Cette volonté de
simplicité et la pâte vintage de la réclame m'avait alors immédiatement donné l'idée
d'une fresque historique, sentiment confirmé par un titre ne laissant plus de
place au doute : Le discours d'un roi (The King's Speech dans la
langue de son Sa Majesté Victoria).

L'affiche anglaise du film

En amateur insatiable de films historiques et du jeu précis
et prenant de Colin Firth, s'était tout de suite imposé à moi la nécessité
d'aller en apprendre plus sur le personnage du Prince Albert Frederick Arthur
George de Galles, devenu par la suite le Roi George VI du Royaume-Uni et
Empereur des Indes (pompeux n'est-ce pas ?). Cette nécessité fût dument comblée
dimanche dernier, et je me propose de vous en faire un compte-rendu aussi
objectif et inspiré que possible. Where to start then?

Commençons peut-être par rappeler les grandes lignes de
l'intrigue pour ceux qui ne les connaîtraient pas encore. Nous sommes dans les
années 30 et le Prince Albert de Galles souffre d'un bégaiement développé dans
sa jeune enfance, bégaiement qui l'embarrasse fortement en l'empêchant
d'effectuer correctement les tâches publiques qui incombent à tout membre de la
royauté britannique (et qui a fortiori leur décombent). Il fuit ainsi les
apparitions tout en se soumettant à maints remèdes et manipulations inefficaces
à le guérir son affliction. Mais lorsqu'il comprend qu'Edouard VII, son roi de frère
aîné, ne restera pas longtemps sur le trône, il lui faut trouver au plus vite
une solution.

L'histoire nous expose alors la relation entre le future roi
Georges VI et un thérapiste aux pratiques peu conventionnelles, le sémillant Lionel Logue. Colin Firth est, sans véritable
surprise, exceptionnel dans son rôle princier. Il nous transmet parfaitement la
détresse, la colère et la peur d'un futur roi hanté par les brimades de son
enfance, démons passés qui s'expriment dans son bégaiement. Son interprétation
du défaut de prononciation de Georges VI est parfaite au point qu'on en vient à
comprendre au long du film les profondes racines psychologiques et traumatiques
d'une telle condition. Geoffrey Rush (que l'on connaît bien pour son
rôle de Barbossa) est lui aussi extraordinaire de psychologie, de calme
et de décontraction dans son rôle d'orthophonistes faisant face à un personnage
princier désemparé et enclin au défaitisme. Les deux acteurs construisent tout
au long de l'intrigue une relation complexe qui mêlera respect, paternalisme,
amitié et intime compréhension. Se conjuguent alors pour nous spectateur l'émotion
la plus complète et le rire, car ce duo magnifique se transforme en bien des occasions
en duo comique, utilisant à la perfection les arcanes de l'humour anglais,
piquant et noble. Helena Bonham Carter est plus oubliable dans son rôle
de Princesse Elisabeth, rôle qu'elle joue bien mais en y instillant une légère
pointe de suffisance qui parait parfois de trop dans cette peinture si digne.

Les premiers exercices d'un futur roi

Le film va bien au-delà d'une simple description d'une
relation d'amitié. Le réalisateur, Tom Hooper, semblait nous promettre
une fresque historique par sa réclame bigarrée, et c'est bien ce qu'il nous
propose. On découvre ainsi les us et coutumes d'une famille royale qui balance
alors entre traditions strictes et désirs d'émancipations. On en apprend
également plus sur le personnage d'Edouard VIII et sur les conséquences de ses
frasques sur la vie politique de l'île. Sont également traitées rapidement mais
efficacement les relations complexes entre le pouvoir politique britannique, la
famille royale et l'église anglicane. Mais, ce qui fait la véritable saveur de
cette œuvre historique qu'est Le discours d'un roi, c'est le ressenti
qu'elle nous donne de l'atmosphère qui régnait en Europe à l'époque: pacifisme
aveugle, montée sourde puis retentissante du nazisme, déclaration de guerre et
approche du Blitz. On comprend mieux pourquoi les britanniques et les habitants
des colonies anglaises d'alors se sont tournés vers leur roi dans ces sombres
heures et comment leur roi leur a répondu.

Bref, nous nous trouvons devant un film exceptionnel qui
sait nous montrer comment un détail de l'histoire peut gouverner à la destinée
des peuples. Des acteurs magnifiques et une réalisation posée et solennelle,
respectueuse des acteurs et de l'histoire, nous offre certes la fresque que
nous étions venus chercher mais nous emplit également d'émotions intenses et
variées dont on ne se lassera jamais. Un film à aller voir de toute urgence
donc, dans sa version originale bien entendu.