La première fois que je découvrais les Lemmings, c'était au début des années 1990, sur Megadrive. Ce dont je ne me doutais pas à l'époque, c'est que ces petites bêtes stupides étaient aussi la conclusion d'un grand débat sur la quantité minimale de pixels nécessaires pour caractériser correctement un personnage fait de pixels à l'écran (le débat s'est d'ailleurs clos sur la taille de 8x8 pixels). Vingt ans après, je vous propose de revenir sur ce débat.

La discussion initiale s'est naturellement posée suite aux contraintes techniques de l'époque : une palette de couleur restreinte, de la mémoire et de l'espace disque en quantité limitée. Dès lors, le souhait d'atteindre une performance optimale en utilisant chaque petit octet de la façon la plus efficiente possible força donc les développeurs et character designers à s'interroger sur la meilleure façon de représenter un personnage à l'écran, de manière à ce qu'il soit le plus immédiatement reconnaissable.

En bref, au lieu de se demander le maximum de de données qu'ils pouvaient faire rentrer dans la mémoire disponible, les développeurs ont plutôt cherché la façon de donner le maximum de personnalité possible à un sprite.

A ce titre, des décennies plus tard, le design de Mario reste un modèle. Sa casquette et sa moustache permettaient en effet d'éluder d'éventuelles animations faciales ou capillaires, tandis que les gants blancs permettaient de distinguer ce qu'il était en train de faire.

De façon claire, ces contraintes techniques ont encouragé un character design inventif, et cette volonté d'obtenir plus que la simple somme des parties a débouché sur la création de nombreux personnages venus enchanter notre univers : les lemmings, Mario, Sonic, Link, Ryu, Blanka, Chun Li, Samus, Bomberman - tous ne sont que la partie la plus émergée des personnages inoubliables du gaming.

Du coup, si on compare le nombre de ces personnages d'hier avec ceux des jeux d'aujourd'hui, on remarque que, hormis quelques exceptions de taille, la plupart des personnages les plus frappants ne sont rien de plus que des réitérations.

Bien évidemment, il est possible qu'une petite once de nostalgie embrume mon jugement. De manière évidente, je ne cèderai pas à la facilité de dire que "tout était mieux avant" (Cabrel inside), mais je vous avoue qu'il m'est difficile de croire qu'on se souviendra encore d'un personnage comme Blinx dans 30 ans... Pareil pour le héros de Ape Escape, le petit Spike (bien que le reste de la galerie de primate soit très réussie) et même Nathan Drake, malgré le doublage très professionnel, paraît finalement assez fade et générique.

La principale raison que je vois à cette évolution, est que le design actuel s'axe désormais plus sur la technologie plutôt que sur le caractère. Or, couvrir un personnage sans personnalité réelle de fioritures graphiques et autres vêtements complexes animés dynamiquement ne suffira pas à masquer l'absence d'âme - comme on dit, cela revient à appliquer une couche épaisse de maquillage sur la visage d'une vieille moche : aucune quantité de maquillage et de décoration ne pourra compenser le manque de charme...

Même alors, la charme d'un personnage classique peut être diminué par exagération technique - dans le genre de Pac-Man World. Malgré tout, la plupart du temps, un bon design déclenche une réaction positive immédiate, et dès lors avec le temps, les goûts prosaïques du public mainstream ont perdu en variété (ou du moins, en terme de succès commerciaux), débouchant sur la mode actuelle des héros soldats sur-stéroïdés dotés d'armements disproportionnés, de Gears of War à Darksiders.

Vous me direz, oui, certes, ce genre de personnage existe depuis longtemps : je repense ainsi avec émotion à ce cher Marco Rossi de Metal Slug - mais qui osera prétendre que Marco a moins de charme par pixel que n'en rassemble un Marcus Fenix ? Franchement ?

Heureusement, tout n'est pas perdu. Après tout, le plus grand triomphe de la dernière décennie en matière de character-design moderne est sans doute le petit Sackboy de Little Big Planet, propulsé depuis au rang de mascotte de Sony : avec son design ultra-simplifié combiné à un habillage personnalisable, peu importe l'incongruité des vêtements que vous lui infligez, son charme demeure. A une époque où les mascottes ont perdu de leur importance (oui, c'est bien à toi que je pense, Sonic !), le petit Sackboy a réussi à obtenir le statut de mascotte non-officielle de la PS3.

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De nombreux autres exemples de très bons characters designs peuvent être trouvés de nos jours - et cela continuera tant que les artistes garderont à l'esprit les leçons héritées du passé. Et vous, quels sont vos character-designs préférés ?