Annoncées comme condamnées depuis 2007, les consoles portables de jeux vidéo ne sont pas encore enterrées. Si elles subissent de plein fouet la concurrence sévère des smartphones, elles constituent toujours un emblème générationnel. Pour survivre et se réinventer, le marché doit continuer à évoluer, autant aux niveaux technique, que marketing et financier.

L’énorme succès du mobile gaming a contribué à la diminution de ce marché dont la mort est annoncée depuis 7 ans

 

Depuis la sortie du premier iPhone en 2007, les smartphones et tablettes envahissent notre quotidien. Le consommateur se trouve face à une proposition bien alléchante : le smartphone lui permet de téléphoner, travailler, contrôler ses appareils… et accessoirement jouer, avec cet avantage d’être connecté en permanence. Formidable opportunité pour le mobile gaming, qui offre une folle diversité de jeux à cycles de développement courts (soit plus économiques), accroche un public plus large de profil casual gamers et permet l’essor de nouveaux business modèles, tels que le free-to-play – comme les jeux Candy Crush et Clash of Clans – ou l’advergame. Le marché du mobile gaming passe de 8 milliards de dollars en 2011 à presque 13 milliards en 2014 et devrait atteindre les 23 milliards en 2018[1], soit tripler en 7 ans.

 

Face à une telle concurrence, la part des consoles et jeux portables dans le marché du jeu vidéo diminue fatalement. Selon l’IDATE, le jeu sur consoles portables – software et hardware – générera 13% de la valeur du marché global en 2017 contre 22% en 2013 [2]. Loin des 120 millions de Gameboy et autant de Gameboy Advance vendues dans le monde, des 150 millions de Nintendo DS ou des 80 millions de PSP, les consoles portables de dernière génération se sont vendues jusqu’ici à 54 millions d’exemplaires pour la Nintendo 3DS et 12 millions pour la PS Vita de Sony. La console de Sony, considérée comme un échec par toute l’industrie, a été délaissée par le constructeur dans les derniers salons mondiaux au détriment de sa PS4. Sony a d’ailleurs récemment annoncé qu’il ne développerait plus de jeux AAA sur la PS Vita.

 

Les consoles portables représentent encore un marché important que les constructeurs et éditeurs n’abandonneront pas

 

Si l’âge d’or des consoles portables est sans aucun doute dépassé, le marché mondial reste important en volume puisque l’IDATE l’évalue en 2014 à 6,3 milliards d’euros pour le software et à 7 milliards d’euros pour le hardware. Le succès est encore possible, comme le démontre la 3DS avec ses 54 millions d’unités vendues et une augmentation des ventes de jeux de 60% en France en 2013 selon le CNC (là où celles des jeux Vita ont baissé de 30%). Au global, le marché des softwares est stable ou observe une croissance modérée selon les années. Par ailleurs, au Japon, les joueurs sont toujours très friands de consoles portables.

Pas de raison donc que les constructeurs abandonnent ce marché du jour au lendemain. A quoi doit-on alors s’attendre ? Sony va-t-il soutenir la PS Vita, sortir une autre console ou laisser Nintendo seul sur ce marché ? La prochaine console portable de Nintendo réussira-t-elle de nouveau le défi de vivre en parallèle des smartphones et des tablettes comme a pu le faire la 3DS ?

 

Le marché doit se transformer avec un repositionnement du segment et un focus sur l’innovation 

L’une des rares informations délivrées par Sony au sujet de sa PS Vita est particulièrement intéressante : il s’agit de l’annonce du développement en cours d’une centaine de jeux par des studios indépendants. Souvent moins chers et plus originaux, les jeux « indie » sont très à la mode, comme en témoigne le phénomène planétaire Minecraft. Ils s’adressent à un public de joueurs généralement plus connaisseurs et ne sont pas soumis aux pressions financières et marketing des grands groupes. Ils constituent ainsi l’un des axes  possibles d’évolution du marché.

 

Le jeu sur console portable doit se différencier davantage  de celui sur smartphone ou sur tablette. Les joueurs sur smartphone et tablettes ont tendance à jouer plus régulièrement mais moins longtemps que sur les consoles dédiées, expliquant la popularisation des casual games et des free-to-play sur ce support. Pour autant, de nombreux gamers sont demandeurs de jeux complets après achat proposant une expérience originale, créative et immersive sans la frustration des free-to-play, et sont disposés à acheter une console portable dédiée leur offrant ces expériences. Un positionnement du segment vers les gamers avec un catalogue de jeux indépendants agrémenté de quelques licences fortes exclusives (Uncharted Golden Abyss est le jeu le plus vendu sur Vita) est une option possible pour le futur du marché portable. Le tout sans bien sûr négliger le public enfant qui ne dispose pas de smartphones.

 

Par ailleurs, pour se démarquer, les consoles doivent proposer un gameplay unique et innovant, inaccessible aux smartphones et tablettes. Sony et Nintendo l’ont déjà compris avec l’écran / pavé tactile de la PS Vita et la 3D stéréoscopique sans lunettes de la 3DS, innovations qui rendent la jouabilité plus agréable, amusante et immersive.

Pour autant, ces innovations ne doivent pas se faire au détriment du prix des machines. Il est impératif que les constructeurs proposent des consoles moins chères. La PS Vita était vendue 250€ à sa sortie et la 3DS 220€, prix trop élevés lorsque l’on a déjà acheté un smartphone ou pour certains segments de marchés à fort potentiel comme les pays émergents.

 

En synthèse, et même si nombreux sont ceux qui annoncent la mort des consoles portables, l’optimisme est possible quant à leur futur. Certes, elles continueront à perdre en importance relative dans le marché des jeux vidéos et n’afficheront pas les mêmes résultats que le mobile gaming, mais elles devraient pouvoir continuer à accueillir de nombreux jeux uniques, surprenants et intéressants qui trouveront leur public. Et dans le marché du jeu vidéo, ce sont avant tout les jeux qui font vendre les consoles.

 

[1] Selon un rapport de l’IDATE de janvier 2015
[2] En France, elle passe de 33% en 2008 pour le software à 25% en 2013 selon le CNC