'orientation et veulent qu'elle redevienne leur idole. Histoire d'en rajouter une couche, Mima regrette son ancienne vie, ses débuts de carrière étant plutôt difficiles.


Etre actrice au japon, c'est aussi faire des photos dénudées apparemment...

Autant vous le dire tout de suite, les 20 premières minutes de film ne vous le feront pas paraitre comme le thriller et film d'horreur qu'il est. Le stalker est bien là, mais on reste gentillets. De même Mima, bien que sur les nerfs et affectée d'une légère paranoïa, garde les pieds sur terre et ne cède pas à la panique.
Car oui, sous ses airs de documentaire sur une idol, Perfect Blue est un film d'horreur psychologique. Et même un film violent. Je remercierai d'ailleurs le fait que ce ne soit pas un film, car la scène du viol, même si elle est jouée (pour une série TV), est particulièrement inconfortable à regarder. Les autres scènes restent dans la violence classique, une sorte de démonstration d'utilisation de pic à glace.
Bref, revenons à Mima. Au fur et à mesure que les choses dérapent et lui échappent, celle-ci perd peu à peu le contact à la réalité. C'est bien simple, on oscille sans cesse entre la réalité et la vision que Mima en a, et celles-ci sont de plus en plus mêlées. Les transitions sont remarquablement bien faites, avec ces coupures où Mima se réveille, sans qu'on sache si la scène précédente était réelle ou non. Ne pensez jamais avoir compris ce qui s'est passé, vous pourriez vite déchanter ! Les contradictions entre les différentes versions sont légions, et on finit tout aussi confus que Mima, à chercher à démêler le réel de l'illusion, et à trouver qui est le vrai coupable.


La perturbante scène de viol dans la série où joue Mima

Scénario, mise en scène et découpage sont du grand art, on a vraiment là la quintessence du thriller psychologique, je défie quiconque d'arriver à trouver le pourquoi du comment en se basant simplement sur ce qu'il voit. On a là le genre de film qui demande un second visionnage pour espérer tout comprendre, car vous aurez votre part de moment WTF?!. Perfect Blue enterre bien des films à ce niveau, mon seul regret étant ses graphismes pauvres, mais pris dans l'histoire on arrive à les mettre de côté. Madhouse et Satoshi Kon ont réussi à sortir des sentiers battus avec cet animé original et parfaitement maîtrisé, chapeau l'artiste. Si vous ne l'avez pas vu, regardez-le, si vous l'avez déjà vu, regardez-le encore, en tous les cas, merci Mr Satoshi Kon, reposez en paix là où vous êtes.