Depuis le temps, vous devez certainement savoir que je suis du genre (un peu trop) nostalgique. Or, il s'est passé quelque chose ce week-end : je me suis rendu compte que j'avais passé trop d'heures sur Final Fantasy XIII. En étant loin de l'avoir terminé. Et là je me dis, mon vieux, si tu en viens à passer tant d'heures sur un jeu pour au final ne pas vraiment t'amuser, c'est qu'il y a quelque chose qui cloche.

Beaucoup me disent que c'est la faute du jeu, qu'il est nul. Ok. Pour ma part, j'ai voulu lui donner sa chance. Au final, je crois que le problème ne vient pas du jeu. Il vient de moi.

Laissez-moi m'expliquer.

Quand j'étais petit, j'avais la chance d'avoir une console, la Sega Master System (oui, je suis un segamaniaque reconverti). Or, j'étais alors littéralement le parangon du branleur-né. Imaginez : je n'avais pas de boulot, je passais mes journées à traîner sur le canapé du salon à regarder la télé quand je n'étais pas dans la rue à errer avec quelques compagnons d'infortune. Certaines semaines, j'avais la chance de mettre la main sur quelques sous, mais cet argent ne servit jamais à quoi que ce soit d'utile. Comme la plupart des enfants de sept ans, je n'étais rien d'autre qu'une charge pour la société et ses parents.

Ma famille étant d'origine modeste (ok, ok, patientez encore un peu, la séquence cosette est bientôt terminée), il y avait une règle absolue qui régnait, entière et totale sur mon gaming-world : plus le jeu était long, mieux c'était. Après tout, j'avais beaucoup de temps libre, et mes parents n'avaient pas les moyens de m'acheter un nouveau jeu chaque semaine. Alors les quelques jeux que j'avais, je les usais jusqu'à la moëlle. Wonderboy 3, Golvellius sur SMS. Plus tard les Shining sur Megadrive, et autres Landstalker. Un été entier sur Zelda et Secret of Mana, et les Final fantasy, et...

Vous l'avez compris, c'était un véritable règle de pensée que j'avais intégrée.

Les jeux n'étaient pas une chose facile à obtenir : il fallait boire la coupe jusqu'à la lie, parce que Dieu seul savait quand vos parents allaient pouvoir vous en acheter un nouveau. Plus un jeu était long, plus on en avait pour son argent (ce qui, au passage, m'a naturellement orienté vers le genre des rpgs...).

Cette mentalité propre au contexte était donc tellement prégnante que si jamais un jeu se révélait trop court ou trop facile à finir, je le considérais alors avec stupeur, puis déception et dégoût. Je me souviens d'une fois où au supermarché, mes parents décidèrent de nous offrirent à mon frère et moi une copie d'Alex Kidd in the Shinobi World. Sitôt rentrés, nous nous empressâmes d'insérer la cartouche. Deux petites heures après, nous avions fini le jeu.

Deux. Petites. Heures.

Ma mère nous gronda d'avoir fini le jeu si vite - mes parents tentèrent le lendemain de ramener le jeu au magasin mais évidemment, ça ne marcha pas. Vous l'aurez compris, c'est le genre d'événement qui pousse à "l'économie".

Puis, en grandissant, le nombre des jeux auxquels je pouvais jouer lentement s'amenuisa. Certes, un jour, j'eus mon premier boulot et pus m'acheter mes propres jeux. Je n'étais soudain plus prisonnier du carcan du calendrier, de Noël et des anniversaires, pour avoir un nouveau jeu. Mais parallèlement, c'était mon temps libre qui commença à poser problème. J'avais du rater quelque chose dans ma vie parce que je n'étais pas devenu un riche playboy se forçant à un régime strict de 8 heures de jeu par jour. Non, au lieu de ça, j'avais un boulot, des amis, une vie sociale.

Je comprenais alors qu'il me serait désormais impossible de trouver de grandes plages de jeu mais parallèlement, les jeux évoluèrent à leur tour, se rapprochant de mes besoin. Je parle de ces jeux que je peux stopper pour aller préparer le repas, mettre en pause quand la cohue des potes débarque. Des jeux qui doivent m'attraper et ne plus me lâcher. Des jeux qui respectent le fait que j'ai désormais plus dans ma vie que leur simple existence. Des jeux que je peux dévorer, digérer et laisser tomber plutôt que des jeux demandant des mois pour être terminés.

J'avoue, il y a bien eu une "étincelle" entre FFXIII et moi - j'appréciais son impatience à me jeter dans l'action. Après quelques heures, malheureusement, notre relation commença à se déliter. Je commençais à avoir l'impression de devoir être disponible des heures d'affilée pour pouvoir retirer quoi que ce soit du jeu, me punissant pour chaque minute où je n'y jouais pas : "Tu ne peux pas t'arrêter de jouer, tu dois continuer jusqu'au prochain point de sauvegarde - autrement tu auras passé tout ce temps pour rien !" "Si tu t'arrêtes maintenant, tu ne pourras pas choisir la composition de ton équipe !" "Ok, va jouer à AION. Tu n'atteindras pas le Level 11, que tout le monde dit génial !" "Comment ça tu n'as pas aimé le Level 11 ? Oh, mais c'est parce que tu as joué de la mauvaise façon pendant 35 heures !" Ok, c'est là que ça a commencé à me saouler.

Final Fantasy XIII a passé son temps à me promettre qu'il allait être meilleur, sans jamais reconnaître les sacrifices que je devais faire pour pouvoir y jouer "correctement" - c'est à dire, suffisamment longtemps. Chaque jour que je passais à me confronter à son tutorial stupidement difficile était un jour où je ne pouvais me consacrer à d'autres sujets qui m'auraient certainement plus, ben, *amusé*... Et la promesse de devoir jouer 40 heures avant de pouvoir enfin profiter du jeu me rappelle un peu trop les MMORPGs - auxquels je joue déjà de façon compartitionnée. Et finalement, ce n'est même pas un problème de taille du jeu : la façon dont j'ai joui de Dragon Age et autres Mass Effect le prouve. C'est en réalité un problème de gratification : un jeu doit m'amuser dès le début, ne jamais me promettre que le meilleur est à venir, sans jamais s'y tenir.

Si j'avais douze ans, aucun souci. Je me ficherais complètement de devoir passer 40 heures avant de pouvoir profiter vraiment du jeu parce que de toute façon, j'aurais eu l'intention d'y passer au minimum 100 heures : j'aurais recommencé le jeu pour profiter de mon expérience du premier run pour parfaire mon équipement, maximiser le niveau de tous mes personnages, épuisé tous les walkthrough auxquels j'aurais eu accès...

Mais je n'ai plus douze ans. Je n'ai plus le temps de me consacrer à ce "genre" de jeu. J'approche de la fin de FFXIII et on vient juste de me dire "Tu vas voir, juste après avoir battu le boss final, ça va être super, continue !" Le problème c'est que je n'en ai plus envie. Le jeu m'a perdu en chemin. C'est triste à avouer, mais ma vie est désormais telle que je ne peux plus la dédier à un seul et unique jeu à la fois. J'espère juste qu'il y aura, quelque part, un gamin de douze ans qui profitera réellement du jeu.

Mais je me dis que ce gamin doit déjà être en train de jouer à Modern Warfare 2.