C'est suite aux réactions suscitées par l'émission Arrêt sur Image, bel exemple au passage de ce manque de déontologie qu'elle entend dénoncer (sujet mal ou pas préparé, choix d'invités comme Usul finalement peu concerné par le sujet car non journaliste, "décryptage" du site de GB mais pas des autres...), que je me sens obligé de prendre la plume, car le sujet tourne et retourne dans ma tête.

Petite mise au point tout d'abord : la base du métier de journaliste, c'est de vérifier et recouper ses sources (ou de se déguiser et parcourir l'amérique à pieds, dixit Peter et Steven, mais je m'égare). Or, de plus en plus, le journalisme, et en particulier sur le net, provient d'informations de secondes mains ; comprendre reprises d'autres journalistes. Dans certaine (beaucoup ?) de rédactions, on commence la journée par lire Le Monde et l'AFP pour préparer les sujets. Cela est particulièrement vrai dans des domaines peu propices à l'investigation, comme la presse liée aux industries culturelles. Les éditeurs ne sont pas seulement la source principale de revenus des sites de jeux vidéos, ils sont aussi leur source principale d'informations. En gros, ce ne sont pas des domaines, du moins à mes yeux, ou la notion de journalisme est prépondérante en soi.

Quant à la publicité, ceux qui espèrent atteindre l'indépendance en persuadant Mutuelle du Mans ou Michelin d'acheter des espaces publicitaires sur un site de jeux vidéos peuvent se lever de bonne heure.

Mais surtout, la vraie cause qui me pousse à écrire cet article, c'est l'envie d'exprimer ceci : oui, la presse est dépendante. De ses lecteurs. Si les journalistes vont faire des tests dans des hôtels payés par l'éditeur, c'est parce que c'est tellement primordial pour nous d'avoir le test 24h avant. S'ils vont en voyage de presse aux frais de la princesse, c'est parce qu'on est désespérément à l'affût du moindre trailer (on commence même à voir des teasers de trailers, mais au secours !). La véritable pression sur la ligne éditoriale d'un site, c'est quand un dossier de fond ou l'interview d'un développeur fait dix fois moins de vues que la dernière rumeur fumeuse sur la next gen ou la liste des jeux préférés de Katsumi. Quand Gameblog en fait beaucoup sur Assassin's Creed III, c'est parce qu'on leur réclame du ACIII. Et ne nous leurrons pas, c'est grâce à ces articles là, qui font vivre le site, qu'ils peuvent présenter à côté des choses plus personnelles. Pour faire le parallèle avec un domaine que je connais mieux, l'édition, c'est parce qu'il sait qu'il va vendre des palettes du derniers Nothomb qu'un éditeur peut se permettre d'éditer une petite pépite qu'il vendra à 200 exemplaires. A côté de ça, évoquons aussi le conformisme des joueurs : quand Gameblog pousse un Heavy Rain, qui ne plaît pas vraiment à tout le monde, ce sont soit des bobos soit des corrompus ; quand Gamekult descends un jeu apprécié des masses, c'est pour se la jouer intransigeant ou pour le buzz. Même un mag comme Canard PC, s'il va souvent à contre-courant des autres acteurs du secteur, doit quand même plus ou moins carresser ses abonnés dans le sens du poil.

Oui, ce sont les éditeurs qui mettent les journalistes en porte-à-faux ; mais c'est nous, les lecteurs, qui ne leur donnons absolument pas les moyens de résister à ces pressions. Alors il n'y aura pas d'injonctions à la résistance, à la responsabilisation ou que sais-je encore. Juste une remarque : ce système "pourri" que l'on dénonce n'est pas un duo éditeurs-journalistes, mais bien un trio éditeurs-journalistes-lecteurs, où personne n'est tout blanc ni tout noir.

J'ai vidé mon sac, je peux donc retourner sereinement à ma chère console. Même si ce n'est apparemment plus trop la mode, je vais essayer de passer plus de temps à jouer aux jeux vidéos qu'à en parler.